Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Re: Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Message par Kevin95 »

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LONELY ARE THE BRAVE - David Miller (1962) révision

Le rapport de force est posé dès les premiers plans : un cow-boy allongé au sol regarde d'un œil dédaigneux des avions passant au-dessus de lui, deux époques au coude à coude, deux mentalités en conflit. Qu'Arte ait diffusé Lonely Are the Brave après Man Without a Star de King Vidor n'est pas un hasard, le film de David Miller en est le prolongement, la réactualisation dans l'Amérique des sixties. Un solitaire qui ne supporte pas les limites, un monde qui en pose et l'incommunicabilité entre eux, les deux films parlent sensiblement de la même chose mais là où Vidor y voyait une célébration de l'individualisme, de la course en avant et du self made man, Miller (et Dalton Trumbo au scénario) y voit la fin d'un monde, d'une utopie et d'une certaine Amérique. Le cow-boy Kirk Douglas vit dans un monde dépassé, son goût pour demain ne rentre pas dans la pensée d'un pays sclérosé, trop enfermé dans le boum de l'après-guerre. Le western est mort, Kennedy n'a plus qu'un an à vivre (l'espoir aussi) tandis que Sam Peckinpah sort la même année la première pierre de son entreprise de démolition avec Ride the High Country. Lonely Are the Brave, sa beauté comme sa mélancolie doivent leur origine à un homme, ni le metteur en scène ni le scénariste mais sa star. Douglas considérera longtemps ce film comme l'un de ses préférés ("mon bébé" disait-il en interview) et certaines rumeurs évoquent même une co-réalisation entre l'acteur et un David Miller encore tout chétif. Le métrage porte à ce point la marque Kirk, qu'il s'inscrit dans une "fausse" trilogie dans la carrière de l'acteur, un triptyque autour de la soif de liberté avec Man Without a Star (déjà cité), Spartacus de Stanley Kubrick et ce film-ci. Des films de plus en plus mélancoliques, de plus en plus conscients d'un monde et d'une époque qui changent. Le brave du titre en payera les frais, victime de son anachronisme, son destin se terminera sur un pavé mouillé dans une séquence superbement déprimante. Le film a aujourd'hui un statut de classique amplement mérité, on sait depuis combien un film comme First Blood de Ted Kotcheff lui doit beaucoup (les thèmes principaux de Jerry Goldsmith pour les deux films sont comme cul et chemise) et combien il annonce les westerns les plus crépusculaires. Western can't die.
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Arn
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Re: Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Message par Arn »

Petit coup de coeur pour ce film. J'ai découvert L'homme qui n'a pas d'étoile 2 jours auparavant et évidemment les ponts entre les deux sautent aux yeux.
Ici on est en revanche sur quelque chose de bien moins classique. Je ne trouve pas le film léger en terme d'écriture. Certes la trame est d'une grande simplicité, mais pour autant ça regorge de petits détails d'écritures qui donnent vie au personnage de Kirk Douglas (et du shériff) et donne un ton assez unique au film, très touchant.
A la limite sur l'écriture ça manque peut être un peu de subtilité au début sur l'évocation de certains thèmes.
Mais la forme comme le fond m'ont quand même semblé d'une grande modernité (même si le coeur du propos est lieu bien ancré dans son époque).
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murphy
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Message par murphy »

Martin Brody a écrit : 9 mars 04, 14:03 Un beau film, à défaut d'être un grand film. Faut que je mentionne la musique de Goldsmith, sinon ratatouille va me disputer ! :D

Il est assez curieux de noter une certaine similitude avec l'intrigue du premier Rambo, ce qui n'étonne qu'à moitié quand on sait que Kirk Douglas avait acquis les droits du roman original et comptait l'adapter au cinéma.

Vu hier soir, je n'ai pas grand chose de plus à en dire de ce qui a déjà été dit plus haut si ce n'est que j'ai également pensé à Rambo (dans la seconde partie du film).

A noter que les deux livres sont désormais disponibles chez le même éditeur :

Seuls sont les indomptés - Edward Abbey : https://gallmeister.fr/livres/142/abbey ... -indomptes

Rambo - David Morrell : https://gallmeister.fr/livres/292/morrell-david-rambo
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Jeremy Fox
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Re: Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Message par Jeremy Fox »

Étonnement, ayant à priori tout pour me plaire, malgré trois ou 4 tentatives (puisque c'est l'un des films fétiches de Mme Fox) et malgré ses évidentes qualités, je n'ai jamais été très enthousiasmé par ce film. :oops: Mais je vais persévérer.
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murphy
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Re: Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Message par murphy »

J'ai surtout aimé la seconde partie du film (la fuite dans les montagnes). Je comprends l'utilité de la première partie pour présenter l'histoire à venir mais j'eu du mal à croire à ce personnage, aussi marginal soit il, à s'emprisonner exprès pour rejoindre son ami en prison, même dans le but de le faire évader (évasion qui d'ailleurs me semble assez facile à réaliser). Mais j'imagine que l'essentiel du film n'est pas là. Enfin, je crois. Non, j'en sais rien.
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Supfiction
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Message par Supfiction »

