René Clair (1898-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: René Clair (1898-1981)

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La Beauté du diable (1950)

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Adaptation libre du mythe de Faust

René Clair signe tout bonnement un chef d'oeuvre. Le réalisateur a toujours été passionné pour le fantastique et le rêve que ce soit dans ses premiers films muets ou dans sa période américaine avec Fantôme à vendre, c'est arrivé demain, Ma femme est une sorcière, Belles de nuit etc. D'ailleurs le cinéma fantastique inspirait beaucoup les réalisateurs français que ce soit Carné avec ses visiteurs du Soir, Autant Lara avec Sylvie et le Fantôme, etc.
L'adaptation de Faust mêle habitlement fantastique et rêves. Le film mêle habilement la vie de Faust et de son Mephisto et les visions que celui-ci présente à son disciple. On admire autant la maîtrise technique avec ces trucages habiles qui permettent de passer du réel à la vision via des miroirs, que la maîtrise scénaristique et des dialogues. Il faut dire que le film est admirablement servi par ses deux interprètes principaux, Michel Simon en tête qui certes cabotine comme un malade, ah ses invocations à Lucifer, ou ses rires sataniques mais tout est génialement fait, avec ce diable qui attire à la fois sympathie et effroi. Naturellement le diable ne gagne jamais, mais ce Mephisto est diantrement séduisant. Gérard Philipe n'est pas en reste, on l'admire en diablotin du début, ou Faust redevenu jeune marchant encore comme le vieillard qu'il était, naturellement il a un côté très, voire trop théatral dans certaines de ses déclamations, notamment lors de l'évocation de la vie future qu'il redoute, mais le charisme de l'acteur est tel qu'on oublie ce côté-là pour retenir uniquement la jubilation que provoque la confrontation de ces deux monstres sacrés du cinéma. Il y a aussi le charme distant de Simone Valère, princesse idéale. Le personnage de Marguerite est par contre un peu trop effacé, volonté du cinéaste ou manque de personnalité de Nicole Besnard, peu importe, on admire aussi cette maîtrise de la caméra que ce soit dans les visions du palais, les visions du futur ou ce bal totalement dans son époque. Bref un chef d'oeuvre du cinéma français, à l'époque où celui-ci savait raconter des histoires irréelles avec la maîtrise technique de René Clair dont on retrouve le goût des poursuites finales avec ce diable pourchassé par la population en furie, ou cette évocation de la vie future d'Henri avec ces raccourcis. La copie du Blu ray est absolument magnifique et permet de revoir le film dans des conditions optimales, une autre grande réussite de la restauration avec French Cancan.
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Cathy
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Les grandes manoeuvres (1955)

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René Clair réalise ici un de ses plus beaux films avec cette comédie dramatique narrant les amours d'un bel officier et d'une jeune divorcée dans une petite ville de province. Le réalisateur joue habilement des décors et des costumes pastels opposés aux flamboyantes couleurs des uniformes des dragons. Curieusement les scènes sont toujours très épurées, avec des décors minimalistes ou qui se laissent oublier comme dans l'appartement de Marie Louise. Les seules scènes de foules compactes sont les départs aux manoeuvres ou la scène de l'église, même les deux bals semblent épurés. Comme dans la beauté du Diable, on remarque la maitrise de René Clair dans ces reconstitutions de bal 19ème, ambiance, musique. Naturellement il y a aussi les interprètes que ce soient les soldats où on remarque dans des petits rôles Daniel Ceccaldi, Bernard Dhéran, Jacques François en civil qui n'a rien à envier aux soldats, Pierre Dux en colonel de la Brigade qui doit réprimander ses officiers alors qu'il commet les mêmes exactions ou ces soeurs vieilles filles et odieuses interprétées par Lise Delamare et une Jacqueline Maillan méconnaissable, un tout jeune Claude Rich qui ne doit avoir que deux réplques. Il y a aussi Simone Valère excellente en épouse infidèle et remplie de fiel, Jean Desailly en homme fou amoureux mais dépassé par ses soeurs et dont la rebéllion tardive ne sera que pour faire du tort à celle qu'il aime, Dany Carrel, charmante en petite prostituée, Magali Noel en chanteuse dont la mélodie hante le film et puis naturellement la toute jeune Brigitte Bardot pleine de charme en jeune fille de bonne famille, Yves Robert en officier complice, Michele Morgan pleine d'élégance et Gérard Philipe, qui retrouve une fois encore un de ses réalisateurs fétiches dans un rôle sur mesure pour son tempérament de jeune premier. René Clair dépeint à merveille les on- et non-dits d'une petite vie provinciale fascinée par ses dragons mais pleine de méfiance et préjugés aussi vis à vis d'eux. Avec la beauté du Diable, René Clair réalise ici un de ses chefs d'oeuvre. Attention toutefois la copie René Chateau offre en fin, la fin alternative qui voit le suicide de Marie-Louise. Il semble que la nouvelle édition ait corrigé ce bug. On imagine aisément ce que rendrait une copie restaurée de ce film en HD !
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Cathy
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Fantomes à vendre, The Ghost Goes West (1935)

