Ce topic mérite d'être déterré pour cause de cycle au cinéma de minuit.
En raison de mon cycle maison agrémenté d'une dizaine de titres supplémentaires, voici quelques rapides avis.
Le pacte (Lloyds of London) 1936
Très beau film bénéficiant surtout d'un remarquable scénario de Walter Ferris, habile mélange d'Histoire (avec un grand H) et de petites histoires, le tout parfaitement agencé. La manière de décrire les sociétés d'assurance de l'époque (fin du 18ème) n'est jamais laborieuse mais au contraire tout à fait passionnante. Quant à la justesse de la description de l'amitié entre Jonathan Blake et de l'amiral Horatio Nelson et de l'amour qui unit Tyrone Power et Madeleine Carroll, elle porte la marque de la sensibilité habituelle de Henry King. Tyrone Power prouve aussi qu'il n'était pas un acteur fade comme on le lui a trop souvent reproché.
L'Heure suprême (Seventh Heaven) 1937
Curieux de savoir ce que Frank Borzage a fait de cette histoire car j'ai trouvé le scénario du film de King atterant de ridicule. L'histoire d'amour de l'égouttier Chico (James Stewart) et de la prostituée Diane (Simone Simon) n'est pas crédible une seconde par la faute d'une Simone Simon absolument pas convaincante et d'un réalisateur qui n'arrive même pas à sauver les meubles tellment sa mise en scène est incohérente mélangeant expressionisme, platitude... Un excessivement ennuyeux mauvais film.
L'Incendie de Chicago (In Old Chicago) : 1938
Et encore une fois, le cinéaste évite (presque) tous les écueils d'un film surtout réputé pour sa longue séquence finale de l'incendie. Car ce n'est pas l'unique raison de s'y intéresser et l'unique raison qui a apparement motivé son auteur. Reconstitution fastueuse et assez réaliste (les rues boueuses du début), description alerte, vigoureuse, colorée (même si le film est en noir et blanc) d'une grande ville en plein essor au milieu du 19e siècle, voici ce qu'est ce film dans sa première partie, la plus importante. Tyrone Power interprète le rôle d'un flambeur ambitieux et qui n'hésite pas à employer les coups bas pour arriver à ses fins. Alice Faye est une chanteuse de cabaret qui ne se laisse pas démonter, au caractère bien trempé. Et tous ceux qui les entourent sont rapidement mais bien croqués, Don Ameche, Alice Brady et Brian Donlevy en tête. Les séquences familiales portent la marque inimitable du réalisateur. Enfin, une Chigago d'une vitalité étonnante qui va s'embraser pour mieux pouvoir, grâce aux réformateurs, être reconstruite sur des bases et des 'valeurs' plus solides. King reprendra le trio d'acteur principaux pour son autre belle reconstitution, celle d'
Alexander's Ragtime Band l'année suivante avec à nouveau un solide scénario de Lamar Trotti.
La Folle parade (Alexander's Ragtime Band) 1938
L'histoire d'un groupe de musicien de musique populaire au début du siècle, à l'orée de la Première Guerre Mondiale et après. Utilisant une trentaine de standards de Irving Berlin, Henry King rend un vibrant hommage à l'époque et à sa musique à travers 3 portraits très justes d'un chef d'orchestre (Tyrone Power qui n'est jamais si bon que chez King), un pianiste (touchant Don Ameche) et une chanteuse (Alice Faye qui supplante ses partenaires par son immense talent méconnu : un personnage féminin très riche et complet superbement écrit et admirablement joué). Autre chanteuse de talent : Ethel Merman dans un registre totalement différent. On ne s'ennuie pas une seconde même si le film ne compte pas parmi les réussites majeurs du cinéaste.
