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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Chose d'un autre monde

(The Thing from Another World)

L'histoire

Novembre 1951, un objet volant non identifié s’écrase dans l’Arctique. Le haut commandement militaire US basé en Alaska charge le Capitaine Patrick Hendry d’enquêter. Il est accompagné de scientifiques, d’un journaliste et de militaires dont la base est localisée à proximité du crash. Sur place, l’équipe découvre un vaisseau spatial pris dans la glace. S’ils détruisent malencontreusement l’OVNI, ils parviennent néanmoins à extraire son pilote, lui aussi prisonnier du froid. Le visiteur est ramené à la base afin d’y être étudié. L’extraterrestre, une chose dont le métabolisme ressemble à celui des végétaux, échappe à sa captivité et sème le chaos et la mort dans le campement. D’un côté, les scientifiques veulent étudier le visiteur, de l’autre, les militaires veulent le détruire. En bon observateur, le reporter voit dans cette affaire le scoop de sa vie.

Analyse et critique

En 1934, John W. Campbell est l’auteur d’un petit bijou littéraire de science fiction, Who Goes There ?, qui donnera naissance à deux adaptations cinématographiques, une première en 1951 que l’on doit à Howard Hawks et Christian Nyby, une seconde qui est l’œuvre de John Carpenter en 1982. Des deux films, l’œuvre de Carpenter ne souffre aucune comparaison, le Grand John nous a offert l'un des plus grands moments d’horreur de l’histoire du cinéma. La version de Carpenter est fidèlement adaptée de la nouvelle de Campbell. L’intrigue décline les thèmes de l’identité et de la perte de confiance, la chose se métamorphose afin de mieux approcher ses proies. La "chose" est un prédateur redoutable, propulsé à une époque où le public découvrait E.T. et ses gentils extraterrestres. Le film de Carpenter fut un échec commercial ; les spectateurs américains se détournaient du film de monstres et préféraient accueillir à bras ouverts des extraterrestres pétris de bons sentiments. Des valeurs morales que ne partageait pas vraiment la "chose".

Si John Carpenter a joué de malchance, Howard Hawks et Christian Nyby ont profité d’un climat nettement plus favorable. Quelques années plus tôt, en juillet 1947 à Roswell dans l’Etat du Nouveau Mexique, un OVNI se serait écrasé dans un champ. Les rumeurs les plus folles ont circulé suite à cet événement. Quatre extraterrestres auraient survécu à l’accident, des pièces de vaisseau auraient été récupérées... Des fantasmes qui ont rapidement été démentis par l’armée. Ce jour-là, l’Amérique se prenait de passion pour les petits hommes verts. Hawks et Nyby profitent de cet engouement pour adapter le roman de Campbell au cinéma. Leur film est une réponse à Klatuu, l’extraterrestre pacifique de The Day the Earth Stood Still de Robert Wise tourné la même année. Si la "chose" de Carpenter est monstrueuse, celle du tandem est politique. Le film, tourné en pleine Guerre Froide, est un pamphlet ouvert contre le communisme. Au même titre que la peste rouge, la "chose" est un virus qu’il convient d’éradiquer à tout prix, personne ne souhaite qu’il ne pervertisse le monde libre. Seul le docteur Arthur Carrington (Robert Cornthwaite) désire sauver la créature, mais par seul souci scientifique. Comme il le déclare, la connaissance est plus importante que la vie. L’unique tentative de dialogue avec la créature ne reçoit qu’un coup de griffes pour seule réponse.

La Chose d'un autre monde mouture 1951, plus qu’un classique de la science-fiction est surtout un témoignage parmi d’autres du maccarthysme. Le journaliste Ned Scott, parti avec l’équipe de sauvetage, s’extasie pour la découverte de la soucoupe. Son enthousiasme est rapidement tempéré par l’intervention du Capitaine Patrick Hendry, qui préfère étouffer l’affaire pour raison d’Etat. L’épisode de Roswell est encore frais dans les esprits. Scott a beau faire appel à la Constitution et à la liberté de la presse, Hendry reste inflexible... Au final, en bon héros hawksien attaché à son groupe, Ned Scott saluera la prouesse militaire et informera le public de la menace qui vient d’être écartée. La Chose d'un autre monde, un film de propagande ? Plutôt un divertissement dans l’air du temps. A cette époque, tout comme l’équipe basée en Arctique, le monde occidental scrute inlassablement le ciel avec méfiance avec l’espoir secret que l’apocalypse (la bombe H) ne soit qu’un concept, un croquemitaine chargé d’effrayer les enfants.

Une question demeure sur toutes les lèvres : qui de Hawks ou de Nyby a filmé La Chose d'un autre monde ? Christian Nyby est crédité mais il ne faut pas se leurrer, ce long métrage représentait sa première incursion derrière la caméra et le film ressemble trop à du Hawks pour s’y méprendre. Qu’il s’agisse de la mise en scène ou encore des thèmes abordés, il ne fait aucun doute que Hawks a pris les choses en main. Nyby, monteur d'origine, cherchait à faire ses armes comme réalisateur et il s’est donc contenté d’observer le maître en action. Hawks, qui se moque de recevoir le moindre crédit pour ce film de série B, adoube Nyby comme réalisateur officiel. Un espace restreint, un groupe soudé, un personnage féminin intégré dans un univers masculin (Margaret Sheridan), autant de thématiques qui parsèment le travail de ce géant de Hollywood.

Même si le film ne constitue pas un chef-d’œuvre, son influence demeure vivace. Que ce soit au travers d'Alien de Ridley Scott - le détecteur de mouvements est bien évidemment inspiré du compteur Geiger utilisé afin de localiser les déplacements de la chose - ou encore de Halloween de John Carpenter ou Scream de Wes Craven, le public prend toujours autant de plaisir à se faire peur devant cette chose venue d’un autre monde.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Dave Garver - le 5 octobre 2003