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Au 18ème siècle Murdoch Glourie, gentilhomme écossais est condamné à hanter son chateau pour lâcherie au combat. Deux cents ans plus tard, une jeune américaine convainc ses parents d'acheter le château au dernier des Glourie. Le Château est démantelé et envoyé aux USA ainsi que son fantôme.

René Clair réalise ici son premier film anglais. Il s'agit d'une comédie fort sympathique pleine de petites touches totalement anachroniques, mais le film dégage une bonne humeur permanente. Au contraire du fantôme, séducteur invetéré qui pour obtenir un baiser pose une devinette, l'héritier est maladroit et timide avec les femmes, ce qui permet des quiproquos quand le fantôme apparaît à la jeune femme. On apprécie surtout un humour assez britannique dans le film avec ces créanciers qui n'hésitent pas à faire le service pour compter tout ce que le jeune Glourie va dépenser. Il y a aussi le diner qui va révéler son lot de drôlerie
Spoiler (cliquez pour afficher)
Un des meilleurs gags est sans doute l'arrivée de ce jazz band noir en kilt venu interpréter des airs écossais tout en tournant autour de la table du diner
Robert Donat est excellent dans ce double rôle de fantôme séducteur et de ce jeune homme timide, Jean Parker est charmante dans son rôle d'ingenue tout comme Eugene Pallette est très bon en américain qui veut profiter du château pour faire de la pub. Car ce qui est au départ le coup de foudre d'une jeune américaine pour un endroit typique se révèle un outil de publicité.
On regrette que le film soit si court au demeurant 1h18, tant il passe vite et agréablement. Assez curieuse cette affiche qui semble évoquer quelques règlements de compte ou film noir alors qu'il n'en est rien !
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Ma femme est une sorcière, I married a witch (1942)

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Trois cent ans après leur exécution, les esprits de deux sorciers, un père et sa fille sont libérés de l'arbre où ils étaient emprisonnés. La fille décide de se venger du descendant de Jonathan Wooley mais elle en tombe éperdument amoureuse.

René Clair signe ici son avant-dernier film américain et c'est encore une véritable réussiste. Toujours passionné par le fantastique et le surnaturel, il nous concocte une rencontre entre un mortel et une sorcière. Il est même dit que c'est ce film qui servit de concept pour Ma sorcière bien-aimée, même si hormis la rencontre entre un mortel et une sorcière, rien d'autre n'est commun. Le réalisateur semble s'amuser dans cette histoire de sorciers qui doivent se réincarner par le feu, et se baladent à cheval sur un balai sous forme de petites fumées, une grande pour le père, une plus petite pour la fille. Il y a donc ce prologue, où on voit les descendants de Jonathan Wooley etre tous malheureux en amour comme le veut la malédiction lancée par la sorcière sur son bûcher et puis cette arrivée dans le monde contemporain où le sort va s'inverser. Le film fourmille d'idées et scènes fort drôles, comme la cérémonie de mariage et sa cantatrice fort digne qui reprend systématiquement son chant. Il y a tous ces effets spéciaux charmants, la petite musique qui accompagne les deux fantômes musique guillerette, il y a aussi et surtout Veronika Lake. Que dire si ce n'est qu'elle est la plus adorable des sorcières, avec ces "wizzzzz" quand elle se faufile dans les bouteilles, son charme, sa fraicheur et sa spontaneité. On comprend aisément comment Fredric March peut succomber à ses charmes sans potion magique et délaisser sa fiancée désagréable jouée par Susan Hayward. Il y a aussi Cecil Kellaway à la fois sympathique et odieux sorcier qui ne vit qu'à travers les mauvais sorts et la boisson et sa petite chanson, la fin est d'ailleurs particulièrement savoureuse. René Clair signe ici un très joli film, une fois encore très court, moins d'1h20. Et on quitte à regret les Wooley, même si tout est efficace ! Savoureux film de toute façon !
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C'est arrivé demain, it happened tomorrow (1944)

