Jean-Baptiste Thoret

[Addis-Abeba]

Car tout le mal que je te souhaite est de tomber un jour sur un autre film 10/10.

Merci Tenia.
J'ai de gros doutes, déjà pour doubler le second qui est à 9,5/10 faudra déjà s'accrocher. Mais pourquoi pas.

[tenia]

Disons que je préfère y aller en restant ouvert à cette possibilité et en prenant les choses comme elles viennent, plutôt qu'en ayant d'emblée l'idée que c'est mort d'avance. Tant parce que je ne crois pas au chef d'œuvre unique, que parce que je trouverai ça déprimant de me fermer le futur de cette façon, qu'il n'y aurait jamais rien d'autre qui pourrait être de cette trempe (y compris d'ailleurs parmi le patrimoine mais que je n'ai simplement pas encore vu).

Je souhaite donc à la fois ça à tout le monde, continuer d'être émerveillé et même cueilli, et au cinéma de pouvoir le permettre.
L'aspect "c'est plié depuis 60 ans" m'ennuie et m'embête. J'espère bien tomber tous les jours sur des films dont je sors en ayant l'impression que je ne vais jamais vraiment m'en remettre, et c'est en cela où j'ai de plus en plus de mal avec cette facette du "canon canonisé".

[murphy]

Je vous trouve triste à penser que vous ne pouvez plus voir un bon film dans votre vie. Autant arrêter d'en regarder et essayer autre chose (les livres, les disques, le surf, les mots croisées). Thoret, je ne doute pas que ça soit un bon "passeur", sa collection de films Make My Day parle pour lui, mais quand il parle des films d'aujourd'hui, des spectateurs actuels, de l'époque, je le trouve lugubre, j'ai l'impression d'aller à un enterrement. Il me fait penser à Philippe Garnier qui a un peu le même genre de discours.

[tenia]

J'ai été assis devant Philippe Garnier à une séance du festival Lumière en 2022. Je ne sais plus avec qui il discutait, mais il parlait de nouveautés et je ne l'ai pas entendu dire un seul truc positif. Rien ne trouvait grace à ses yeux, absolument rien.

[Thaddeus]

Je vous trouve triste à penser que vous ne pouvez plus voir un bon film dans votre vie.

Il y a tout de même un monde entre cette position et celle (mise en avant par Addis-Abeba avec Il était une fois dans l'Ouest) qui consiste à avoir la certitude que l'on ne découvrira plus jamais rien qui égale notre "Top 1". Je suis également dans cette situation. J'ai l'intime conviction, depuis de très nombreuses années, que mon film préféré (et les quelques suivants) le demeurera pour le restant de mes jours. Il est à mes yeux totalement inégalable, et ce sentiment naît autant du film lui-même que du rapport que j'ai tissé avec lui, des circonstances de sa découverte, de tout un ensemble de facteurs plus ou moins indéfinissables qui rendent indéboulonnable son statut à mes yeux. Je n'en nourris aucune amertume, bien au contraire : cela conforte l'amour absolu que je lui porte. Je vis cela très sereinement, et même davantage, j'en éprouve de la gratitude : je suis heureux qu'un film ait pu générer ce sentiment chez moi. Cela aurait pu ne jamais m'arriver.
Cela ne m'empêche absolument pas de découvrir chaque année de nombreux films (nouveaux et anciens) que j'aime énormément, qui me stimulent, m'enchantent, m'émeuvent. Le discours "le cinéma est mort", très peu pour moi. Je sais pertinemment qu'aucun ne détrônera jamais dans mon coeur le "number one", mais je n'en reste pas moins ouvert à toutes les propositions, et je pense savoir les apprécier, voire plus.
Les deux positions ne me semblent pas antinomiques.

[innaperfekt_]

J'ai été assis devant Philippe Garnier à une séance du festival Lumière. Je ne sais plus avec qui il discutait, mais il parlait de nouveautés et je ne l'ai pas entendu dire un seul truc positif. Rien ne trouvait grace à ses yeux, absolument rien.

