Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2001)

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KAIRO - Kiyoshi Kurosawa

Une superbe fable fantastique sur la mort, la solitude, nos vies sans grande importance, sur fond de nouvelles technologies aliénantes et de société de plus en plus individualiste.
J'en suis sorti véritablement impressionné par tant de maîtrise et de sang froid dans le traitement. A la fois glaçant, pessimiste et visionnaire (le film date de 2001 mais semble se dérouler de nos jours, à l'ère du tout internet et de ses biais aujourd'hui avérés, en particulier cette foutue addiction dont je suis victime comme tant d'autres... Et toi aussi, lecteur de ce post, ne le nie pas !), Kaïro constitue une richesse de chaque instant, tant dans la mise en scène, incroyablement précise, que dans le propos : chaque plan, chaque ligne de dialogue est à sa place, sans fiorture, effet facile ou autre blabla théorisant. Il y a dans ce film une sorte de rare pureté, ce qui ne l'empêche pas pour autant de ménager quelques scènes réellement terrifiantes (on m'avait prévenu :mrgreen: ), et une séquence finale proprement hallucinante, servies par une musique somptueuse.

En ce qui me concerne, un très grand film.
Akira
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Message par Akira »

Ahhhh, content que tu apprecies ! :D :wink:
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Mama Grande!
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Re: Notez les films de mai 2009

Message par Mama Grande! »

Kairo (Kurosawa Kiyoshi, 2001)

Bonne réévaluation! Sorti en France dans la foulée de Ring, qui à l'époque m'avait bien fait flipper, le Kurosawa m'avait quelque peu déçu. Loin d'être aussi terrifiant, usant parfois avec lourdeur des ficelles du film d'horreur, j'en étais sorti mitigé.
Là, j'ai beaucoup mieux compris le film. Les défauts restent, mais ils ont moins d'importance. Kairo a tout pour être la référence du film de fantômes japonais contemporain. Pourquoi? Parce que contrairement au succès de Nakata, on sent réellement la présence des fantômes. Kurosawa s'interroge sur ce qu'est un fantôme, sur ce qui le différencie d'un vivant. Grâce à une ambiance urbaine hi-tech aussi belle plastiquement que poisseuse et angoissante, la solitude moderne se ressent dans tous les pores du film. Réalisé dans les premières années du boum internet, on ne peut pas dire que Kurosawa se soit trompé sur la part de la communication par les nouvelles technologies. L'homme est de plus en plus connecté, mais aussi toujours plus seul. Il devient pour ses pairs une image, un pseudo msn, mais a de moins en moins de consistance physique. C'est un fantôme.
Plastiquement, le film est un bijou. On sent l'influence d'Edward Hopper (quand les personnages empruntent un métro désert, ou revisitent d'autres décors quotidiens vidés de leur traditionnelle foule), de Lynch aussi. Et un petit quelque chose de la série animée Serial Experiments Lain, aux thématiques assez proches. La photo est douce et sombre, tendant vers les tons ocres et marrons, laissant place au malaise de s'installer.
Kairo a parfaitement su réadapter le kaidan eiga au monde contemporain. Pas comme dans Ring avec des fantômes du passé qui se manifestent par la technologie, mais avec des fantômes qui ne pourraient pas exister hors de ce monde. Des fantômes eux-mêmes contemporains. Un bijou
Anorya
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Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Anorya »

J'ai été étonné de ne pas trouver de topic sur Kaïro. Si il y en avait un, il a tout bonnement disparu. Je crée donc celui-ci avec une chronique qui ne pourra que plaire à l'ami Mµ. :D

--------------

"En fait, je suis souvent mal compris. Je ne commence pas avec une approche philosophique ou thématique. A la place, je commence avec un genre en tête qui est relativement facile à comprendre et ensuite j'explore comment je peux travailler dans ce genre. Et c'est comme ça qu'une approche ou une thématique se développe. Le genre est premier."
(Kiyoshi Kurosawa (*))


K A Ï R O
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Michi et ses amis travaillent dans une serre située sur un building à Tokyo. L'une de ses personnes ne donnant plus signe de vie depuis une semaine, Michi décide d'aller à son appartement. Elle trouvera, outre le corps pendu de Taguchi, une disquette qu'il devait lui passer, renvoyant à un site internet étrange qui permettrait de voir des fantômes. Bientôt d'étranges suicides et disparitions se multiplient dans la ville...