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Le jour de leurs noces d'or, un couple se remémore leur rencontre 50 ans plus tôt, et ce que la vision du futur a changé dans leur vie.


Pour son dernier film américain, René Clair cherche encore un sujet en liaison avec le "fantastique", et ici le fameux mythe de la connaissance de l'avenir et de son influence sur le présent. Il joue habilement du futur qui se crée dans le présent, et en relation avec le passé très récent. Le réalisateur retrouve ses fameuses poursuites finales, ici à travers des immeubles, des toits pour finir dans le hall de l'hotel "maudit". Il y a un esprit bon enfant dans ce film. Il faut dire que Dick Powell est un choix judicieux pour incarner ce sympathique journaliste qui anticipe l'action, et Linda Darnell est comme à son habitude sublime et pleine de charme en "voyante" de cabaret, les deux sont secondés par un truculent Jack Oakie en oncle de la jeune femme. Certaines scènes sont particulièrement savoureuses, notamment celle où la jeune femme grimée en homme rentre dans sa pension suscitant tous les commérages de ses voisines. Le rythme est enlevé et la comédie sympathique. Bref encore une très belle réussite à mettre au compte du réalisateur.
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La Belle Ensorceleuse, The Flame of New Orleans (1941)

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A la Nouvelle Orléans, une aventurière fait tout pour épouser un riche banquier, mais elle rencontre par hasard un marin sans le sou, ce qui va contrarier ses projets.

Tourné un an avant I Married a witch, René Clair signe ici une comédie sentimentale qui change de ses autres films américains axés sur le fantastique. Ici rien de tout cela, par contre la narration du film est assez intéressante, avec dès le début la découverte sur le Mississipi d'une robe de mariée, et une église où un marié attend une promise qui ne viendra pas. Du coup on nous conte ce qui s'est passé avant sous forme d'un Opéra avec l'allusion très claire à Lucia di Lammermoor, que ce soit par l'Opéra joué auquel on assiste ou toute l'histoire, même si la fin ne sera pas aussi tragique bien au contraire que dans l'Opéra, mais le parallèle est évident avec cette femme qui doit épouser un homme mais en aime un autre, des éminences grises qui mettent le "ver" dans la pomme, une dame de compagnie fort proche incarnée par l'esclave complice de sa maîtresse. Le film est assez curieux et est à la fois une réussite et un ratage. Côté réussite, on peut souligner une fois encore le sens évident du rythme de la comédie, les scènes aussi où le drame nait et la rumeur qui passe silencieusement de visage en visage alors que la jeune femme chante en s'accompagnant au piano. Il y a aussi cette facilité à filmer les scènes de foule, ou de bal. Côté échec, il y a surtout l'interprétation de Marlene Dietrich, on a du mal à croire à cette aventurière, on voit tellement qu'elle feint ses évanouissements ou qu'elle parle faux, qu'on se demande comment les autres protagonistes de l'histoire ne peuvent pas voir qu'elle n'est pas qui elle est. Par contre elle excelle quand elle devient la cousine gouailleuse, vulgaire qui est plus son registre habituel. Roland Young est par contre excellent en vieux banquier amoureux de cette beauté et prêt à se battre en duel dès qu'un mot de travers est prononcé sur sa fiancée. Le rôle du marin est assez curieusement construit, présent au début du film, totalement absent pendant une grande période puis de nouveau présent pour la conclusion, Bruce Cabot l'incarne non sans charme. Il y a aussi Misha Auer en commerçant russe, Theresa Harris est excellente en domestique complice, tout comme Anne Revere en soeur du banquier. René Clair excelle dans la confrontation entre ce milieu huppé américain et cette aventurière qui a bourlingué à travers toute l'Europe, le rythme est enlevé, mais c'est sans doute le film américain le plus faible du réalisateur, malgré des qualités indéniables dont une conclusion osée avec ce bras nu dans la cabine d'un bateau qui jette sa robe. En tout cas, un film agréable quoiqu'il en soit.
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Les Belles de Nuit (1952)

