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Test dvd
Image de la jaquette

Shirley Clarke : The Connection & Portrait of Jason

DVD - Région 2
Potemkine
Parution : 2 septembre 2014

Image

The Connection
La restauration a été conduite par Milestone dans le cadre de Project Shirley, une mission de quatre ans visant à explorer la vie et l'oeuvre de la cinéaste et à retrouver les meilleurs éléments pour rééditer ses films. Pour The Connection, Milestone est parti du négatif 35mm d'origine. Les dernières minutes du film étant plus abimées, un master positif du British Film Institute a été utilisé en complément. Le résultat de ce travail de restauration est exceptionnel. La copie est comme neuve, nettoyée de toutes scories, ne présentant ni griffures, points ou autres détériorations de la pellicule, et se révélant en outre parfaitement stable. Ce nettoyage s'accompagne d'un respect du grain et de la texture d'origine du film, et nul lissage n'est à déplorer. La gestion des contrastes, de la palette de gris, est également totalement satisfaisante et rend pleinement justice au travail du chef opérateur Arthur J. Ornitz. Le tout est servi par une compression jamais prise en défaut, avec une définition excellente, des contours bien tracés. On aurait pu regretter que Potemkine ne propose pas d'édition Blu-ray du film, mais au vu du résultat en SD on n'aurait pas eu de fait à y gagner grand-chose.

Portrait of Jason
Le film a été tourné en 16mm et gonflé en 35mm pour son exploitation en salle. En 2000, le MoMA a réalisé une restauration du film (qui servira à une édition DVD chez Second  Run en 2005), mais à partir d'une copie 35mm très abimée, avec des éléments sonores et des images manquantes ainsi que près de cinq minutes du film ! Milestone se lance alors à la recherche du négatif 16mm original, ce qui a été tenté trois fois par le passé, sans succès. Après une enquête digne d'un film de détective privé (on peut en lire le compte rendu en anglais dans le dossier de presse de Milestone), une nouvelle restauration voit le jour. Le premier enjeu était de retrouver les éléments manquants et de coller au montage original voulu par Shirley Clarke. Ainsi, les coupures au noir qui rythment le film avaient été au fil du temps raccourcies ou simplement retirées soit par les projectionnistes, soit lors des transferts vidéo, jusqu'à les faire quasiment disparaître dans l'édition DVD Second Run. L'autre enjeu était de retrouver la texture d'image recherchée par la cinéaste. Clarke regrettait en effet l'aspect trop propre de The Connection et souhaitait avoir image brute, salie. Milestone a ainsi souhaité conserver les griffures, les taches et non se lancer dans un nettoyage qui aurait trahi la volonté de la cinéaste. Respecter la granulosité du 16mm était également une condition sine qua non de cette restauration. Le résultat, à la hauteur de ce long et minutieux travail de restauration, est servi par une compression d'excellente tenue.

Milestone a réalisé un film de 25 minutes sur l'histoire de cette restauration, disponible sur youtube mais malheureusement sans sous-titres.

Son

Côté son, rien à signaler. Les bandes sonores sont bien nettoyées, sans défaut venant gâcher le confort d'écoute. Le mixage est soigné et tous les éléments - musique, ambiance, paroles pour The Connection - sont parfaitement dosés et bien en place.

Suppléments

Entretien avec Shirley Clarke (3 min - 1956 - VO NST)
Il s'agit d'une courte interview donnée par Shirley en 1956 pour une chaîne de télévision de Minneapolis à l'occasion de la projection de deux de ses courts métrages. Elle évoque rapidement son passage de la danse au cinéma et les trois courts qu'elle a réalisés jusqu'ici. Pas de grandes révélations sur son travail donc, mais il est très plaisant de la découvrir jeune, souriante et un brin espiègle. A noter que ce joli document est proposé sans sous-titres français.

Home movie on the set (6 min)
Des photos de plateau et de tournage du film se succèdent tandis que se déroule en fond sonore une session d'enregistrement de la bande originale du film. On peut regretter que certaines photos soient trop compressées, d'autant qu'elles sont dans l'ensemble très belles en plus d'être très vivantes. Un montage intéressant en tout cas car il permet de sentir l'atmosphère du tournage et de comprendre l'installation technique simple et efficace du plateau.

