The Life of Vergie Winters d'Alfred Santell est un typique "véhicule" pour actrice. Comme la Warner avait Kay Francis et la MGM Norma Shearer, la RKO construisait des mélodrames, destinés en priorité à un public féminin, autour de la personnalité moins glamour et plus patricienne d'Ann Harding.
Vergie Winters (Vierge et Hiver .. dans un film de Goulding le personnage d'Ann Harding s'appelle carrément Mary White ... on n'est pas plus explicite) est donc un parfait tear-jerkers qui reflète idéalement la sensibilité du temps (1934). Les modèles sont évidents (
Madame X, La Faute de Madelon Claudet, Back Street ...), la postérité aussi (
A chacun son destin où on reprend le thème de l'enfant illegitime adopté ailleurs et dont la mère ne peut suivre le destin que de loin). Avec un soupçon de "scandale en ville" qui fait le piquant du film (comme dans
Les Murs de Jericho ) puisque le réalisateur s'applique, dès l'ouverture (une foule assiste au passage d'un corbillar), à croquer quelques figures marquantes du microcosme qu'on va nous représenter pendant 80 minutes. Le scénario (d'après une nouvelle de Louis Bromfield, l'auteur de la Mousson ou de Mrs Parkington) se focalise sur une silhouette spécifique, mais aére habilement la trame du film, grâce aux échappés vers des intrigues ou des personnages secondaires. L'intérêt principal du film réside, à mes yeux, non pas dans sa structure assez classique (une ouverture "contemporaine" avant un long retour en arrière "biographique") mais dans la manière dont le réalisateur a choisi de marquer le passage du temps à travers la mode, chose qui n'avait rien de spécifique à une époque où la nostalgie n'était pas de mise (ainsi Back Street est un bon exemple de ces films dans lequel le temps passe mais rien ne bouge). Comme Vergie tient une boutique de vêtements chaque changement de période est marqué par une visite de ses clientes venant se mettre au goût du jour (rituellement : années 10, années 20, années 30). C'est très joliment réalisé et suggéré.
Pour le reste tout est typique : ragots dans la ville, machinations, amours adultères mais sincères, vieillissement noble des héros, épouse aigrie et jalouse, enfant illégitime, femme qui se sacrifie (jusqu'à un point qui n'est pas sans évoquer le masochisme dans les dernières séquences où pas grand chose ne justifie son geste), morts dramatiques (deux, pleines d'impact d'ailleurs, par comparaison avec la narration sereine du film) etc etc etc ... Beau score de Max Steiner qui donne beaucoup de charme au film, quelques scènes marquantes dans le registre mélodramatique (la visite de la petite fille, en toute ignorance, dans la boutique de sa mère, les retrouvailles de la fin ...) et une interprétation irreprochable. John Boles était "l'homme fatal" du temps, c'est un bel objet de désir (on ne lui demande rien de plus), Helen Vinson est parfaite et les seconds rôles très efficaces. Ann Harding, enfin, malgré une lenteur expressive qui peut faire croire au statisme (certaines expressions peuvent rester figées sur son visage une seconde de trop) réussit l'épreuve de force haut la main et sa manière délicate d'interpréter le rôle donne d'autant plus de puissance aux moments les plus excessifs du film (elle a une scène de pleurs en prison réellement magnifique et très émouvante).
Bref un bon moment quand on aime le genre