On ne parle jamais assez de Kiyoshi Kurosawa, cinéaste contemporain du fantastique et de l'horreur moderne, éclipsé qu'il est par l'autre Kurosawa. Pourtant, le petit Kiyoshi est devenu grand et en plus d'une vingtaine de films (dont juste une poignée distribuée chez nous !), il est "parvenu à se faire un prénom" (dixit Thierry Jousse, chroniqueur aux Cahiers du cinéma en 1999, lors de la sortie de "Charisma"). Oeuvrant avec intelligence dans le genre de la série B, qu'il parvient à chaque film à détourer, à faire sortir des carcans (sauf avec "Tokyo Sonata" sorti récemment, simple drame --encore que j'ai bien aimé-- qui ne donne nullement à voir l'ampleur du cinéaste dans le domaine du fantastique où il a prouvé maintes fois ses faits d'armes) pour les porter vers une touche plus personnelle, ses films sont emprunts d'une réflexion sur la déshumanisation de la société et d'une petite portée sociologique qui lui viendrait sans doute de ses années de fac (avant de faire du cinéma et de l'enseigner --Jellyfish est un film fait avec ses étudiants au passage--, Kurosawa était dans des études de sociologie !).

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A. En un instant, les êtres peuvent disparaître, "fantomisés" (**) dans le néant...

Tous ses films n'y échappent pas. Sans doute le propos est-il du coup trop voyant pour le récent Tokyo Sonata (la déliquescence d'une famille japonaise) qui n'a plus les enrobages du genre, permettant dès lors de mêler l'action à la réflexion et propose un drame à peu près basique (mais il s'agit bien d'un film de Kiyoshi puisqu'il reprend une fois de plus son comédien fétiche (Koji Yakusho en vagabond cambrioleur, un régal) et continue de mêler onirisme --le rêve du fils revenu d'Irak-- à un propos plus basique mais où restent sa maîtrise des cadrages et plans-séquences) mais ses autres films sont bien inscrits dans un genre initial que le cinéaste s'ingénie ensuite à contrecarrer ou faire exploser au fur et à mesure des films. Et c'est sans compter sur ses diverses créatures : des jeunes qui s'évaporent (Vaine Illusion) au sumo sérial killer (The serpent's path je crois. Rien que de l'évoquer, on dirait du Takashi Miike !) en passant par une momie hargneuse (Loft), une petite fille fantôme (Séance), un arbre maléfique (Charisma), un hypnotiseur fou qui pousse à commettre des meurtres (le très bon Cure.), des méduses venimeuses dans les égouts de Tokyo (Jellyfish)... C'est vrai qu'à côté, Tokyo Sonata passerait presque pour un film banal, n'est-ce pas ? :mrgreen:

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B et C. Dans Kaïro, la peur ne surgit pas brusquement à l'écran. Elle est toujours là, en avance, depuis le fond de l'écran. Quand on la remarque avec un temps de retard (comme la jeune fille), les cheveux se dressent lentement sur la tête.

Kaïro est un film de fantômes japonais. Ou plutôt, il l'est au départ, Kurosawa dépeignant une société qui va droit dans le mur depuis le début jusqu'a la fin avec comme ancrage principal cette peur typiquement japonaise de spectres aux cheveux flottants (dont Ring et Dark Water, tous deux d'Hideo Nakata en sont les brillants représentants). Mais à côté des revenants du revival Kwaidan (ou Kaidan-ega. Tout ce qui touche aux fantômes, littérature comme cinéma) des années 2000 (Ring est de 1998), les personnages de Kurosawa sont déjà désincarnés. Jeunes comme adultes ne se parlent plus, ou plus tellement, n'ont plus de substances. Ils sont vampirisés par la technologie, retranchés sur celle-ci comme autant et ne se laissent jamais aller à un contact affectif aussi mesuré soit-il (il faudra attendre la fin du film pour voir des têtes sur des épaules ou une main réconfortante sur une épaule). Et paradoxalement, c'est la technologie qui va les effacer littéralement de l'image. Effacer, non tuer, ce qui est pire, à l'image de toutes les disparitions parsemant le film, qui font littéralement dissoudre les corps, afin de n'en laisser que des traces noires à même le sol ou les murs (cf, captures en A).
Comme des brûlures.
Des disparitions anodines, inodores.