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Un jeune musicien Claude se réfugie dans ses rêves où surgissent les créatures qu'il rencontre quotidiennement. Fiction et réel se mélangent.

Tourné entre la Beauté du diable et les grandes manœuvres, les belles de nuit est également la seconde collaboration du réalisateur avec Gérard Philippe. Et on peut dire qu'à chaque fois, il fait mouche, chacun des trois films est un chef d'œuvre en son genre. Ici, René Clair joue habilement du mélange entre le réel et la fiction, s'il ne bascule pas dans le fantastique, il s'amuse de la confrontation entre personnages réels et vie onirique. Chaque détail de la vie du musicien se retrouve donc dans ses rêves, que ce soit pour son plus grand bonheur ou malheur. Le film tourne aussi des trois principales femmes de la vie du musicien, la mère d'une de ses élèves de piano, la jeune caissière d'un café, ou encore la fille du garagiste qui est amoureuse de lui sans lui avoir déclaré, il y croise aussi la guichetière du bureau de poste, ou ses amis fidèles et dévoués, même si certains n'hésitent pas à se moquer de lui comme ce pharmacien taquin mais finalement très attaché à Claude.

Le film est un petit chef d'œuvre aussi sur l'opposition entre les bruits et les silences. Dès les premières scènes, tout comme le héros, le spectateur est assailli par les bruits quotidiens de l'aspirateur au marteau-piqueur, en passant par les réglages du moteur, les enfants qui jouent, qui rient. Sans le savoir, tous ces bruits vont avoir une importance dans un des derniers rêves de Claude. Le film est aussi une petite merveille de drôlerie, notamment par les seconds rôles, notamment Raymond Bussières en meilleur ami qui comme Yves Robert dans les Grandes manoeuvres jouera sur la complicité amicale avec le héros ou encore le Directeur de l'Opéra qui ne s'exprime qu'en chantant. D'ailleurs le film peut parfois apparaître à la limite de l'Opérette, vu que les rêves de l'artiste sont très musicaux.

Il y a aussi ce travail sur les décors, tourné en studio, le film oppose la petite rue où vit Claude, suffoquante, oppressante aux décors blancs et lumineux des différents rêves, même si ceux-ci finalement ne sont que les copies en blanc et dépouillé de sa vie "réelle" : le décor du salon de piano ou encore la "décoration" située derrière la caissière du café permet au réalisateur de situer le rêve dans un orient d'opérette. Il y a aussi le leitmotiv du "c'était mieux dans le passé" qui permet au héros de traverser les temps au fil de ses rêves et de se retrouver dans un préhistoire de carton pâte pour la grande poursuite finale à travers les siècles.

Il ne faut pas non plus oublier les interprètes, à commencer par Gérard Philipe qui est un séduisant musicien maudit, passant de la rêverie à la colère, excellent d'un bout à l'autre. il y a aussi les trois principales Belles de nuit, Martine Carol, pleine de sex-appeal, Gina Lollobridgida en jeune orientale sensuelle et charmeuse, ou Magalie Vendeuil, charmante jeune aristocrate de la révolution. Il ne faut pas oublier aussi Jean Paredès, pharmacien sympathique, Raymond Cordy en garagiste père de Magalie Vendeuil, Bernard Lajarrige en policier. René Clair réalise ici une comédie pleine de charme, drôle, sympathique. Vraiment avec la Beauté du diable et les grandes manoeuvres, René Clair signe incontestablement ses plus grands chefs d'œuvre de cette époque.

