Menu
Test blu-ray
Image de la jaquette

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon

BLU-RAY - Région B
Carlotta
Parution : 12 juillet 2017

Image

Quelques années après la sortie d'Enquête d'un citoyen au-dessus de tout soupçon en DVD par Carlotta, l'éditeur propose aujourd'hui une édition Blu-ray de ce film exceptionnel. Et l'on peut dire que notre attente a été récompensée car nous avons affaire à une édition HD de grande qualité, le haut de gamme de Carlotta pour le film de patrimoine. Il faut dire que non seulement ce titre a bénéficié d'une restauration 4K en 2013 - et cela se voit - mais que de plus aucun traitement numérique disgracieux n'a été appliqué. Ce qui saute aux yeux - en dehors de la stabilité et de la propreté quasi exemplaires -, c'est le respect évident du grain argentique. Celui-ci couplé à un piqué redoutable (les gros plans des visages en témoignent de manière impressionnante) aboutit à un véritable régal pour les yeux. Il n'y a non plus rien à redire du côté des contrastes : les noirs sont profonds, ne sont pas teintés et laissent entrevoir du détail dans les ombres. Enfin, la colorimétrie propre aux films italiens de cette période semble avoir été respectée, même si l'on soupçonne une légère et subtile accentuation de la saturation des couleurs (cela dit, les scènes d'intérieur chez le policier avec son aspect Art moderne voulu par Elio Petri justifient pleinement cet état de fait) et le rendu n'en est que plus agréable. En résumé, ce Blu-ray est un must have que tout amateur du film se doit de posséder.

Son

Ce Blu-ray propose deux pistes mono en DTS-HD Master Audio, la piste italienne originale et la version française. Toutes deux ont été manifestement restaurées, donc nettoyées, et proposent des caractéristiques voisines. Les Italiens ayant l'habitude de tout postsynchroniser, les mixages se révèlent assez proches même si les dialogues italiens sont plus naturellement intégrés aux ambiances. Les pistes mono bénéficient d'une profondeur séduisante mais auraient pu jouir d'une dynamique plus accentuée. Cela dit, la musique d'Ennio Morricone, l'un des moteurs essentiels de la narration, s'exprime de manière très satisfaisante et propose un rendu assez immersif.

Suppléments

La stratégie de la tension (26 min - 16/9 - VF - DD stéréo - 2010 - SD upscalée)
Il s'agit d'un entretien avec Fabio Ferzetti, critique de cinéma à Il Messaggero, et Annarita Zambrano, cinéaste, le premier répondant aux questions de la deuxième. Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est traité sous différents angles, essentiellement politiques. Prophétique et en prise avec le climat politique de son époque, le film d'Elio Petri anticipe les attentats d'ampleur et le déchaînement de violence des années 70, alors qu'il a été tourné au moment où avaient lieu des grandes grèves et des luttes ouvrières et paysannes en 1969. On apprend que les auteurs étaient angoissés par la sortie de leur œuvre et que la police de Milan avait même demandé la saisie du film. Les écoutes téléphoniques d'Enquête sur un citoyen... se réfèrent à un énorme scandale concernant les services secrets qui écoutaient des millions d'Italiens. Ferzetti évoque ainsi l'impression de contrôle généralisé qui renvoie à ce que vivaient les citoyens italiens à cette époque, précise les bases historiques et sociologiques réalistes sur lesquelles s'appuie la fantaisie propre à Petri (qui voulait faire un "film brechtien" donc proposant une distanciation ironique). La nature du personnage du policier est ensuite abordée : sa psychologie enfantine, son rapport SM avec sa compagne, son besoin d'exercer son pouvoir avec théâtralité. Il explique aussi pourquoi la scène de la fin a été conçue comme un rêve. Ferzetti évoque l'emprise du fascisme sur la société italienne, de même qu'il rappelle que la critique d'extrême gauche a vivement attaqué le film pour avoir montré leur division et leur sectarisme. Il insiste également sur le fait qu'il s'agit d'un vrai film d'auteur, d'acteur et de scénariste avec des racines personnelles pour chacun. Enfin, le critique aborde la personnalité de Gian Maria Volonte et - un peu trop rapidement - le style visuel du film. Cette production Allerton Films nous en apprend beaucoup plus sur le contexte politique de l'époque et sur les intentions des auteurs que sur l'aspect artistique de l'œuvre, qui mériterait certainement un autre documentaire centré sur cet aspect.



Regards croisés (20 mn 43 - 16/9 - VF - DD stéréo - 2010 - SD upscalée)
Ce document croise deux entretiens, celui avec Paola Pegoraro Petri, la veuve du cinéaste, et celui avec Marina Cicogna, la productrice d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon. On aborde ici l'historique du film, de son projet initial avec ses intentions thématiques (la critique sociale d'un pouvoir sans limites et l'étude d'un personnage hors du commun) jusqu'à son accomplissement et sa sortie. Sont évoquées également la personnalité du cinéaste Elio Petri, grand amateur de science-fiction, de polar et d'Art moderne (comme le Pop Art), l'actrice principale qui est dotée d'un certain "exotisme", la complicité entre les deux comédiens, la direction d'acteurs parfois spontanée de Petri qui surprenait les acteurs, les différentes collaborations entre Petri, Cicogna et Gian Maria Volonte, la sortie du film houleuse avec les autorités et la réussite auprès du public et de la grande majorité de la critique (avec à la clé deux prix au Festival de Cannes et l'Oscar du meilleur film étranger). La productrice est plus à l'aise dans cet exercice que Mme Petri qui a pour elle l'émotion, et si les interviews croisées manquent parfois de liant, l'ensemble de ce document se suit avec un vif intérêt.


Ennio Morricone, la musique au corps (20 min 09 - 16/9 - VIST - DD stéréo - 2010 - SD upscalée)
Illustré avec des extraits du film soigneusement choisis, il s'agit d'un entretien avec le maître italien dirigé par Fabio Ferzetti, critique de cinéma à Il Messaggero. Morricone évoquesa rencontre inoubliable - selon ses propres mots - avec Elio Petri ; il a séduit le réalisateur qui ne voulait à l'origine ne travailler qu'une seule fois avec lui. Il aborde surtout son travail de composition pour Enquête sur un citoyen... Une liberté totale d'écriture lui a été accordée par le cinéaste. Le musicien n'avait vu aucune image, il ne s'était basé que sur le script et a exprimé la volonté de créer une "musique grotesque", simple d'approche. Avant d'écrire la partition (qui se compose principalement de deux thèmes), Morricone avait d'abord choisi des instruments ordinaires décriés (la mandoline, le piano-forte, la guimbarde) et fait appel à un synthétiseur. Une première version du thème contenait des arpèges proches de ceux du Clan des Siciliens. Pour notre plus grand plaisir, le maître se met au piano et joue ces différents thèmes. Il raconte ensuite une anecdote sur le mixage, durant lequel Petri ne voulait pas de lui jusqu'à ce qu'il lui fasse écouter le résultat sur une bobine. Une anecdote à la fois émouvante (Morricone verse quelques larmes) et drôle (il s'agissait d'une plaisanterie), dont il a su tirer une leçon quant à sa liberté artistique. Le temps passe trop vite devant ce documentaire durant lequel on se délecte - tout en s'émouvant - à écouter Ennio Morricone expliquer son processus créatif. On en redemande !

Ces trois suppléments ont été repris du DVD Carlotta datant de 2010.

Par Ronny Chester - le 18 août 2017