Malaise.

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D et E. Mises en abîmes inquiétantes d'images d'appartements de disparus et souvent, la vision d'une présence à travers l'écran...

C'est la technologie qui les fait disparaître car les fantômes sont maintenant sur le net (***) et piègent leurs victimes trop curieuses. Il suffit d'un simple clic ou d'un visionnage d'un site inquiétant pour que progressivement le fantôme se matérialise lentement pas loin. Et dès lors que la future victime s'approche trop près : Contamination, absorbtion de ce qui fait l'essence même de l'être. Les humains déjà peu consistants chez Kurosawa perdent dès lors toutes envie de vivre. Certains conscients de leur devenir en future tâche hurlante trouvent encore la force minime de se suicider (scènes filmées en champs-contrechamp quand ce n'est pas en un abrupte plan-séquence qui n'épargne rien de la dureté de la situation --capture G), d'autres acceptent leur voie vers le néant. Tous finissent par se faire fatalement piéger plus ou moins et quand à prévenir un monde incrédule où l'on ne se parle plus et on préfère s'éviter de peur de se blesser, la seule parade consiste dès lors à isoler de scotch rouge les "zones" dites contaminées (ça fait très installation d'Art contemporain au passage) où les fantômes ont étés vus.

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F. Les futurs disparus sont toujours isolés dans l'espace : cachés derrière une toile, derrière des chaises et des caisses. Jamais dans le même cadre ne les verra t-on discuter avec les rares vivants....

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G. Mort en direct et en un seul plan-séquence où Michi, horrifiée, se retourne trop tard pour constater déjà un corps qui chute inexorablement jusqu'au bruit sourd du contact avec le bitume (****).

Evidemment avec une humanité qui ne peut plus avancer et une situation inexorable (les fantômes et leurs victimes) et au vu du réalisateur, on ne peut espérer un banal happy-end. C'est d'autant plus effrayant que cette peur impalpable est inidentifiée, Kurosawa préférant (à juste titre) taire son origine ou le moyen de vaincre ce qui s'amplifie (le remake de Kaïro, "Pulse" par le tâcheron Jim Sonzero explicite tout avec une lourdeur barbante par contre) et accentue la catastrophe, l'amplifie considérablement. Plus le film avance et plus l'inéluctable s'étend au reste du monde : l'apocalypse est en marche et... l'on ne peut rien y faire. Les lieux se vident, la télé égrène en mode automatique une suite sans fin de noms de disparus de tous âges, les voitures et les corps finissent par traîner dans les rues. Kurosawa ose aller jusqu'au bout de ses idées et pour cela on l'en remercie largement.

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H. Apocalypses now.

Kaïro est un film brillant où les scènes se répètent et varient à chaque fois, se construit et se développe de l'intérieur. Le travail même du son (faites bien attention à chacun des bruits de "fantômes", plaintes comme bruits électroniques, vous verrez), la réflexion donnée au récit (qui va vraiment très loin) et la peur suggestive et inexorable en font un immense film fantastique des années 2000. Voire même --j'ose-- un des meilleurs films de fantômes aux côtés de The haunting (Robert Wise), Ring, Dark Water ou The innocents (Jack Clayton).
6/6.





J'ai déjà pas mal tiré sur l'ambulance en démontant le remake de Kaïro, Pulse sur dvdclassik mais j'en remet une couche,comparaison à l'appui sur mon blog pour les intéressés. :fiou: :wink:


--------------------------


(*) Tom Mes & Jasper Sharp, "The midnight eye guide to new japanese Film", editions Stone Bridge Press, p.97. Cité par Diane Arnaud dans "Kiyoshi Kurosawa : Mémoire de la disparition", p.32.

(**) Terme contracté de "Fantôme" + "Atomisé", repris de Diane Arnaud. Cf : "Kiyoshi Kurosawa : mémoire de la disparition".

