Drame sur l'enfance maltraité qui pêche par un sentimentalisme envahissant et un moralisme pas toujours subtil mais il mérite qu'on s'y attarde pour sa réalisation qui sonne très néo-réalisme avant l'heure.
Tourné majoritairement en décor naturel, dans un faubourg mal famé de la capitale avec des seconds rôles qu'on devine amateurs, le film gagne une authenticité et un réalisme qui prouve la sincérité de Christian-Jaque pour son sujet. Les conditions de tournage offre ainsi une photographie très crue et "sale" avec une image violemment contrasté mais la réalisation n'a cependant rien d'un documentaire. Christian-Jaque ne se départit à aucun moment de sa technique avec une caméra toujours mobile et parfois virtuose qui fait qu'on accroche tout de suite au film et aux différents personnages.
les acteurs sont d'ailleurs excellents et celui qui tire son épingle du jeu est Jean Tissier qui interprète une belle ordure avec un naturel, un calme et une chaleur succulente. Chacune de ses apparitions donne lieu à dialogues bien écrits qui étoffe considérablement son personnage et lui évite d'être trop caricatural.
Le film passionne ainsi pendant 1 heure avant de s'embourber un peu trop dans ses bons sentiments et qu'une fin idiote et heureuse finit par un gâcher l'originalité du sujet et la passion du cinéaste.
Ca reste tout de même à film à redécouvrir pour sa mise en scène moderne. Pathé avait prévu de le sortir dans son collection classique mais comme on n'a aucune nouvelle depuis plus d'un an, faut croire que le DVD est tombé à l'eau.


Les bonnes causes ( 1962 )
Encore un (très) bon film de Christian-jaque qui repose sur un scénario bien ficelé, des dialogues percutants et des acteurs excellents.... tout cela ferait presque oubliait la réalisation qui est pourtant un modèle du genre "film à procès". D'ailleurs son originalité se situe dans le fait que toute la bataille se joue en amont du procès qui n'a lui-même que peu d'importance au final puisque tout semble perdue d'avance... d'où l'importance du rôle du juge d'inspection, seul à face à une justice qui oublie déjà bien vite la présomption d'innocence dès que les rouages de la logique se mettent en place.
Ca donne des confrontations mémorables entre le trio d'acteur principal : Bourvil en force tranquille et retenue mais qui sait ce qu'il veut, Brasseur en cynique qui tente de rattraper le wagon et Vlady en garce à la "pureté" presque innocente. Henri Jeanson en profite pour tailler des dialogues sur mesure à chacun, au point parfois d'être trop parfait.
La tension s'installe finalement discrètement sans qu'on s'en rende compte pour culminer dans la scène géniale où Brasseur remet en doute les certitudes du témoin voyeur. Pratiquement 10 minutes de joutes verbales endiablées où les numéros d'acteurs sont à l'unisson du sens de l'espace de la caméra et du scope du réalisateur.
Pour rester sur Christian-jaque, j'ai vraiment été une nouvelle fois ravi par sa technique à la fois classique et très moderne ( on pourrait croire qu'il surferait sur la nouvelle vague s'il n'avait pas un brillant passif d'expérimentaliste modéré ). On se délectera ainsi de son excellent plan-séquence ( truqué ) d'ouverture que De palma a du se passer en boucle au moment des Incorruptibles ou de Outrages, de sa photo très sombre, de ses jump cut ou tout simplement de sa manière d'étoffer les personnages par petites touches ( Bourvil avec Stendhal, ses lacets ou devant sa télé par exemple ).
On ne peut du coup que regretter une conclusion trop facile ( bien que complètement cohérente vu les personnages et la vision de la partialité de la justice ) qui s'écarte un peu trop du pessimisme ambiant.