Martin Brody a écrit : 9 mars 04, 14:03
Il est assez curieux de noter une certaine similitude avec l'intrigue du premier Rambo, ce qui n'étonne qu'à moitié quand on sait que Kirk Douglas avait acquis les droits du roman original et comptait l'adapter au cinéma.
Kotcheff sait depuis le début que First Blood est un remake non avoué de Seuls sont les indomptés (1960) de David Miller, western stupéfiant où Douglas interprétait un cow-boy insoumis s’évadant de prison et imposant aux forces de l’ordre d’une petite ville des sixties une partie de cache-cache dans les montagnes. Le film préféré de toute la carrière de Douglas. La star saisit immédiatement le parallèle tracé par le script de First Blood et son rôle fétiche et accepte celui de Trautman. Vajna & Kassar se frottent les mains : si Stallone est une star aux USA, Kirk Douglas est une star partout. Endettés à hauteur de 16 millions de dollars, les deux jeunes producteurs espèrent rembourser leur crédit grâce à de juteuses (et rapides) ventes internationales. Dans cette optique-là, la présence de Douglas est un atout-maitre. La star de Spartacus ne va pourtant pas passer loin de faire complètement capoter le projet First Blood.


Ted Kotcheff : « Kirk est arrivé sur le tournage, en Colombie britannique, alors que nous entamions la troisième semaine de travail. Jusque-là, il m’avait toujours dit adorer notre script. À peine l’avait-on installé dans son joli cottage qu’il s’est mis à se plaindre de ses dialogues et à les retoucher. Il faut savoir par ailleurs que Kirk avait une manie très désagréable: il parlait systématiquement de lui à la troisième personne. Du coup je l’entendais répéter en boucle: “Kirk ne dira pas cette réplique”, “Kirk n’aime pas ce dialogue”. C’était exaspérant. Pire, il voulait carrément piquer aux autres personnages leurs dialogues ! “Mais enfin Kirk ça n’aucun sens si vous dites ça, le Colonel ne ressent pas du tout ça à ce moment du film. — On s’en fout c’est une super réplique. Le shérif ne va pas la dire, c’est Kirk qui va la dire!” En plus de tout ça, il nous faisait des suggestions vraiment ringardes sur les scènes d’action; comme si nous tournions une série B des années 40… Bon, on s’est débrouillés avec Sylvester pour réécrire ses dialogues pendant plusieurs nuits, juste après la fin de la journée de travail. Nous étions épuisés mais ça ne lui convenait toujours pas ! Je suis donc allé voir les producteurs : “Les gars, Kirk Douglas va vraiment foutre notre film en l’air. Pas seulement artistiquement mais aussi économiquement. Il va vraiment nous foutre deux semaines de tournage supplémentaires dans la vue parce que je dois négocier pour lui faire dire CHACUNE de ses répliques.” Vajna & Kassar m’ont alors donné le feu vert pour aller poser un ultimatum: “Kirk, je vous ai fait lire le script il y a quelques semaines, vous m’avez dit l’apprécier, et c’est ce script-là que nous tournons. Si vous voulez bien interpréter ce qu’il y a dans ce script, j’en serai ravi. Sinon, il serait mieux que vous vous en alliez.” Sa réponse fut immédiate: “Kirk s’en va.” »
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innaperfekt_
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Re: Seuls sont les indomptés (David Miller - 1962)

Message par innaperfekt_ »

Jeremy Fox a écrit : 5 janv. 24, 10:13 Étonnement, ayant à priori tout pour me plaire, malgré trois ou 4 tentatives (puisque c'est l'un des films fétiches de Mme Fox) et malgré ses évidentes qualités, je n'ai jamais été très enthousiasmé par ce film. :oops: Mais je vais persévérer.
Sans être aussi négatif (car j'ai regardé le film sans problème et d'une traite), je suis tout aussi mitigé que toi sur ce Lonely are the Brave. Ça a sans doute à voir que je n'ai jamais été si fasciné par Kirk Douglas que cela. Il est loin d'être le seul acteur mégalo de l'histoire du cinéma mais à ce point là, c'est un peu trop dégoutant. Pas étonnant de lire après coup qu'il a essayé de s'attribuer la gloire de la réalisation du film sur le dos de David Miller, humble technicien à des kilomètres de toute notion de grandeur artistique (d'après ce que je sais). C'est néanmoins un film touchant et mignon, récrivant très bien les concepts de liberté et d'auto-suffisance chez un personnage attachant et charismatique. La seconde moitié du film fait drôlement penser à High Sierra de Walsh. J'ai vu aussi un parallèle moins évident avec Sans toit ni loi d'Agnès Varda. Et forcément, oui, Rambo. L'anecdote de Kotcheff au-dessus est succulente, d'ailleurs.
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