Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Federico
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Federico »

Major Dundee a écrit :
Roy Neary a écrit :DVDclassik ne pouvait pas ne pas profiter de cette occasion (le Blu-ray de Studio Canal) pour faire la chronique de ce superbe film.
L'ami Phylute s'y est ainsi collé avec délectation. :)

:arrow: Le Cercle rouge
Ne la manquez pas, l'analyse du film est encore plus belle que le film lui-même :shock:
Cela m'oblige à une revision du film, ce qui n'est quand même pas pour me déplaire.
Oui, la critique de Phylute est joliment torchée. Il y a juste un point où je ne le suivrai pas, c'est dans son décryptage de la remarque du chef de la police à propos des liens Mattei-Vogel. Je crois plutôt que ce maniaco-dépressif (je parle du flic, pas de Phylute :lol: ) sous-entend que les penchants criminels de Vogel ont pu déteindre sur son accompagnateur. D'ailleurs, juste après, il demande à voir le dossier de Mattei en insistant sur son patronyme "pas très français" (non seulement, il est maladivement soupçonneux, mais xénophobe en plus).
Le magnifique accompagnement musical qui rythme la scène des lumières de la bijouterie me fait toujours penser à l'équivalent dans La peau douce de Truffaut (quand Dessailly rallume toutes les lumières dans sa chambre d'hôtel après avoir téléphoné à Françoise Dorléac).
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Watkinssien »

Très beau texte pour un très beau film ! :wink:
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Strum
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Strum »

Très beau texte de Phylute en effet (le seul point sur lequel je ne suis pas sûr de le rejoindre c'est sur l'idée que le film appartient au champ du mythe) pour un film que je n'ai découvert que récemment et que j'avais trouvé formidable. Tout est obscurité dans ce film, et les tons obscurs des couleurs jouent un grand rôle dans le sentiment que l'on a d'observer une sorte de pantomime. Je suis beaucoup plus sensible aux derniers films de Melville du fait de leur perfection formelle et de l'usage de la couleur qu'au Doulos ou au Deuxième Souffle qui, en noir et blanc, ne dégagent pas pour moi la même unité de ton et la même force expressive.
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par phylute »

Strum a écrit :le seul point sur lequel je ne suis pas sûr de le rejoindre c'est sur l'idée que le film appartient au champ du mythe
Certainement l'influence de nombreux travaux sur le film noir qui montrent comment le genre s'est construit autour des mythes. Je pense par exemple à "Du Film noir au néo-noir. Mythes et stéréotypes de l’Amérique". Mais c'est sûr que ça mériterait d'être développé plus longuement.
Sinon, merci pour ces retours, ça fait rudement plaisir !
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Major Dundee
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Major Dundee »

Strum a écrit :Très beau texte de Phylute en effet (le seul point sur lequel je ne suis pas sûr de le rejoindre c'est sur l'idée que le film appartient au champ du mythe) pour un film que je n'ai découvert que récemment et que j'avais trouvé formidable. Tout est obscurité dans ce film, et les tons obscurs des couleurs jouent un grand rôle dans le sentiment que l'on a d'observer une sorte de pantomime. Je suis beaucoup plus sensible aux derniers films de Melville du fait de leur perfection formelle et de l'usage de la couleur qu'au Doulos ou au Deuxième Souffle qui, en noir et blanc, ne dégagent pas pour moi la même unité de ton et la même force expressive.
Tu as sans doute raison mais je trouve que ses films en noir et blanc dégagent plus d'humanité que ces derniers films en couleurs.
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Strum »

phylute a écrit :Certainement l'influence de nombreux travaux sur le film noir qui montrent comment le genre s'est construit autour des mythes. Je pense par exemple à "Du Film noir au néo-noir. Mythes et stéréotypes de l’Amérique". Mais c'est sûr que ça mériterait d'être développé plus longuement.
C'est vrai que de nombreux ouvrages utilisent le mythe comme référent pour parler des films noirs. Pour ma part, j'aurais tendance à penser que la tragédie grecque où naît l'obsession de la fatalité d'un point de vue artistique est un meilleur référent. Les personnages des tragédies grecques sont souvent issus de la mythologie, mais ces tragédie elles-mêmes ne sont pas (ou plus) des mythes.
Major Dundee a écrit :je trouve que ses films en noir et blanc dégagent plus d'humanité que ces derniers films en couleurs.
Je comprends. C'est en effet le revers possible de la médaille.
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par jacques 2 »

Major Dundee a écrit :Tu as sans doute raison mais je trouve que ses films en noir et blanc dégagent plus d'humanité que ces derniers films en couleurs.
C'est vrai mais pourquoi serait ce un défaut artistiquement parlant ? Je sais que ce n'est pas ce que tu dis mais cela pourrait être interprété ainsi ... :wink:

L'oeuvre d'un artiste, ce n'est pas quelque chose qui est toujours produit pour dégager de l'humanisme, surtout quand celui ci n'est pas sincère (comme dans tous ces films pensés, produits et réalisés pour revoir des Oscars ou des récompenses) ...
Un film sans concessions à un humanisme faux cul ou - comme souvent - de bon ton, ce peut être bien aussi ... :)
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Major Dundee
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Major Dundee »

jacques 2 a écrit :
Major Dundee a écrit :Tu as sans doute raison mais je trouve que ses films en noir et blanc dégagent plus d'humanité que ces derniers films en couleurs.
C'est vrai mais pourquoi serait ce un défaut artistiquement parlant ? Je sais que ce n'est pas ce que tu dis mais cela pourrait être interprété ainsi ... :wink:
Ah ben non, faut surtout pas l'interpréter comme çà. C'est juste une préférence. C'est vrai que "Le deuxième souffle" et "Le Doulos" me parlent beaucoup plus que ses derniers films. J'irais même jusqu'à y ajouter "Bob" "Léon Morin" et "Le silence de la mer".
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Sabsena »

Le cercle rouge est pour moi le troisième volet de la trilogie que Melville a commencé avec Le deuxième souffle, Melville a déjà reussi des films noirs, selon moi cette trilogie est d'un niveau supérieur et impose Melville comme le grand maitre du film noir.

Melville impose un perfectionnisme froid dans Le cercle rouge, le style est très épuré, peu de dialogues, Melville impose le silence, les regards, les paysages, la période hivernale convient parfaitement à la noirceur du film, la musique. Dès le début de l'évasion de Vogel au casse de la place Vendome en passant par la rencontre entre Vogel et Corey ou le repèrage de l'ancien flic Jansen, le dialogue est réduit à son strict minimum, nous sommes dans un style extremement épuré proche du Samourai.

L'évolution de Melville depuis Le deuxième souffle est très nette, les héros solitaires sont devenus quasiment sans humanisme, Le deuxième souffle comporte lui beaucoup d'humanisme à travers le role de l'ami fidèle de Gu interpreté par Constantin, l'amitié entre Gu et Paul Ricci, alors que Gu voulait descendre son frère Jo, qu'il abattra dans le carnage final, dans Le cercle rouge il y a une amitié virile, un respect cela ne va pas vraiment au-delà. Je rapproche beaucoup Le deuxième souffle de ce si grand film de Sautet Classe tous risques, derrière ses 2 films il y a une adaptation de Giovanni, cela explique l'amitié et l'humanisme ressenti, les films de l'époque dans lesquels Giovanni est derrière comporte beaucoup d'humanisme.

A partir du Samourai cela disparait, aute évolution le dialogue est très présent dans la bouche de l'inspecteur et à tonalité humoristique dans Le deuxième souffle, le dialogue de Mattei est nettement plus réduit, et Le cercle rouge est sans humour alors que Le samourai en comporte encore légèrement dans le role de Francois Perier, Mattei vit comme les truands, il vit seul avec ses chats. Le cercle rouge n'a également aucun role feminin contrairement aux 2 films précédents.

Choisir entre les 3 n'est que sensibilité personnelle et pas forcément facile, les 3 films se ressemblent par contre dans la manière dont Melville filme ses héros au destin fatal, avec une grande lenteur et un immense perfectionnisme dans la préparation de leurs méfaits, les actes criminels ou les coups qu'ils font et leurs cavales.

Melville a su s'imposer comme un immense cinéaste, cette image est um peu ternie par un cinéaste et un homme qui avait bien des défauts, mais il y a bien pire comme cinéastes.

L'interprétation du Cercle rouge est remarquable, Delon Montand, Volonte, et Bourvil, Bourvil tourne son avant dernier film gravement malade, dans un film precedent de Mocky, L'étalon au tournage très cout, le pire fut meme redouté. Bourvil était un homme dont la simplicité et la bonté étaient qualités premières, comme son maitre puis ami Fernandel, l'acteur comique pas toujours bien employé, se revèle un immense acteur dramatique.

Bourvil se permet une ultime blague et un dernier éclat de rire devenu legendaire à la fin du tournage digne de son humour en reprenant une de ses chansons celèbres. 40 ans après sa disparition, il reste l'un des plus grands acteurs francais.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Nestor Almendros »

Revu hier dans le solide master blu-ray de la StudioCanal collection.