A noter que la copie proposée par Gaumont dans son édition de DVD à la demande est vraiment superbe malgré quelques petites imperfections, contrastes magnifiques, le film aurait vraiment mérité une sortie en DVD complet voire en Blu ray.
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Cathy a écrit :C'est arrivé demain, it happened tomorrow (1944)

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Le jour de leurs noces d'or, un couple se remémore leur rencontre 50 ans plus tôt, et ce que la vision du futur a changé dans leur vie.


Pour son dernier film américain, René Clair cherche encore un sujet en liaison avec le "fantastique", et ici le fameux mythe de la connaissance de l'avenir et de son influence sur le présent. Il joue habilement du futur qui se crée dans le présent, et en relation avec le passé très récent. Le réalisateur retrouve ses fameuses poursuites finales, ici à travers des immeubles, des toits pour finir dans le hall de l'hotel "maudit". Il y a un esprit bon enfant dans ce film. Il faut dire que Dick Powell est un choix judicieux pour incarner ce sympathique journaliste qui anticipe l'action, et Linda Darnell est comme à son habitude sublime et pleine de charme en "voyante" de cabaret, les deux sont secondés par un truculent Jack Oakie en oncle de la jeune femme. Certaines scènes sont particulièrement savoureuses, notamment celle où la jeune femme grimée en homme rentre dans sa pension suscitant tous les commérages de ses voisines. Le rythme est enlevé et la comédie sympathique. Bref encore une très belle réussite à mettre au compte du réalisateur.
Je l'avais trouvé extra en le découvrant un soir au CDM (ou au Ciné-Club ?). 20 ans plus tard, je le redécouvre en DVD et je n'y ai plus vu qu'un gentil film, sympa mais sans plus. Du coup, j'ai presque peur d'être déçu en revoyant Fantôme à vendre et surtout Ma femme est une sorcière que javais adorés (pour Eugene Palette dans le premier et pour le charme fou de Veronica Lake dans le second). :?
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Re: René Clair (1898-1981)

Message par Cathy »

A mon avis, tu ne risques pas d'être deçu pour I married a witch, peut-être pour Fantômes à vendre, mais I married a Witch est meilleur que it's happened tomorrow. C'est celui des trois que j'ai préférés, car Veronika Lake est absolument craquante dans son rôle de petite sorcière.
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Ann Harding
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Re: René Clair (1898-1981)

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Lillian Hall-Davis et Sandra Milowanoff

La Proie du Vent (1926, René Clair) avec Charles Vanel, Lillian Hall-Davis, Sandra Milowanoff et Jean Murat

L'aviateur Pierre Vignal (C. Vanel) s'écrase avec son avion sur la propriété d'un châtelain (J. Murat). Il tombe amoureux de la belle-soeur de celui-ci, Elisabeth (L. Hall-Davis). Mais, une nuit, il rencontre Hélène (S. Milowanoff) qui lui dit qu'elle est séquestrée par sa soeur et son mari...

