
En Chine, les passagers du Shanghai express sont pris en otage par le chef de la Rébellion.
Shanghai express est un film étrange, à la fois comédie, film de guerre ou d'espionnage et film d'amour. En effet, le film débute comme une pure comédie avec ces occidentaux qui quittent Pékin pour rejoindre Shanghai à l'abri de la guerre civile, on y retrouve un officier français, une vieille anglaise et son chien, un américain, un médecin, un pasteur, un infirme, et deux femmes séductrices, une chinoise qu'on imagine courtisane et Shanghai Lily, une occidentale, il y a aussi ce chinois qui va se révéler être tout à fait autre que celui qu'il prétend être. Le film bascule alors dans l'horreur de la guerre civile, et dans la prise d'otage du Docteur anglais, le seul intéressant car il doit sauver la vie de quelqu'un d'important à Shanghai et semble être une bonne monnaie d'échange. Une fois cet épisode passé, on retombe dans la comédie et dans l'histoire d'amour pure.
On admire le génie de Sternberg dans les prises de vue de ce train, que ce soit dans l'esthétique rigide de l'exterieur des wagons ou la force locomotrice de la machine, dans la multitude de détails, cette foule grouillante qui va dans tous les sens. Il y a tellement d'action en même temps dans les scènes de foule qu'on ne sait plus où regarder, il y a aussi l'expressionnisme évident de la fusillade et cet enchainement de séquences les unes sur les autres, des fondus enchainés très lents, avec superposition des scènes.
On admire aussi la manière dont les cadrages sont faits à travers des poutrelles, des vitres, des voilages, amplifiant ainsi le côté "bizarre" et oppressant de cet arrêt prise d'otage. Il y a aussi cet humour qui semble plus anglais qu'américain avec cette vieille dame et son chien. Sternberg alterne en plus admirablement le huis clos du train et de la prise d'otage avec la grandiloquence des scènes de gare.
Et puis il y a Marlène Dietrich qui n'a jamais été aussi belle et bien photographiée que par son mentor, que dire de ses gros plans, la main tremblante tenant une cigarette, ou cette main et ce visage collés derrière une vitre. Elle est certes parfois un peu too much dans certaines expressions, mais passe quand même admirablement du drame à la comédie. Clive Brook fait irresistiblement penser à Herbert Marshall, et on se dit que ce dernier aurait sans doute mieux su rendre l'ambivalence de l'homme d'honneur et de l'homme amoureux, il y a aussi un tout jeune Eugene Pallette, grand second rôle du cinéma américain. Anna May Wong se montre ambivalente à souhait dans son rôle de "courtisane".
Sternberg réalise une fois de plus un film à l'esthétique magnifique, à l'exubérance assumée. Bref un superbe film.