Stanley et Livingstone 1939
Petite déception peut-être en raison de l'ampleur et du souffle de l'aventure que l'on attend face à ce type de sujets mais que l'on ne ressent pas ici. Belle histoire ceci dit, l'aspect humain passant comme souvent chez King avant l'aspect épopée qui n'en est pas franchement une puisque le voyage de Stanley ne sera qu'une longue marche d'une année sans que rien n'arrive vraiment à son groupe (sauf une 'attaque' par les indigènes superbement filmée). Belles images tournées par Otto Brower de la troupe évoluant en plan d'ensemble dans les immensités africaines, scénario passionnant qu'Henry King n'arrive pourtant pas à rendre aussi émouvant qu'on l'aurait souhaité, la rencontre entre Stanley et Livingstone n'arrivant jamais non plus à réellement décoller. A revoir peut-être en ne s'attendant pas à un film d'aventure. Par contre, ravi de trouver mélangé des acteurs tels que Charles Coburn, Walter Brennan à la troupe de seconds rôles habituelle à King (Nancy Kelly, Henry Hull) que l'on verra la même année dans son superbe
Jesse James.
Le Brigand bien aimé (Jesse James) 1939
L'un des premiers chefs d'oeuvre du western donc que ce film serein, classique et émouvant, une espèce de chronique d'une page d'histoire de l'Amérique. Henry Fonda, Tyrone Power, Randolph Scott et la superbe Nancy Kelly dans un film d'une sobriété et d'une retenue qui sont les deux qualificatifs qui illustrent le mieux le Henry King de ses meilleurs films.
Dans un beau technicolor, le réalisateur nous montre ici surtout son don de conteur : pas besoins d'actions, de chevauchées, de duels à outrances mais une belle histoire à laquelle il croit très fort et nous aussi par la même occasion.
Souvenirs (Remember the Day) 1941
Une vieille institutrice vient attendre le discours d'investiture du futur président des USA. Flash back sur la vie de ces deux personnes qu'apparemment tout sépare et qui pourtant se sont cotoyées quelques 20 ans auparavant, la vielle dame ayant été l'institutrice du futur président. Très jolie tranche d'Americana traitée avec une très grande discrétion et avec la sensibilité toute particulière d'Henry King. 'L'histoire' de l'amitié (amour) d'un jeune élève d'une dizaine d'années pour son institutrice (Claudette Colbert), celle de l'amour de cette dernière pour un de ses collègues, ce qui risque de provoquer le scandale à cette époque (début du siècle) un peu guindée, celle enfin de la vie de tous les jours d'une petite ville américaine comme il y en existe des milliers. Peu de progression dramatique mais une attention toute particulière à ce quotidien décrit une grande justesse. Pas de cris, de larmes, de pleurs, juste la vie de tous les jours. John Payne et Claudette Colbert sont excellents et le film touchant par sa simplicité.
A Yank in the RAF 1941
L'histoire de trois officiers tournant autour de la même femme, une danseuse de cabaret, au début de la Seconde Guerre Mondiale. Mélange de film sentimental et de film de guerre passionnant ni d'un côté ni de l'autre. On a du mal à comprendre comment ces trois soldats peuvent se disputer un personnage féminin aussi fade mais en revanche, intéressante description des 3 personnages masculins, celui de Tyrone Power étant même menteur, arrogant, prétentieux et goujat comme ce n'est pas permis. On aurait aimé que le scénario soit à l'image de ce personnage, allant à l'encontre des conventions, mais ce n'est malheureusement que rarement le cas. On a du mal à retrouver le ton et le style du cinéaste.