Avec La Proie du Vent, René Clair réalise son premier film pour Albatros. Ce mélo, basé sur un roman à succès, pourrait entre d'autres mains être fort ennuyeux. Mais, Clair sait diriger ses acteurs et il a un sens de la composition qui rend le récit attrayant. Et, en plus, il est très bien servi par ses acteurs en particulier Charles Vanel. Le grand Charles interprétait rarement les amoureux transis à l'époque muette ; il jouait souvent les méchants. Mais ici, il est excellent en aviateur amoureux. Dans une superbe scène, il entreprend de s'emparer de la cigarette de Lillian Hall-Davis pour pouvoir la porter à ses lèvres (comme le feront Garbo et Gilbert dans Flesh and the Devil en 1927). Les deux actrices sont habilement contrastées avec d'un côté la patricienne anglaise Lillian Hall-Davis et de l'autre la blonde Sandra Milowanoff. C'est Milowanoff qui retient l'attention. Elle réussit à convaincre Vanel de sa séquestration et le pousse à partir en voiture pour une course folle. René Clair sait très bien rythmer cette course poursuite comme le faisait un L'Herbier dans L'Inhumaine. Comme Clair le fera dans Les Deux Timides (1928) et Un Chapeau de Paille d'Italie (1927), nous entrons dans les pensées de son personnage (Vanel) et nous visualisons ce que son imagination lui dicte. Charles Vanel est torturé par la jalousie et il imagine qu'Elisabeth entretient des rapports intimes avec le mari de sa soeur. Il se projette dans sa chambre et imagine une scène violente. Le seul reproche que l'on puisse faire au film, c'est la minceur de l'intrigue. Néanmoins, on retrouve la touche de René Clair avec la scène finale où un personnage s'eclipse sur la pointe des pieds laissant les amants réunis à leur étreinte. La copie présentée était typique des tirages des années 80, assez granuleuse et sale. Le teintage apportait finalement peu de chose. Les intertitres étaient mal minutés : il était parfois impossible de les lire jusqu'au bout. Hier soir, un ensemble de musiciens de jazz accompagnait le film. Ils étaient tous des musiciens de talent. Mais, on avait quand même l'impression d'assister à un concert de jazz avec projection vidéo plutôt qu'à une projection de film avec accompagnement musical. Si certaines séquences marchaient très bien avec la musique, il n'y avait pas sufficamment de variété dans les thèmes musicaux pour marquer les transitions entre les scènes. Au total, plutôt une bonne soirée.
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Re: René Clair (1898-1981)

Message par Ann Harding »

Un autre portrait issu de Cinéastes de notre Temps.

René Clair (1969, Jacques Baratier) 55 min

Ce portrait m'a semblé moins réussi que ceux de la série que j'ai déjà pu voir. J'ai trouvé que les questions du documentariste n'étaient pas toujours bien préparées. Il fait parler, par exemple, Maurice Chevalier pour ne dire que des banalités. Autre défaut: lorsqu'il montre des extraits, le titre des films n'est jamais mentionné pas plus que le nom des intervenants. C'est pour moi un défaut majeur dans un documentaire. Cela signifie que si l'on n'est pas familier avec l'univers du cinéaste, on manquera une bonne part des informations imparties.
Ceci dit, j'ai quand même engrangé quelques informations intéressantes sur René Clair. Il parle de ses débuts au cinéma comme d'un hasard. Il avait été appelé au studio Gaumont par Damia pour jouer dans un petit film avec les danseuses de Loïe Fuller (je me souviens avoir vu un fragment de ce film il y a qq années). Mais, on ne lui a pas posé de questions sur son apprentissage en tant qu'acteur auprès de Feuillade. Son premier film Entr'acte (1924) se reclame du dadaïsme, mais pas du surréalisme qui viendra plus tard. Dans sa jeunesse, il est un homme de lettres (et journaliste) et écrit des poèmes. Il réalise Paris qui dort (1925) avec un mini-budget en amateur. Albert Préjean, son complice de l'époque, se souvient qu'ils dormaient dans le petit appartement de Gustave Eiffel en haut de la Tour. (Autre occasion manquée: Préjean a tourné de nombreux films avec Clair et il aurait eu certainement beaucoup de choses à dire). Sur ces deux grands films muets, Un Chapeau de Paille d'Italie (1927) et Les Deux Timides (1928), on ne lui pose pas les bonnes questions. C'est dommage. Mais, il mentionne qu'à cette époque il veut développer un comique différent de celui du cinéma français des années 20 qui est à la remorque du cinéma américain. Il se réfère aux films comiques français des années 10 sans mentionner de réalisateurs, ni d'acteurs.
L'arrivée du parlant lui semble une catastrophe comme à de nombreux cinéastes (Chaplin et Eisenstein). Mais, il s'adapte en créant un film parlant musical avec Le million. Le film est tourné avec un métronome et post-synchronisé avec la musique de Georges Van Parys ensuite. Il parle brièvement de sa collaboration avec le décorateur Lazare Meerson et comment celui-ci eut l'idée de donner aux décors un aspect flou en ajoutant un tulle transparent entre les acteurs et le décor. Il a réussit un long travelling de la rue jusque sur les toits en studio sans utiliser de grue dans Sous Les Toits de Paris. King Vidor avait été impressionné par l'amplitude du mouvement de caméra qui avait été réalisé avec un système d'échaffaudages et de bricolage. Quant à A Nous la Liberté qui a inspiré Chaplin pour Modern Times, il considère comme un honneur d'avoir inspiré Chaplin qui avait été une source d'inspiration pour lui aussi. Sa période américaine est à peine effleurée avec un mini extrait de The Flame of New Orleans (encore un rendez-vous manqué !).
Sur le cinéma moderne, Clair fait quelques remarques assez semblables à celles de Mamoulian. Il pense que le cinéma est un art vivant (comme le théâtre) d'intéraction entre le public et le metteur en scène. Il ne faut pas abuser de l'Art et Essai en oubliant le public. Il pense qu'une oeuvre littéraire (comme les romans de Proust) peuvent mettre du temps à trouver leur public, pas le cinéma qui est immédiat.
Pour finir, une anecdote délicieuse de Michel Simon qui dit s'être inspiré d'un pasteur genevois qu'il connaissait pour ses incantations à Lucifer dans La Beauté du diable. :mrgreen: Dommage que les interviewés n'aient pas été mieux interrogés...
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Re: Notez les films naphtalinés de Novembre 2008