Merde, lui aussi. Je l'aime tellement. Cela dit c'est une posture qu'il ne semble pas avoir avec la littérature, ses derniers papiers dans Libé mettant souvent en avant des jeunes auteurs américains. Genre David Joy à titre d'exemple. Ses derniers bouquins « Génériques » restent tout de même super (si ce n'est ce papier glacé dégueulasse), et il parait tout de même beaucoup moins mégalo que notre bon vieux JB.

[Nestor Almendros]

En pleine relecture du livre Passeport pour Hollywood de Michel Ciment, Billy Wilder et Joseph L. Mankiewicz montrent un total décalage avec l'époque moderne et les nouvelles tendances. Ils n'arrivent pas à accepter que les temps ont changé et tirent à boulet rouge sur la baisse de qualité (selon eux) du cinéma des 70's-80's. Certains ont donc toujours eu du mal à passer le cap des générations...

[Addis-Abeba]

Je vous trouve triste à penser que vous ne pouvez plus voir un bon film dans votre vie.

Il y a tout de même un monde entre cette position et celle (mise en avant par Addis-Abeba avec Il était une fois dans l'Ouest) qui consiste à avoir la certitude que l'on ne découvrira plus jamais rien qui égale notre "Top 1". Je suis également dans cette situation. J'ai l'intime conviction, depuis de très nombreuses années, que mon film préféré (et les quelques suivants) le demeurera pour le restant de mes jours. Il est à mes yeux totalement inégalable,

Merci Thaddeus de repréciser, ca me semblait pourtant clair

Des bons films, même très bons, j'en ai vu en 2023, j'en verrai en 2024, 2025 ...
Qu'ils puissent battre mon top 1, c'est impossible, ce n'est même pas une possibilité à 0.01 %
Pour rentrer dans mon top 20, ca sera très très très dur, et ca viendra d'un ancien film que je vais réévaluer (mon souvenir étant lointain), ou que je n'ai pas encore vu, mais surement pas d'un nouveau film. Tout simplement par ce que j'aime moins les acteurs de notre époque, que j'aime moins la façon de filmer, j'aime moins le numérique, etc ... etc .. .
Mais les miracles existent, alors ... Je demande qu'à me tromper, mais pour supplanter Il était une fois dans l'Ouest ca n'arrivera pas.

[Nestor Almendros]

N'y a t il pas aussi le rapport à l'immédiateté qui joue dans le ressenti négatif sur le cinéma actuel ? Le cinéma qu'on porte aux nues n'est il pas très souvent plus ancien de quelques décennies, ce qui éliminerait de fait le cinéma actuel, qu'on ne sait pas encore apprécier avec le même recul, un recul peut-être nécessaire ?
Je ne sais pas si je suis très clair...

[cinephage]

N'y a t il pas aussi le rapport à l'immédiateté qui joue dans le ressenti négatif sur le cinéma actuel ? Le cinéma qu'on porte aux nues n'est il pas très souvent plus ancien de quelques décennies, ce qui éliminerait de fait le cinéma actuel, qu'on ne sait pas encore apprécier avec le même recul, un recul peut-être nécessaire ?
Je ne sais pas si je suis très clair...

Je pense surtout que c'est une question d'âge. Ca a été observé pour les gouts musicaux, mais je pense que ça se confirme pour la plupart des gouts et centres d'intérêt, il y a un age à partir duquel la nouveauté n'imprime plus comme avant, j'en suis assez persuadé.
http://archives.dontbelievethehype.fr/2 ... de-33-ans/

Ce n'est sans doute pas une fatalité absolue, et ça ne veut pas dire qu'on n'apprécie pas la nouveauté, mais je pense que c'est au moins en partie lié à l'évolution de notre cerveau et à notre rapport à l'apprentissage / la mémorisation. Il y a des oeuvres qui nous ont construit, et maintenant, nous sommes construits, les nouvelles oeuvres que nous voyons nous enrichissent, mais nous sommes déja bien solides. Et, pour moi, ça n'est certainement pas lié à la baisse de qualité des temps actuels.

