
Un pur chef-d'oeuvre ! Ce terme n'est pas galvaudé en ces lieux. Henry King réussit à composer l'un des meilleurs films jamais effectués sur le traumatisme de guerre, et cela en 1949, bien avant que toute cette conception soit rendue à la mode de façon hyper-médiatique. Il parvient à insuffler à son film une profonde sobriété, mais aussi une énergie et une émotion d'une justesse absolue. La violence et la brutalité des combats aériens est parfaitement rapportée, grâce à des dialogues fins et allant droit au but. Il n'y a aucune scène larmoyante, aucune scène de violence visuelle, et pourtant l'horreur de la guerre est magistralement montrée. Jamais aucun film n'aura aussi bien expliqué le fameux "effort maximum" qu'un homme peut faire, jusqu'où il peut aller vis-à-vis de ses forces et de sa combativité morale. La mise en image d'Henry King est d'une maitrise sans la moindre faille, sans aucun doute le genre de grand cinéaste qui ne ressent même pas le besoin de prouver qu'il sait y faire. Le récit coule de source, la façon de le raconter aussi. La scène d'ouverture est brillante, en flash-back progressif, sur cette piste abandonnée d'où l'on entend les chants fantomatiques de militaires aujourd'hui disparus. Cette mise en bouche constitue à elle seule une scène d'anthologie, qui prend aux tripes et présente un niveau artistique déjà exceptionnel. La suite du film ne fait qu'augmenter ce savoir faire, c'est dire la force de cette œuvre complexe (sans complexification futile) et puissante. Sa force est de ne rien montrer, y compris les combats, tout reste dans la suggestion. L'unique scène de combat aérien est par contre étonnante, brassant des images d'archives très bien utilisées (au contraire d'autres films de guerre de l'époque les utilisant n'importe comment) avec des images de tournages s'y insérant à la perfection. Le montage de cette partie du film est par ailleurs très impressionnant, à la fois rythmé et provoquant un choc chez le spectateur.
La distribution est miraculeuse, chaque acteur est à sa place. King les filme avec précaution, à bras le corps, au plus près, et pourtant en limitant les gros plans. Sa caméra vole littéralement à la rencontre de ses acteurs. Bien sûr, qui d'autre que Gregory Peck, acteur à la sobriété légendaire, aurait pu incarner le rôle principal avec autant de passion. Les univers de ces deux hommes sont assez proches, tous deux aimant ainsi l'économie de moyens, ils étaient donc faits pour s'entendre. Première collaboration (sur 6 films au total), à mon avis la meilleure. Parcourant le film avec cette prestance qui a fait sa gloire, Peck joue ici l'un des plus beaux rôles de sa riche carrière. La dernière séquence importante, le voyant perdre ses moyens, atteindre malgré lui "l'effort maximum", et sombrer dans le choc traumatique, est immortelle. Son lent parcours vers la lumière, au bruit des moteurs d'avions qui reviennent de la mission, est tout simplement miraculeux et totalement crédible. Un instant magique, jouant sur les sons comme jamais, et couronnant un film d'exception. Mon film d'Henry King préféré pour le moment.