Nothing sacred (William Wellman, 1937)
Réalisé dans la foulée de son grand classique
A star is born, avec Fredric march et Janet Gaynor, Wellman retrouve les studios Selznick et son acteur principal pour une comédie cette fois. Mais ce qui frappe, c'est bien sur carole lombard, comédienne survoltée rompue à un style de comédie qu'elle a quasiment contribué à définir dans le mythique
Twentieth century de Howard Hawks. La comédie loufoque, ou screwball comedy en Anglais, c'est bien sur 'un des genres rois de cette fin des années 30. On n'y attend sans doute pas le bourru Wellman, en oubliant que "Wild Bill" savait tout faire. Un autre atout de ce film, c'est la présence de la couleur, via le système Technicolor trois bandes, désormais en route vers la gloire et le prestige que lui apporteront
Gone with the wind (des mêmes studios Selznick, réalisé par Victor Fleming, en 1939) et
The Wizard of Oz (MGM, Réalisé également par Fleming, en 1939). Mais n'oublions pas que la couleur est déja là, depuis les années 20, et qu'en cette fin de décennie, il y a déja eu
Snow White and the seven dwarfs,
Becky Sharp, ou
Doctor X. Mais ce qui est nouveau, en revanche, c'est justement de tourner une comédie en couleurs... A ce niveau, la copie visionnée est splendide: les couleurs de New York en particulier dans les scènes nocturnes, se voient avec délectation...
Un reporter prêt à tout, Wallace Cook (March) se rend à warsaw, Vermont pour y dénicher Hazel Flagg (Lombard), une jolie jeune femme blonde à laquelle on a diagnostiqué un empoisonnement au radium. il souhaite faire une série d'articles sur les derniers jours de la jeune femme, sans savoir qu'Hazel a en fait une santé de fer, et un médecin (Charles Winninger)qui s'est un peu hasardé dans son jugement. Mais désireuse de voir New York à tout prix, la jeune femme part, son médecin prié de garder le silence sous le bras, vers la grande ville, ou elle va être accueillie comme une héroïne des temps modernes, par la presse, les politiciens, et le monde du spectacle.
Carole Lombard est donc l'attraction principale, et elle ne se retient absolument pas de faire ce qu'on attend d'elle. Boule d'énergie, il y a de l'ironie à la voir jouer quelqu'un qui est suposé être à l'article de la mort. Mais le film n'est pas qu'une brillante mise en relation de caractères et d'énergies, comme souvent dans ces superbes comédies. Non, il y a un thème ici, celui de la vérité, qui finira toujours par sortir... Vraiment? Ici, tout le monde ment: Cook est un journaliste qui croit certes dur comme fer à la maladie de sa protégée, mais il ne change pas sa ligne d'un iota au moment ou il aprend le pot-aux-roses. Hazel bien sur ment sur toute la ligne, d'abord pour profiter des vanatages, ensuite parce qu'elle est trop embarrassée pour dire la vérité. Le médecin est dans ce cas aussi, et le patron de presse (Walter Connolly) est habitué des coups fourrés; Nothing is sacred, rien n'est sacré, surtout pas la vérité. Wellman construit son film sur la tendance de la presse au mythe, c'est à dire au vide. Comme pour mettre cette tendance en valeur, il se plait d'aileurs à tourner des scènes durant lesquelles il masque ce qu'il faut montrer, une vieille habitude (On se rappelle de la fusillade hors-champ dans
The public enemy): la première entrevue en tête à tête des deux héros, à Warsaw, se situe derrière une opportune branche d'arbre qui dissimule leurs visages. Comme en écho, le moment ou ils s'avouent leur amour (Mais pas le subterfuge qui les unit) est filmé de l'extérieur d'une caisse ou ils se sont réfugis après un bain forcé dans l'East River... Le metteur en scène, d'humeur vacharde comme on le sait, se paie aussi le luxe d'ajouter sa version des rapports compliqués entre la campagne et la ville, mais pas en opposant comme Capra le faisait la corruption citadine à la simplicité campagnarde. Après tout le mensonge vient ici du village, et d'un caprice de gamine. Il en rajoute en montrant l'hostilité de tout le village à l'égard de cet étranger qui déchaine l'imagination féroce des enfants contre lui...
Cerise sur le gateau: Kino a sorti ce film en Blu-ray dans une copie restaurée, pour une oeuvre qui est tombée dans le domaine public ("Tomber" est le verbe approprié), on a doit à une copie fort belle, les restauraeurs n'ayant pas essayé de faire passer le film pour plus jeune qu'il n'est. il y a des rayures, c'est manifestement un vieux film, mais la patine, ses couleurs travaillées sont extrêmement engageantes. Beau comme la vérité qui sort de la rivière...
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