L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Joshua Baskin
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L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Joshua Baskin »

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En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du pape font irruption dans la maison de la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils ont été envoyés pour s'emparer d'Edgardo, le fils de six ans de la famille. Selon le témoignage d'un ancien serviteur, le garçon a été secrètement baptisé lorsqu'il est tombé malade alors qu'il était enfant. La loi pontificale est définitive : il doit recevoir une éducation catholique. Ses parents se battent pour le revoir, soutenus par une opinion publique de plus en opposée au pouvoir de l'Église. Mais le pape n'accepte pas de rendre l'enfant. Au fur et à mesure qu'Edgardo grandit dans la foi catholique, le pouvoir temporel de l'Église diminue et l'unification de l'Italie commence.

4 ans après le traitre et après un passage par la case télé avec Esterno Notte, Marco Bellocchio revient sur le grand écran avec L'enlèvement.
Critique acerbe de l'église Catholique et de sa main-mise sur la société italienne, le film part d'un postulat révoltant et tisse une toile subtile sur l'influence du Pape Pie IX, décrit comme un être globalement abject, qui n'hésite pas à humilier. Comme le traitre, le film est extrêmement prenant et en tant que parent, on ne peut qu'être happé et révolté par ce qu'on est en train d'observer à l'écran. Il y a notamment une séquence ou il faut préparer ses mouchoirs.
La mise en scène de Bellocchio est ample et malgré des moyens qu'on imagine assez faibles, on y croit (très beaux matte painting de Rome, notamment un Rome lugubre quand l'enfant s'apprête à arriver au Vatican en navigant sur le Tibre ou bien encore ce plan gris et l'arrivée de soldats devant la caméra pour montrer la gronde de 1870).
Le film n'est pas dénué d'humour (subtil) pour désamorcer les situations les plus dramatiques.
Je ne sais pas quelle est la position de Bellocchio par rapport à l'Eglise et à la religion d'une façon générale, mais ce qui est intéressant c'est que le film analyse justement ce que c'est le dogme (sa définition est d'ailleurs donnée par un enfant lors d'une scène autour d'une table) et comment ce dogme se place au dessus de tout, la logique, le pragmatisme, la croyance.

Clairement un des grands films de 2023.
Le film sort le 1er novembre au cinéma mais est déjà disponible en Italie dans une édition bluray et 4K avec STF.
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Joshua Baskin
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Re: L'enlèvement (Marco Bellochio -2023)

Message par Joshua Baskin »

Up ! Ça sort aujourd'hui. Ne le manquez pas.
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Thaddeus
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Re: L'enlèvement (Marco Bellochio -2023)

Message par Thaddeus »

Ce ne sera pas manqué. Avec le Miyazaki, c'est une très alléchante semaine de sorties.
Au passage, le nom du réalisateur est mal orthographié dans le titre du topic.
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tchi-tcha
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Re: L'enlèvement (Marco Belochiau -2023)

Message par tchi-tcha »

Thaddeus a écrit : 1 nov. 23, 10:10 Au passage, le nom du réalisateur est mal orthographié dans le titre du topic.
Certains essaient de faire passer Thaddeus pour un maniaque psycho-rigide sur ce forum.
Ce sont des médisants.


(ça va, quoi, c'est pas Scorcese...)
Dernière modification par tchi-tcha le 1 nov. 23, 17:15, modifié 1 fois.
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Alibabass »

Qui ? ScorCovfefe ?
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-magik-
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par -magik- »

Très bon film, très prenant et assez édifiant, on se demande comment ce genre de pratiques étaient possibles. Belle mise en scène et belle photo (je retiens moi aussi la séquence sur le Tibre) et des acteurs très convaincants, notamment celui jouant Pie IX (on dirait un ogre voulant dévorer les enfants) et l'enfant jouant Edgardo.
Joshua Baskin a écrit : 22 oct. 23, 11:45 Il y a notamment une séquence ou il faut préparer ses mouchoirs.
Je vois de quelle scène tu veux parler, et, alors que j'ai la larme plutôt facile, je me suis fais la réflexion pendant la séance que bizarrement ça ne m'a pas plus ému que ça. Pourtant c'est une scène très forte.
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Flol
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Flol »

Rapatriement :
Flol a écrit : 26 déc. 23, 16:57
Alexandre Angel a écrit : 26 déc. 23, 13:15
J'avais pensé un peu la même chose mais j'aime bien Bellocchio et je suis tellement demandeur de cinéma italien que ça m'avait fait mettre 7/10.
Voilà pareil.
J'ai trouvé ça très beau, mais je me suis senti extérieur tout du long. Alors ça reste tout de même de la belle ouvrage, d'où mon 7/10 qui signifie peu ou prou : "ça reste tout de même de la belle ouvrage, même si je me suis senti extérieur tout du long".
Et pourtant, ça n'a pas empêché un margoulin de grande envergure de falsifier ma note car il la considérait pas assez élevée pour lui. :x
EliWallou a écrit : 26 déc. 23, 18:32 Ok, si je ne suis pas le seul à avoir été relativement à distance du film, je me questionne déjà moins. Je ne suis pas encore mort à l'intérieur (mais ça je le savais à la vision de Je verrai toujours vos visages).

Je suis très client du cinéma italien également. J'avais beaucoup aimé Il Traditore et Esterno Notte, et apprécié Marx peut attendre.
Formellement je vous suis totalement. La reconstitution, les costumes, la lumière et les décors splendides, tout était là en terme d'écrin.
Même, au début sur le panneau en typographie baroque-néoclassique rouge sur fond nocturne, j'était aux anges esthétiquement, convaincu que j'allais adorer.