Le Chant de Bernadette (The Song of Bernadette) 1943
Ce film est 'miraculeux' : comment faire une biographie de Bernadette Soubirous sans tomber dans les bondieuseries, la mièvrerie... Etonnant film d'un lyrisme rare surtout dans sa première partie, dû pour beaucoup à la fabuleuse partition de Alfred Newman qui lorgne sur le Daphnis et Chloé de Debussy, et en même temps d'une grande sobriété dans le traitement de l'histoire. La mise en scène extraordinaire de Henry King nous donne de nombreuses images inoubliables et le scénario est d'une rare intelligence qui nous donne différents points de vue sur l'histoire, le personnage de Vincent Price à cet égard étant magnifiquement écrit. J'avoue avoir surtout étonné par Jennifer Jones absolument extraordinaire dans ce rôle : elle rayonne carrément sur tout le film et son visage est inoubliable. Ces transes nous offrent des gros plans absolument miraculeux. Un chef d'oeuvre. Redécouvrons urgemment Henry King, son humanité et sa simplicité.
Margie
Tout comme
Remember the day en 1941, une autre tranche d'Americana se déroulant dans les milieux étudiants, ici, un lycée d'une petite ville américaine typique. Tout comme dans ce dernier, une délicatesse de ton que l'on retrouve dans une très belle mise en scène, une très belle utilisation de couleurs pastels et des décors naturels (ici Reno magnifiquement photographiée). L'histoire raconte les premiers émois d'une jeune lycéenne forte en thème attirée par son prof de français. Mais Henry King a beau avoir du talent, il n'arrive pas à sauver un scénario sans intérêt et, osons le dire, assez idiot. Quant à Jeanne Crain, j'ai beau aimer cette actrice mais elle n'était visiblement pas faite pour le rôle : bien trop âgée pour être crédible. Au vu de la première séquence, Margie avait tout pour être charmant, il l'est même parfois, mais au final, il ne reste pas grand chose.
Capitaine de Castille 1947
Merveilleux film d'aventure d'une sobriété et d'une belle économie de moyens et d'effets qui sont la marque d'Henry King aidé encore une fois ici par un magnifique scénario de Lamar Trotti qui créé avec le personnage joué par Tyrone Power l'un des héros de films d'aventures les plus riches à l'égal d'un Jeremy Fox ou d'un André Moreau. Mais attention, qui dit film d'aventure, ne dit pas nécessairement panache ou truculence ; il n'y en a point ici ou si peu mais au contraire une retenue de tous les instants et une sécheresse apparente derrière laquelle l'émotion n'en ressort que plus fortement (voire la sublime et longue séquence ponctuée par les rythmes angoissants des tambours mexicains qui commence par une conversation sur la religion entre Vargas le conquérant et un indien, ancien esclave en Espagne qu'il a sauvé, et et qui se termine par l'une des plus douces et belles scènes d'amour que j'ai pu voir, Tyrone Power s'endormant de fatigue dans les bras de Jean Peters, celle-ci continuant de lui caresser la tête tout en épanchant son immense amour dans les oreilles du meilleur ami de son amant joué par Lee J Cobb. Scène magique, poignante et simple d'une sensibilité et d'une émotion qui porte le film vers de formidables hauteurs). Plastiquement splendide, des acteurs parfaits (une Jean Peters inoubliable, Alan Mowbray et Lee J Cobb étonnants, César Romero impérial et Tyrone Power confirmant tout le bien que j'en pense sous la direction de King) et une partition qui, si elle n'est peut-être pas la meilleure d'Alfred Newman, comporte cependant le plus beau thème qu'il ait jamais écrit, celui dédié au personnage de Catana Perez. Superbe !