Message par EddieBartlett »

Karras a écrit :Le silence est d'or (René Clair) (1947)
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Le premier film de René Clair après la libération. Une comédie gentillette avec Maurice Chevalier et François Perier qui ne brille pas vraiment par sa mise en scène et dont le scénario est tout aussi prévisible. L'interêt du film est plutôt dans cet hommage au cinéma muet et dans l'interprétation, en particulier de la jeune Marcelle Derrien, assez bluffante, qui est décédée il y a quelques jours.
Marcelle Derrien bluffante ??? :shock: :shock: :mrgreen:
Paix à son âme, mais je trouve au contraire son jeu exécrable. Elle plombe en grande partie le film. C'est une erreur de casting proprement incompréhensible de la part de René Clair. Du reste, elle n'a tourné que quelques films en tout et pour tout. Ca ne m'étonne pas vraiment.
(Bon maintenant, j'attend que le club des admirateurs de Marcelle Derrien me tombe dessus).

Sinon, le film, (dont le script est vaguement inspiré de "l'Ecole des Femmes", dixit René Clair) est une comédie très très gentillette sur une rivalité amoureuse entre un vieux beau charmant (Maurice Chevalier) et un jeune coq naïf (François Périer) au temps du muet.
La comédie est assez anodine et on est loin des grandes réussites de Clair.
Chevalier a repris au pied levé le rôle principal destiné au départ à... Raimu. C'est plus que probable que ce chamboulement d'acteurs a eu des conséquences négatives pour le film.
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Re: René Clair (1898-1981)

Message par riqueuniee »

Un film charmant sur les débuts du cinéma , mais pas un très grand film. J'ai du mal à imaginer Raimu dans le personnage interprété par Maurice Chevalier. (qui me semble davantage correspondre au rôle, à moins que celui-ci ait été un peu transformé pour lui).
EddieBartlett
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Re: René Clair (1898-1981)

Message par EddieBartlett »

Je pense en effet que le personnage a été largement remanié. Tellement remanié qu'on a du mal à imaginer ce que ça aurait donné avec lui.
Mais le pôvre Raimu est mort quelques semaines avant le tournage. Oh fan de chichourle...
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Re: René Clair (1898-1981)

Message par Roy Neary »

DVDClassik met en ligne aujourd'hui sa chronique consacrée à La Beauté du diable.
Il s'agit bien sûr de la belle édition DVD Gaumont :arrow: La Beauté du diable
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