(***) Pour reprendre Roméro : "Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur Terre !". :mrgreen:

(****) Ce genre de scènes en un seul plan-séquence sont typique de Kurosawa. On voit sensiblement les mêmes (un corps qui chute du second étage d'un immeuble dans Rétribution, un enfant qui tombe de l'escalier dans Tokyo Sonata) car le cinéaste aime bien ce procédé (assez efficace il est vrai). Heuresement, c'est du cinéma et il y a un trucage mais je ne vous le dirais pas. Sauf si on me le demande gentiment.
:fiou: :mrgreen:
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Jordan White
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Jordan White »

Bravo pour ton très joli texte et tes illustrations. Certaines scènes - surtout celle évoquant la chute de la personne à l'arrière-plan arrivant d'une façon impromptue et brutale dans la narration- m'avaient interloqué lorsque je l'ai vu en salle, à l'époque. A l'époque aussi où l'on ne parlait que de Ring comme de la référence, ici en France en tout cas, du film de fantômes japonais. Je me souviens pourtant m'être ennuyé comme rarement devant Ring et avoir été très intrigué par l'ambiance lourde, glaciale et dévitalisée de Kaïro qui avait cependant à mes yeux plus de qualités esthétiques et techniques. Le scénario aborde aussi le grand gouffre, le bord du précipice, la fin du monde avec une réelle acuité. Dans son genre, un film de flippe minimaliste dans ses effets spéciaux qui prend de la bouteille et vieillit bien en posant de bonnes questions et ne donnant pas forcément toutes les réponses. Un film très angoissant, existentiel, pessimiste mais aussi ludique à sa façon (sa manière de faire participer le spectateur, de lui donner envie de regarder les détails, comme peut le faire De Palma sur un détail de l'arrière-plan ou un détail sonore).
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Demi-Lune »

Anorya a écrit :
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A. En un instant, les êtres peuvent disparaître, "fantomisés" (**) dans le néant...
J'ignorais que ce second plan était extrait de Kaïro. J'ai déjà vu un très bref extrait de cette scène, dans un ancien documentaire. J'ai le souvenir d'une scène très destabilisante, même sortie de son contexte (je m'étais d'ailleurs persuadé à l'époque qu'il s'agissait de Ring, mais non).
Du coup, je commence à être assez impatient à l'idée de découvrir ce fameux film.
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Anorya »

Merci Jordan. Même si Ring et Kaïro abordent le même genre, ils sont tous deux différents et je comprends qu'on puisse en aimer un plus que l'autre. Pour moi, Ring (que j'adore) est un film "normal" en ce sens qu'il a une histoire, qu'il suit une narration et un scénario que je trouve toujours aussi passionnant. Kaïro à effectivement une ambiance glaciale et dévitalisée sans doute parce que Kurosawa filme le tout comme un entomologiste. Ainsi si dans Ring, nous avons une histoire liée au couple et recentrée sur celui-ci (lui est professeur de mathématique et possède des dons mediumniques si je me souviens bien, elle est journaliste), rien ne détermine les personnages de Kaïro (sauf Michi dont on voit sa mère pendant à peine deux minutes), ils n'ont pas d'identité, pas spécialement de passif et l'on sent bien que c'est autre chose qui passionne Kurosawa (une thématique qu'il développe de films en films je dirais). Du moins je le vois comme ça. Ce qui ne m'empêche pas d'adorer les deux films. ;)

Demi-Lune, je ne saurais trop te conseiller de te jeter sur ce film. C'est sans doute le film le plus abordable et passionnant de Kiyoshi Kurosawa. :D :wink:
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par »

Un bien beau topic et un bien beau texte en vérité. 8)
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par »

Anorya a écrit :Demi-Lune, je ne saurais trop te conseiller de te jeter sur ce film. C'est sans doute le film le plus abordable et passionnant de Kiyoshi Kurosawa. :D :wink:
A force de lui mettre la pression, il va bien finir par se décider. :mrgreen:
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Demi-Lune »

Mµ a écrit :
Anorya a écrit :Demi-Lune, je ne saurais trop te conseiller de te jeter sur ce film. C'est sans doute le film le plus abordable et passionnant de Kiyoshi Kurosawa. :D :wink:
A force de lui mettre la pression, il va bien finir par se décider. :mrgreen:
Comme toujours avec Anorya :mrgreen: ... mais bon, c'est pour mon bien, et je n'ai jamais été déçu par ses conseils jusqu'ici... :mrgreen: :wink:
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Demi-Lune »