Deep Waters 1948
Chronique sensible, juste et extrêmement attachante d'un petit village côtier du Maine où la pêche aux langoustes est la principale source de revenus de ses habitants. Dans le même temps, King nous conte l'histoire d'un pêcheur (Dana Andrews a rarement été aussi juste) qui se prend d'amitié pour un jeune orphelin (Dean Stockwell confirme qu'il était l'un des enfants-acteurs les plus doués d'Hollywood) ; jeune orphelin 'coaché' par une assistante sociale (Jean Peters) amoureuse du pêcheur mais qui refuse de l'épouser pour ne pas subir les angoisses qui sont le lot quotidien de toutes les autres femmes de marins. Tout ceci sans dramatisme exagéré, sous la forme d'une chronique tendre et foncièrement émouvante remplie de notations bien senties sur la vie quotidienne de ce petit peuple. Tous les seconds rôles sont parfaitement croqués sans utilisation du pittoresque. En bonus, une scène de tempête sur une mer démontée très impressionnante pour l'époque. Magnifique
Echec à Borgia (Prince of Foxes) 1949
Si Henry King réalise effectivement un beau film d'aventure luxueux et en décors naturels sur une période de l'histoire peu abordée, si Orson Welles est réellement épatant en Borgia, si Tyrone Power continue à me plaire sous la direction de King et si les dialogues sont bien troussés, le scénario ne m'a pas autant touché et passionné que celui de
Capitaine de Castille, loin s'en faut ; n'est pas Lamar Trotti qui veut et les personnages me semblent bien moins fouillés et riches que dans les scripts de ce dernier pour le réalisateur. Il n'atteint à aucun moment les hauteurs du précédent, adapté pourtant d'un roman du même auteur, et ne tire jamais le film plus loin qu'un honnête film de cape et d'épée : ce qui n'est déjà pas si mal ! Un peu déçu aussi par la partition d'Alfred Newman, qui de superbe pour
Capitaine, se révèle plutôt pesante ici.
Un homme de fer (Twelve O'Clock High) 1949
http://www.dvdclassik.com/Critiques/dvd_hommefer.htm
La Cible humaine (The Gunfighter) 1950
C’est l’histoire d’un tireur d’élite, Jimmie Ringo, voulant se ranger mais n’y arrivant pas, trouvant toujours sur son chemin un jeune prétentieux voulant obtenir la gloire d’avoir réussi à être plus rapide que lui. Gregory Peck dans le rôle de ce ‘héros’ las de cette vie passée à fuir les duels, arrive dans la ville où il a laissé une épouse et un fils qu’il n’a pas vu depuis 8 ans, ceux-ci ne pouvant plus supporter cette vie d’angoisse et de violence. Le film se passe quasiment en temps réel, sans aucune musique, et nous avons un Gregory Peck absolument parfait, égal à lui-même et un personnage de shérif parmi les plus beaux de l’histoire du cinéma, shérif, ex-truand de la bande à Jimmie mais maintenant vieilli, honnête et foncièrement humain (sublime Millard Mitchell). J’avoue que les dix dernières minutes du film m’ont, comme la première fois, fait venir les larmes aux yeux. Et ça, sans la moindre musique, sans la moindre volonté de forcer le côté dramatique, par la seule force de l’interprétation de Gregory Peck et de la mise en scène de Henry King. Leur duo avait déjà donné le formidable Un homme de fer mais là, ils font encore plus fort.
La Colline de l'adieu (Love is a many-splendored thing) 1955
Magnifique mélo de Henry King. Un film simple, lent, sans aucune montée dramatique ou coup de théâtre mais qui est une histoire d'amour tendre, sensible, pudique et attachante. William Holden et Jennifer Jones forment un couple touchant et la superbe musique de Alfred Newman aide beaucoup à faire passer l'émotion.
Bravados (1958)
Après une première demi-heure tendue, mystérieuse et assez prenante, le film devient plutôt ennuyeux dès que la course-poursuite s'engage. Le portrait des 4 bandits est assez terne, le rythme se fait languissant et l'on finit par trouver le temps long surtout que le scénario n'apporte plus grand chose d'original. Je trouve que Henry King, poète élégiaque d'une grande sensibilité se sent peu concerné par son histoire qui manque singulièrement d'ampleur et d'émotion. Le final est même assez gênant comme l'explique Melmoth et achève de rendre ce film beaucoup trop lourd et finalement plutôt indigeste dans l'ensemble. Pourtant King n'a pas son pareil en tant que paysagiste et les lieux sont magnifiquement photographiés et filmés.