Jack Carter a écrit : ↑29 mars 24, 19:30 One more spring (1935) vu à la cinémathèque de Toulouse il y’a deux ou trois ans est un petit bijou.
C'est Jean mais hélas c'est pas King, loin s'en faut
D'autant que j'ai à mon tour dégusté le remarquable panorama dressé par Viviani en sirotant mon café ce matin où il qualifie le film de "chef-d'œuvre de la dépression" à ranger quelque part auprès de Ceux de la zone de Borzage. Ça fait saliver.
Justement, parlons-en de ce prétendu statisme.Wolverine95 a écrit : ↑30 mars 24, 14:29Oui, L'heure suprême est nul (je n'ai jamais lu d'avis positif sur ce film). Comparer les deux versions permet de se rendre compte de l'importance capitale de la mise en scène au cinéma (et de ce qui peut passer la rampe en muet mais ne le peut pas en parlant).Alexandre Angel a écrit : ↑30 mars 24, 13:23 L'Heure suprême est nul ??
Je ne dis rien, je ne connais que la version Borzage et je ne suis pas allé (re)voir ce qu'en disent Lourcelles ou Tavernier. Mais je suis quand même surpris
Je ne suis pas fan de Capitaine de Castille que je trouve statique, quasi sulpicien.
(...)
je dois dire que j'ai une réticence analogue -"statique et quasi-sulpicien"- avec Le chant de Bernadette, comme le montre ma liste)
Le seul petit grief que je formulerai à l'encontre de l'article de Viviani en 1982 - qui m'a ravi je le répète - c'est de ratifier ce qui est pour moi une idée reçue concernant King : une attention à la composition picturale (cette enluminure relayée par Rashomon un peu plus haut, comme héritage immuable de sa formation dans le muet) au détriment de la dynamique des plans et un recours au montage soi-disant conventionnel.
Mais sans vouloir en faire un émule d'Ophüls, nombre de ses films abondent en mouvements de caméra aussi discrets que complexes. On peut même dire que In Old Chicago est un film bouillonnant d'un mouvement incessant, et que ce bouillonnement hors norme pour l'époque est autant le fruit du travail de mise en scène proprement dite au sein du cadre que de l'arsenal de mouvements de caméra, entre travellings nerveux et panoramiques limpides, déployé par King et son opérateur. Je reste pour ainsi dire bouche bée devant un incroyable dolly out immortalisant dans toute la profondeur du champ l'activité intense d'une armada de barmen au moment de la célébration de la victoire de Jack (Don Ameche) aux municipales. Et partout, comme pour l'exploration des fastes de la foire de State Fair, je jubile devant la succession de travellings raccordant insolemment dans le mouvement au montage, au gré de fondus dignes d'une pièce d'orfèvrerie. Une technique qui s'exprime avec le même bonheur dans (certains de) ses films en Scope. Ainsi dans Cette terre qui est mienne, j'ai été littéralement électrisé par la beauté de ce léger panoramique arrière, puisant également sa source dans un fondu enchaîné, venant cueillir l'entrée de Kent Smith dans la salle du bal du nouvel an, au moment de la mort du patriarche Claude Rains.
Comme chez Preminger, la même technique invisible irrigue la plupart de ses films, au moins ponctuellement et toujours à bon escient. J'avais ainsi complètement oublié l'ouverture de A Bell for Adano, film qui me charme presque de bout en bout malgré des facilités d'écriture manifestes (une couleur locale trop appuyée en particulier). Elle est pourtant éblouissante : presque un plan séquence à la grue cadrant en lointaine plongée la progression de la jeep qui transporte Bendix et Hodiak avant d'embrayer sur un panoramique audacieux quand le véhicule aborde le pied d'un contrefort rocheux. Timing impeccable de l'objectif pour récupérer la jeep qui a contourné le promontoire. Entretemps, quelques trouées dans le massif ont permis au cinéaste de saisir au vol quelques infos imparables, telle une affiche à l'effigie du Duce. Ne reste plus qu'à rompre le mouvement par l'insert de quelques portraits fugaces qui ne dépareraient pas chez Rossellini. Le décor est immédiatement et nettement planté, tant historiquement qu'en termes de préoccupations sociales pour des locaux plus que circonspects, naturellement inquiets : pour eux ces américains sont des envahisseurs.
Donc, pour en revenir à Capitaine de Castille, qualifier ses séquences finales de statiques - et sulpiciennes - c'est selon moi occulter la manière dont King se sert justement de la technique pour éviter de magnifier l'élan de la conquête. C'est omettre une fulgurance stylistique qui vient troubler le hiératisme commémoratif en illustrant la dualité du récit et l'ambivalence de son héros : ce travelling éloquent sur la chevauchée de Pedro de Vargas après qu'il a recueilli les ordres de Cortes - bien plus qu'à demi-mot bellicistes - et réglé de telle façon qu'il ne puisse au passage qu'enregistrer le cœur du sermon du padre Thomas Gomez. (Ouvrez vos yeux sur le nouveau monde qui se présente à vous... Ne marchez pas comme des conquérants !). Ce finale est certes somptueux, mais dans ma lecture très loin d'être galvanisant. Encore moins triomphaliste.