2.18 - The Thirty Days of Gavin Heath
Réalisation : John Florea
Scénario : Mel Harrold
Guest Star : Leo Genn
Première diffusion 22/01/1964 aux USA - Jamais diffusé en France
DVD : VOSTF
Note : 7.5/10
Le pitch : Gavin Heath (Leo Genn), un immigrant britannique ayant autrefois été propriétaire d’un ranch aux environ de Medicine Bow, revient sur les lieux après s’être enrichi, bien décidé à se réintégrer à la communauté. Malheureusement il est mordu par un chien enragé et le médecin ne lui laisse comme espoir qu’environ 30 jours à vivre. Après une période dépressive chez le juge Garth, il décide de passer ses dernières heures en actions philanthropiques, néanmoins toujours torturé par son passé dans l’armée britannique où il fut considéré comme lâche ainsi que par un conflit avec Trampas qui ne semble pas avoir été résolu…
Mon avis : Vous venez d’être bénéficiaire d'une grosse fortune mais on vous apprend qu’il ne vous reste plus que 30 jours à vivre ? Qu’allez-vous faire de ce dernier mois sur terre et comment allez vous dépenser l'argent acquis ? C’est le postulat de départ que nous proposent le réalisateur de télévision John Florea en collaboration avec Mel Harrold dont cet épisode du Virginien sera le seul et unique travail en tant que scénariste, voire même sa seule activité pour le cinéma ou la télévision. Malgré la relative 'virginité' de l'auteur de l'histoire, autant dire d’emblée qu’il s’agit d’une des très belles réussites de cette deuxième saison, un épisode captivant et d’une densité assez étonnante, surtout que le résumé ci-dessus ne reflète que très partiellement tous les éléments mis en avant au cours de ce récit pétri d’une belle humanité sans pour autant tomber dans la mièvrerie. Sans trop en dévoiler, essayons cependant de vous en faire saisir toutes les richesses thématiques et d’écriture d’autant que tout ce qui va vous être raconté ci-après ne l’est absolument pas par ordre chronologique au sein de cette fiction ! Gavin Heath, citoyen britannique, prend part à l'âge de 19 ans à la fameuse charge de la brigade légère qui a lieu durant la guerre de Crimée en 1855. Faisant semblant d’être touché en tombant expressément de cheval, il se fait passer pour mort au tout début de la bataille ; accusé de lâcheté il est dégradé puis chassé de l'armée. Plus tard, après qu’il eut émigré aux USA, il acquiert un ranch proche de celui de Shiloh dans une vallée lui rappelant les lieux de cette bataille. Une autre couardise lui fait se mettre Trampas à dos ; honteux et désargenté, il part dans le Colorado où il fait fortune.
De retour dans la petite bourgade de Medicine Bow en homme désormais riche, il espère se réinstaller dans cette région où il s’était lié d’amitié avec la plupart des habitants et où il souhaite enfin se poser après avoir réglé quelques dettes non seulement financières mais aussi morales. En effet ses démons sont toujours présents, l’empêchant de goûter à la sérénité que sa fortune aurait du lui apporter, le tout renforcé par la froideur de Trampas à son égard, le cowboy de Shiloh ne semblant pas avoir encore digéré ce qui s'était déroulé voici trois ans en arrière et qui avait failli le tuer. Quoiqu’il en soit, Gavin décide de fêter en grande pompe sa richesse et son retour ; il reprend contact avec la plupart de ses anciennes connaissances et notamment avec Sally, une Saloon Gal au cœur d’or qui ne l’avait pas oublié (superbe personnage interprété par Ina Victor). Betty et Garth paraissent eux aussi ravis de ce retour et sont agacés par les réactions de Trampas à son encontre : "I don't hate him any more than I hate that mad dog--I just don't want to be around either of them." Tout aurait été pour le mieux si le jour où Gavin s'était rendu sur ses anciennes terres il ne s'était pas fait mordre par un chien dégoulinant de bave aux lèvres (celui dont parle justement Trampas dans la phrase précédente et qu'il avait croisé peu avant avec inquiétude). Un citoyen étant agonisant par le fait d’avoir attrapé la rage, les ‘chances’ pour que ce soit également le cas pour l’anglais sont très grandes ; le médecin lui annonce que si ça se confirme, il n’aura plus qu’une trentaine de jours à vivre. Sa première réaction est de se cloitrer volets fermés, de se replier sur lui et de désespérer. Sur quoi le juge Garth l’invite au contraire à profiter au maximum de son dernier mois sur terre et éventuellement de retourner mourir dans le Royaume Uni qu’il chérit tant.
Ayant beaucoup à se faire pardonner sur place et estimant ne pas avoir le temps d’entreprendre un tel voyage, il va avoir l’idée non seulement de se racheter de sa veulerie mais également de faire de Medicine Bow un petit coin d’Angleterre par quelques décisions philanthropiques mais aussi par des 'cocasseries' au contraire peu appréciées de ses concitoyens comme le fait de demander à hisser l’Union Jack en plein centre de la ville et surtout à deux jours du 04 juillet, fête de l’indépendance. A cette occasion, il se défendra avec une belle éloquence par un passionnant exposé historique, rappelant à ses concitoyens que sans les anglais, l’Amérique ne serait pas ce qu’elle est devenue, leur remémorant que la plupart de leurs ancêtres sont des descendants des habitants de l’Angleterre, qu’ils devraient ainsi aussi bien respecter son drapeau que lui respecte le leur. Je ne vous en dirais pas plus mais sachez que le final devrait plaire aux amateurs d’action, se déroulant alors que l’on se lance à l’attaque d’une bande d’indiens renégats qui se sont enfuis de prison après avoir pris Trampas en otage. Une séquence d’une belle efficacité, ample et pleine de panache, se terminant sur une note fortement émouvante. Si la direction d’acteurs s’avère parfaite, Leo Genn est admirable et domine l’ensemble de l'excellent casting par une prestation mémorable dans la peau de cet anglais richissime dépressif et en quête de rédemption qui se définit comme "a ghost of a man without a family, country, or soul" ; si son nom ne vous dit pas grand-chose vous connaissez surement le visage de cet comédien britannique qui tourna pour tous les principaux cinéastes anglais, de Carol Reed à Laurence Olivier en passant par Michael Powell et Zoltan Korda, et qui aux USA fut entre autres le Petronius du Quo Vadis de Mervyn LeRoy ou le Strabuck du Moby Dick de John Huston.
Un épisode au récit assez vertigineux qui en plus d’être d’une extrême gravité et bourré de références historiques provoque des réflexions sur la mort, la philanthropie, la seconde chance, la rédemption, le courage et la lâcheté grâce à d’excellents dialogues et à des déclamations enflammées de magnifiques tirades de Shakespeare ou Tennyson. Bien réalisé –avec notamment lors de la séquence de la fête une superbe contre plongée accompagnée d’un léger mouvement de caméra s’avançant sur Leo Genn resté seul dans le saloon à demi éclairé au milieu des bouteilles disséminées-, superbement écrit, magnifiquement interprété, une histoire non seulement totalement inédite dans un western, d’une densité assez étonnante pour seulement 70 minutes d’un épisode télévisé, mais également remplie d’émotion et de notations originales pour le genre comme ce décor du salon de thé ou ce pasteur au discours plutôt progressiste. Un must de cette deuxième saison !
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