[Alexandre Angel]

N'y a t il pas aussi le rapport à l'immédiateté qui joue dans le ressenti négatif sur le cinéma actuel ? Le cinéma qu'on porte aux nues n'est il pas très souvent plus ancien de quelques décennies, ce qui éliminerait de fait le cinéma actuel, qu'on ne sait pas encore apprécier avec le même recul, un recul peut-être nécessaire ?
Je ne sais pas si je suis très clair...

Tu es très clair mais tenia l'avait déjà évoqué plus haut.

Personnellement, je n'y crois pas beaucoup au sens où il s'agit là d'un fonctionnement qui n'est pas le mien. Je sais très précisément ce que j'ai à reprocher à mon époque mais et j'aime moins de films qu'"avant", et je peux l'expliquer.
Pour autant, et ça c'est très important, ma curiosité (si tant est que je sois curieux à la base) et mon excitation potentielle sont intacts et inchangés au contact de l'actualité des films.
Et si je suis passé à côté de certaines choses, c'est plus du à la paresse de sortir (ça, c'est autre chose) qu'à un quelconque et lugubre désabusement.

[Nestor Almendros]

Je pense surtout que c'est une question d'âge. Ca a été observé pour les gouts musicaux, mais je pense que ça se confirme pour la plupart des gouts et centres d'intérêt, il y a un age à partir duquel la nouveauté n'imprime plus comme avant, j'en suis assez persuadé.
http://archives.dontbelievethehype.fr/2 ... de-33-ans/

Ce n'est sans doute pas une fatalité absolue, et ça ne veut pas dire qu'on n'apprécie pas la nouveauté, mais je pense que c'est au moins en partie lié à l'évolution de notre cerveau et à notre rapport à l'apprentissage / la mémorisation. Il y a des oeuvres qui nous ont construit, et maintenant, nous sommes construits, les nouvelles oeuvres que nous voyons nous enrichissent, mais nous sommes déja bien solides. Et, pour moi, ça n'est certainement pas lié à la baisse de qualité des temps actuels.

Très juste.

[tchi-tcha]

Je ne sais pas si je suis très clair...

Si si, c'est clair.
Ton film de chevet number one d'île déserte de tous les temps qui définit (voire qui a forgé) ta cinéphilie, tu vis avec et tu y reviens depuis dix/vingt/trente/etc ans. Difficile pour un nouveau venu de balayer ton vécu, quand bien même tu te prendrais une énorme claque.

Il y a un côté génération qui joue aussi. Mes disques de chevet sont Loveless, Laughing Stock et Spiderland, c'est définitif et figé dans le marbre parce que j'entrais en fac à cette époque et ça m'a forgé. Mais ça ne veut pas dire que rien d'autre ne m'a jamais autant touché depuis.
Alors oui bien sûr, c'était mieux avant (le ciné, la musique, la littérature, tout), parce que ça devient plus difficile aujourd'hui de me bouger pour suivre l'actualité et maintenir ma curiosité en éveil. Mais ça c'est mon problème, ce n'est pas la faute du cinéma, qui n'est pas davantage mort qu'il n'était forcément mieux avant.

[murphy]

J'ai l'intime conviction, depuis de très nombreuses années, que mon film préféré (et les quelques suivants) le demeurera pour le restant de mes jours. Il est à mes yeux totalement inégalable [...]

Qu'ils puissent battre mon top 1, c'est impossible, ce n'est même pas une possibilité à 0.01 %
Pour rentrer dans mon top 20, ca sera très très très dur, et ca viendra d'un ancien film que je vais réévaluer (mon souvenir étant lointain), ou que je n'ai pas encore vu, mais surement pas d'un nouveau film. […] mais pour supplanter Il était une fois dans l'Ouest ca n'arrivera pas.

Rien que pour vous emmerder, je vais tourner un film. Je vais ébranler vos convictions.

[tchi-tcha]

Rien que pour vous emmerder, je vais tourner un film.

Avec Gérard Depardieu ?