Mais rapidement c'est le manque d'émotion, et l'incompréhension, qui ont pris le dessus. Ne comprenant pas trop ni les réactions des personnages, ni les intentions de Bellocchio.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Pourquoi la mère réagit aussi soudainement et tardivement dans le carrosse ? Elle comprend seulement à ce moment là que son mari l'envoie ailleurs pour qu'ils viennent chercher son fils en son absence ?

Pourquoi cette impassibilité du petit Edgardo? Un problème dans le jeu d'acteur? Ou une volonté d'illustrer une certaine acceptation? En tout cas, cela m'a mis très à distance du sujet.
Cette passivité est brièvement traitée avec la visite du père, puis de la mère qui le "réveille". Après quoi le film semble oublier ce "problème" pour partir ailleurs, sur les pélégrinations du père.
Ensuite j'ai cru qu'on allait se concentrer sur une amitié avec l'autre garçon? Non plus.

C'est en fait plutôt la préférence du Pape pour Edgardo qui semble importante, mais là aussi on ne nous éclaire pas du pourquoi Edgardo est si important et spécial par rapport aux autres.

Il y a quand même une très belle scène avec le décrochage de Jésus. Et la fin.

Ayant grandi dans un milieu soit athée, soit protestant non pratiquant, ce n'est pas la première fois que je suis relativement indifférent à un récit dénonçant l'église ou tournant autour de la religion. En partie un sentiment d'enfonçage de portes ouvertes, mais aussi de méconnaissances face à des éléments symboliques qui m'échappent. Par exemple, je me suis demandé si la scène sur le fleuve, le lendemain matin de l'enlèvement, avait un lien avec un récit biblique ? Et pourquoi cette scène sur la plage avec les coquillages ?

J'aurais aimé que la dimension historique soit mieux tressée au récit, véritablement développée. Ou laissée de côté. Là le débarquement des républicains (?) à Rome vers la fin du film m'a semblé bricolé, uniquement pour la retrouvaille avec son frère ?
Référence au Guépard (qui lui réussit véritablement à mêler la petite histoire à la grande).
…Des éléments qui auraient éclairé cette politique de l'Eglise, les choix et attitudes de Pie IX. J'ai lu "enjeu de pouvoir" dans une critique, sauf que ce n'est pas vraiment montré dans le film.
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Flol
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Flol »

Et mon petit à moi (en plus de 3 lignes !) :

Quelle splendeur. C’est assez fou que Bellocchio, 84 ans au compteur, soit encore capable de produire des films d’une telle ampleur formelle, où chaque plan est un tableau vivant - oui c’est un peu cliché de dire ça, mais en l’occurrence c’est difficile de penser autrement, tant la photo et la composition des cadres sont régulièrement hallucinantes.
C’est vraiment un pur délice à regarder, d’autant plus que les 134 minutes filent super vite tant le récit est fluide et parfaitement construit. Tout coule de source, ça a l’air simple, et c’est sans doute l’un des avantages d’avoir un âge aussi avancé et donc une telle carrière derrière soi : Bellocchio sait parfaitement mener sa barque et défoncer l’église catholique en toute tranquillité.

Le hic, c’est que je n’ai pas été aussi ému et touché que j’aurais voulu l’être. J’étais pourtant prêt, j’avais quasiment préparé le paquet de mouchoirs en prévision…mais non, rien n’est venu. Pourtant Bellocchio n’y va pas de main morte, notamment via l’utilisation d’une musique symphonique hyper grandiloquente, qui chez moi provoque l’effet inverse de celui escompté : ça me bloque. Je ne vois et n’entends que lourdeur et gros sabots. Et c’est vraiment dommage, parce que ça donne l’impression que Bellocchio n’a pas assez confiance en sa mise en scène et ses personnages pour faire naître l’émotion.
Toujours est-il que l’espace de quelques séquences, ça marche du feu de Dieu : par exemple lorsque le petit Edgardo est enlevé de chez lui et emporté dans un carrosse de l’Eglise, l’orchestre se déchaîne littéralement, et couplé à une mise en scène épique, on se croirait presque dans un film d’horreur gothique.

Dommage qu’il n’y ait finalement pas plus de moments comme celui-ci, mais en l’état, ça reste tout de même un très beau film. Juste un peu trop froid pour moi.
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par MJ »

J'avais jamais eu l'impression auparavant de regarder un téléfilm devant un Marco Bellocchio... Le ton s'améliore après l'enlèvement et il y a quelques idées (l'animation, le cauchemar antisémite), mais cette photo, vraiment c'est pas possible.
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Alexandre Angel
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit : 27 déc. 23, 14:31 Toujours est-il que l’espace de quelques séquences, ça marche du feu de Dieu : par exemple lorsque le petit Edgardo est enlevé de chez lui et emporté dans un carrosse de l’Eglise, l’orchestre se déchaîne littéralement, et couplé à une mise en scène épique, on se croirait presque dans un film d’horreur gothique.

Dommage qu’il n’y ait finalement pas plus de moments comme celui-ci, mais en l’état, ça reste tout de même un très beau film. Juste un peu trop froid pour moi.
C'est clairement le début qui m'a le plus ému et captivé. Le côté taré du Pape, de plus en plus patent à mesure qu'on avance, décentre le cœur émotionnel du film d'une manière dommageable je trouve.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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odelay
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par odelay »

Bonne surprise de constater que le BR de l’enlèvement contient le docu d’1h30 de 2021 de Bellochio, Marx peut attendre sur le suicide de son frère jumeau en 68.
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Beule
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Re: L'enlèvement (Marco Bellocchio -2023)

Message par Beule »

Merci pour l'info.
Belle initiative qui change la donne.
Je ne savais pas et m'apprêtais à faire une entorse inattendue à ma collectionnite de complétiste avec son dernier opus.
Mais du coup je l'ai pris hier.
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