Aragorn Elessar a écrit :Ca n'évite pas les clichés du genre, et je trouve que ca frôle le ridicule parfois (voire tombe dedans une fois). Mais l'histoire, assez simple, reste très belle. Surtout dans son final magnifique. Et Portman délivre une prestation remarquable pour un rôle qui lui était destiné. La mise en scene d'Aronofsky, collant au personnage principal (mais sans le grain de photo réaliste de film indépendant un peu banal de The Wrestler) est tout à fait adapté. Un tres bon film au final, qui risque quand même de faire des déçus.
Je ne peux pas dire que j'ai été déçu, dans la mesure où je n'en attendais pas monts et merveilles. Pour situer un peu ma relation à Arronofsy, j'adore totalement
The Wrestler, et considère
The Fountain comme l'un des films les plus grotesques et risibles que j'aie jamais vu sur un écran. Les deux autres me laissent à peu près indifférent. Autant dire que j'étais ouvert à tout avec son dernier.
Me reste l'impression, comme tu le dis, d'un film qui enfile la plupart des clichés du genre : on est on terrain balisé dès le départ, on sait parfaitement où Aronofsky va nous emmener, tant il fait preuve (comme souvent) d'une lourdeur éléphantesque dans la formalisation de son propos. Pour un film qui vise, par son sujet-même, le vacillement, le vertige et la perte des repères, ça pose un léger problème. C'est un film qui bouffe à tous les rateliers : pêle-mêle, on peut citer Polanski (surtout
Répulsion et
Le locataire), Cronenberg, Powell, Argento évidemment, et bien d'autres... sans que jamais il ne parvienne à transcender la somme des références. J'ai eu l'impression de voir des morceaux entiers de ces films-là réutilisés tels quel, que ce soit dans les procédés de narration ou les motifs visuels. Sans déflorer l'intrigue, le film ne m'a jamais semblé se démarquer de la palanquée de psycho thrillers névrotiques dont le cinéma américain nous abreuve jusqu'à la lie depuis une bonne décennie maintenant : j'en ai soupé de ces éternelles variations sur le double, l'intériorité schyzo des personnages illustrée platement, avec twist identitaire potentiel à la clé (
Fight Club, The Machinist, Shutter Island, la liste est longue...). Aronosfsky plombe par ailleurs son film de quelques séquences désespérément plates et attendues pour illustrer le basculement et l'évolution de son personnage
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- (la scène d'ecsta ou, forcément, elle se lâche et chope le premier venu est forcément, filmée sous des strobos rouges hallucinatoires)
- ce genre de chose... On me rétorquera à juste titre que dans ces moments, le film ne fait rien d'autre que développer son sujet (la perte de l'innocence et ses corrolaires), mais je pense qu'il y avait matière à être moins attendu dans le traitement. D'une façon générale, le cinéaste me semble témoigner la plupart du temps d'un souci de performance qui m'agace souvent chez lui (
Requiem for a dream, The Fountain comme exemples canoniques) : il cherche à attiser le ressenti du spectateur au forcing à coups d'effets chocs calculés pour ça. Ca vient sans doute en partie de mes attentes de spectateur, mais je suis très peu client de ce genre de procédés.
Tout ça, c'est pour les défauts (il y en a d'autres).
Mais, mais, mais...
Black Swan est encadrée par deux séquences mémorables, qui parviendraient presque à faire oublier que ce n'est pas un très bon film. D'abord une ouverture scotchante de beauté graphique, où Aronofsky semble témoigner d'un vrai regard de cinéaste, d'une vraie originalité dans son appréhension du sujet : le ballet et le vertige auquel essaie de se livrer l'héroïne (entre féérie et cauchemar baroque). Et surtout un final impressionnant de virtuosité et de puissance lyrique, où enfin la grâce prend son envol, où enfin le cinéaste ouvre une brèche dans la litanie routinière de sa mise en forme. En une suite de plans-séquences jouant admirablement du jeu de vases communiquants entre scène et coulisse, entre imaginaire et réalité, Aronofsky orchestre une ascension qui tient à la fois de l'épiphanie et du requiem, sompteusement servi par un montage visuel et sonore assez vertigineux. Que ce soit dans l'audace de ses visions (la métamorphose
live de Nina sur scène) ou dans la sensibilité poignante avec laquelle il capte les émotions de sa protagoniste au coeur du tourbillon (ses larmes tristement séchées face au miroir, lorsqu'elle prend conscience de ce qui lui arrive - scène absolument superbe), le film frappe grand et fort. Alors la recherche de performance dans je parlais plus tôt atteint son but, parce qu'elle dépasse le stade de la démonstration petit bras de baguettiste roublard pour atteindre quelque chose de vraiment assumé dans son ambition opératique.
Voilà, bilan plutôt mitigé au final, donc. A développer éventuellement au moment de la sortie...