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Pas grand-chose à ajouter de bien pertinent après le très bon texte inaugural d'Anorya, auquel je souscris. Je crois que j'ai dès le départ commis une erreur en m'imaginant que j'allais avoir affaire à une variation Ring-ienne, le pitch des deux films étant en effet très similaire. Mais là où Hideo Nakata proposait un pur film de frousse virtuose, les fantômes de Kiyoshi Kurosawa servent moins à générer de la terreur qu'à traduire la vision pessimiste du cinéaste vis-à-vis d'une société malade (qu'elle soit japonaise ou plus largement humaine), société sans vie, renfermée, atone et isolante ; société du paradoxe dans laquelle le progrès, par le biais de l'avènement du high-tech et plus particulièrement de l'Internet, rend finalement les hommes plus seuls que jamais ; société déjà spectrale, dans laquelle l'effacement de l'humanité des êtres se constate dès les premières images : les pièces sont vides, la ville inanimée, les protagonistes quasi anonymes et comme le soulignait Anorya, sans passif. Revenant dans notre monde car l'au-delà n'a plus de place pour les accueillir, les fantômes de Kaïro nous renvoient vers notre propre condition, celle d'anonymes noyés dans une société déshumanisante et assez inattentive à son prochain. Parabolique, l'épouvante selon Kurosawa est également cérébrale, glaciale et malaisante : par une ambiance mortifère et des procédés de mise en scène qu'Anorya a déjà relevés, la réalisation très précise (le plan-séquence du suicide : effrayant de maîtrise !!) et presque austère de Kurosawa signifie l'isolement systématique dont souffrent les protagonistes, condamnés à disparaître progressivement (aussi bien dans la progression narrative que d'un point de vue visuel : effacement du corps humain, qui ne laisse plus de trace de son existence qu'une grande tache noirâtre ou des cendres virevoltantes). Préférant à une scénarisation rigoureuse un déroulement complexe, à la fois contemplatif et étrange (le film est loin de délivrer tous ses secrets après l'apparition du générique final), Kaïro déstabilise, fascine, inquiète, effraie et - ce point noir m'empêche d'y voir un chef-d'œuvre - ennuie aussi un peu par moments, la faute à un rythme qui, même cohérent avec le propos dévitalisé du cinéaste, aurait sans doute gagné à être plus serré. Dommageables sont aussi quelques facilités d'écriture, qui apparaissent surtout dans la dernière demi-heure, telles que ces retrouvailles trop faciles entre Harué et Kawashima dans l'usine désaffectée. Cependant, nous sommes bien face à un très grand film fantastique, pesant et énigmatique, très différent de Ring et plus hermétique, mais qui, le temps de quelques séquences-clés à la virtuosité saisissante, promet un trouillomètre tout à fait équivalent. Merci à Anorya et Mµ. :mrgreen:
Dernière modification par Demi-Lune le 23 août 10, 19:30, modifié 1 fois.
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Akrocine »

Je m'empresse de le mettre dans les priorités de ma Wish List :D

EDIT :

Je vais craquer pour ça :

http://www.amazon.fr/Kurosawa-coffret-f ... 561&sr=1-1
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Jericho »

Les autres films du coffret sont bons au moins ?
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Anorya
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par Anorya »

Demi-Lune a écrit :Kaïro déstabilise, fascine, inquiète, effraie et - ce point noir m'empêche d'y voir un chef-d'œuvre - ennuie aussi un peu par moments, la faute à un rythme qui, même cohérent avec le propos dévitalisé du cinéaste, aurait sans doute gagné à être plus serré.
Oh ! Si tu t'ennuie un peu déjà, ne regarde pas Charisma, non mais ! :o :| :mrgreen:
Sinon, content que tu l'ai enfin vu ! D'autres te tendent les bras... :wink:
Akrocine a écrit :Je vais craquer pour ça :

http://www.amazon.fr/Kurosawa-coffret-f ... 561&sr=1-1
Jericho a écrit :Les autres films du coffret sont bons au moins ?
Pour ma part, je suis partagé. Kaïro est le meilleur du lot. Seance, pas vu mais je pense qu'il doit être bien supérieur à Charisma et Jellyfish.
Pourquoi n'avoir pas mis Cure dans ce coffret à la place de Charisma ? That's the question. :|
Bonne lecture sinon. :mrgreen:
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Re: Kaïro (Kiyoshi Kurosawa - 2000)

Message par »

Anorya a écrit :Seance, pas vu mais je pense qu'il doit être bien supérieur à Charisma et Jellyfish.
Houlà ! Je ne pense pas... Personnellement, je l'ai trouvé Séance assez faible. Mon petit avis ici.
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