Je n'ajouterai rien aux nombreux avis qui soulignent, avec justesse, les grandes qualités du film. Dans un genre où la surdramatisation et la fabrication de suspense sont légion, il est très étonnant de voir déjà à cette époque un film qui prend souvent l'exact contrepoint des traditions "à la mode", et d'autant plus surprenant que Melville qui ne cache pas son amour pour le cinéma américain réussit pourtant, dans ce film-là entre autres, à aller au-delà des citations ou des influences pour se trouver un style propre et très original. Je suis très client de ces mises en scène où l'on n'utilise pas d'effets voyants, où le silence et la simplicité suffisent à créer une ambiance, à apporter une densité aux évènements et aux personnages. Dans cette épure assumée aux dialogues rares, mettant en valeur le jeu des regards ou la prestance corporelle (carrure, silhouette) au service d'une iconographie de mythes (on n'est d'ailleurs pas loin du western, si l'on veut chercher dans cette voie), Melville signe un polar singulier dont le style se révèlera intemporel. Dans ses figures récurrentes on remarquera l'inéluctable marche vers la mort, où il souligne par de nombreuses répétitions de plans (montée d'escalier par exemple) l'effort vain de personnages voués à l'échec. On savoure évidemment le casse montré quasiment dans sa longueur, morceau de bravoure du film qui vient presque conclure une tragédie à peine voilée, mais le scénario laisse aussi la place à un jeu du chat et de la souris passionnant et tendu où l'émotion n'a pas sa place. Il s'entoure d'un casting béton (avec un surprenant Bourvil, remplaçant Lino Ventura qui était d'abord prévu pour le rôle), utilise une photographie froide et presque monochromatique (récurrente chez le cinéaste) qui se veut proche du n&b.
Grand film.

J'ai commencé le visionnage des bonus par les deux plus courts modules, et ça commence très bien. D'abord une interview de Ginette Vincendeau qui dans un anglais parfait résume et analyse en 20mn la carrière, le style, la vie, la personnalité du réalisateur. Instructif et passionnant. C'est tiré d'une édition dvd anglaise (BFI). J'ai ensuite revu l'excellente interview de José Giovanni tournée en 2003, déjà présente sur l'édition dvd française. Le gars est passionné mais piqué au vif. Des grosses rancoeurs subsistent, il n'aime pas l'homme Melville, mais on lit entre les lignes (il ne l'avoue pas toujours franchement) une certaine admiration pour son travail. L'interview est aussi passionnante que surprenante, intéressante et riche pour tout amateur de Melville ou de Giovanni.
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tenia
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par tenia »

En passant, en ayant visionné il y a peu le BR sur mon nouvel écran, j'ai remarqué du vilain EE autour de Delon, dans la scène dans l'appartement de celui qui lui a piqué sa gonzesse et son pognon.
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Jericho »

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Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Outerlimits »

Major Dundee a écrit :
Kevin95 a écrit :Ce qui est étonnant, c'est que cette scène d'hallucination (que Melville tenait tellement à cœur) est source de raillerie pour de nombreuses personnes comme Tavernier trouvant cette séquence ridicule. Personnellement le jeu de Montand et l'atmosphère glauque m'ont toujours impressionnés et donne au Cercle Rouge une saveur particulière qui lui est propre par rapport aux autres polars du réalisateur (car on reproche au film d'être une pale copie de ses œuvres précédentes).
Que la scène lui tienne à coeur, cela se comprend parfaitement mais il l'a complètement raté et c'est dommage :cry:
Imaginons la même scène tournée par Polanski 8)
Tavernier avait tort. C'est une scène vraiment traumatisante et incroyablement réussie pour ma part, et indissociable du film (je ne m'imagine pas "Le cercle rouge" sans cette séquence) ; ça n'est pas pour rien qu'elle a marqué autant d'esprits ; elle montre l'enfermement mental du personnage remarquablement campé par Montand...
Par contre je ne me souviens pas pour les maquettes mals faîtes du train et de l'hélico. C'est au début ?
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Kevin95
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Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Kevin95 »

Outerlimits a écrit :Par contre je ne me souviens pas pour les maquettes mals faîtes du train et de l'hélico. C'est au début ?
Il me semble que c'est dans Un flic qu'il y a ce type de maquette. :wink:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
YanV
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Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par YanV »

Bonjour,

Pour ceux qui aiment Le cercle rouge et que l'oeuvre de Melville passionne, je vous convie à l'exploration de mon projet Melville, Delon & Co : http://melvilledelon.blogspot.fr
Retour sur l'univers du cinéaste avec photos, objets et images diverses ...
Et n'hésitez pas à cliquer sur les onglets pour lire, par exemple, le texte sur le projet.
Bonne découverte à tous.

Y.
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