Bullfight (1955 - 9 min)
Dès le générique - un dessin de matador luttant avec un taureau - on sent le travail de Shirley Clarke qui cherche du mouvement même là où il n'y en a pas. Elle monte différentes échelles de plan, fait glisser sa caméra sur le dessin jusqu'à donner le sentiment que l'image s'anime. Un visage de femme (il s'agit de la danseuse Ana Sokolow) apparaît ensuite, une première fois en tenue de torero, concentrée et immobile sur un fond rouge uni, une seconde fois assise dans le public et assistant à une corrida. Le film va ainsi aller d'une danse qu'elle se met à exécuter à des vues documentaires d'une corrida. C'est un exercice de montage où Clarke raconte sans en passer par les mots, uniquement par la musicalité des plans, le mélange de répulsion et d'attrait d'une femme pour ce spectacle de mort et sa réappropriation par la danse. C'est son troisième court métrage (primé à Venise) et elle est alors dans un travail de recherche sur la cinégénie du mouvement, essayant de partir de son expérience de la danse pour approcher le cinéma. Elle quittera cette voie avec ses longs métrages, mais reviendra à ce genre d'expériences avec ses essais vidéo, comme Butterfly également proposé dans cette édition.

Butterfly (1967 - 3 min)
Ce court, réalisé par Shirley Clarke et sa fille Wendy, démarre sur du grattage et de coloriage de pellicule avec en fond sonore une comptine et des pleurs de bébé. Shirley Clarke apparaît ensuite, berçant un bébé imaginaire qui se transforme en une coupure de plan en une adolescente (Wendy). S'ensuit un jeu de superpositions, de saturations de couleurs, de flous et de découpes tandis que Shirley et Wendy dansent sur un sample de mitraillette qui se transforme en battements d'ailes. Un joli film expérimental qui évoque l'enfant qui grandit et prend son envol, la tristesse de la mère qui voit la chenille devenir papillon, le plaisir aussi de transmettre et d'avoir donné la vie. Un essai qui reste assez "classique" dans le domaine de l'expérimental mais dont la naïveté et la simplicité nous touchent.


Trans (1978 - 7 min)
Entre 1967 et 1978, Shirley Clarke sort de l'histoire officielle du cinéma. Après Portrait of Jason, on la retrouve en 1969 devant la caméra d'Agnès Varda (dont le travail de « documenteuse » n'est pas sans faire écho au sien) pour Lions Love où elle joue le rôle d'une cinéaste en recherche de financement pour son film. De fait, la Film-Makers' Distribution Center qu'elle a montée avec Jonas Mekas ferme ses portes l'année suivante, avec 80 000 dollars de dettes. C'est alors qu'elle se tourne vers la vidéo, format qu'elle utilisera jusqu'à la fin de sa vie. Dans les années 70, elle s'intéresse essentiellement aux performances vidéo liées à la danse. En 1975, elle quitte New York et s'installe en Californie où elle enseigne la vidéo à l'UCLA.
Trans, réalisé en 1978, est l'un de ces essais vidéo. Clarke filme de nouveau une danse (cosmique et électronique) mais ne travaille pas cette fois-ci sur les effets de montage mais uniquement sur l'image. Elle efface les contours, solarise le sujet et joue ensuite sur l'empreinte lumineuse que la danseuse laisse sur l'enregistrement vidéo, comme si elle était filmée avec une caméra thermique. L'effet est réussi - avec notamment l'étrange impression d'un corps contenu dans un autre corps/enveloppe - mais ces sept minutes s'avèrent tout de même un peu longuettes...
Ce film fait partie d'une série de chorégraphies de Marion Scott mises en images par Shirley Clarke (les autres sont Mysterium, One-2-3 et Initiation, l'ensemble de ces films étant regroupé en 1980 dans un programme intitulé Four Journeys Into Mystic), la cinéaste variant à chaque fois sa manière de filmer et de restituer la danse, qui demeure encore l'autre grande passion de sa vie. Mais c'est sur le jazz qu'elle achèvera sa carrière de cinéaste avec Ornette : Made in America, un documentaire consacré à l'immense Ornette Coleman qu'elle réalise en 1985.

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Par Olivier Bitoun - le 2 septembre 2014