The far country / Je suis un aventurier
Anthony Mann (1954) :
Humour et amitié sont les maître-mots de ce western volontairement léger, comique parfois, qui décrit le voyage long et périlleux qu'un groupe d'hommes et de femmes aux intérêt dissemblables entreprennent dans les lointaines montagnes. Mann ne se départit pas pour autant d'une certaine gravité. Celle-ci s'exprime dans la solitude intrinsèque des personnages, dans leur difficulté à nouer des relations amicales ou amoureuses, la recherche de l'argent, l'incompétence ou la naïveté constituant autant d'obstacles quant à l'établissement de liens durables et équilibrés. La loyauté existant entre Jeff Webster et Ben, son vieux compagnon de route, personnages interprétés respectivement par James Stewart et Walter Brennan, demeure fondée de bout en bout sur une camaraderie et une affection touchantes, mais hélas partiellement destructrice, peut-être même vouée à l'échec dès son origine. Le film, qui contient son lot de meurtres injustes et brutaux, joue de plus souvent sur la banalité, l'humiliation et la couardise de ses personnages, les montrant sous un jour assez négatif, en dépit de la sympathie qu'ils peuvent par ailleurs inspirer. Mais c'est malgré tout une communauté vaillante, solidaire et endurante que choisit de représenter Mann. Des gens que le réalisateur met face à ceux que seul le commerce et le profit intéressent : une opposition classique, très conventionnelle, mais habituelle à la moralité du western, et à la vision que le genre tente de donner des pionniers ayant participé à la construction des Etats-Unis. Le film dévoile sinon une atmosphère burlesque et détendue, en particulier grâce à une succession de seconds rôles amusants et des scènes qui les accompagnent. Le "méchant", un homme suave, de prime abord hospitalier, et parfois même blagueur, est en cela très réussi. Un regret néanmoins au sujet des deux principaux personnages féminins, qui ne m'ont pas vraiment convaincue. La nature demeure omniprésente tout au long du film, sorte de refuge à la fois enveloppant et menaçant, riche de toutes sorte de promesses. La froideur du climat signifie le danger et l'aventure, les forêts verdoyantes et enneigées un territoire à l'aura encore mystérieuse, mais peu à peu dompté par les hommes et la civilisation. "The far country" peut décontenancer le spectateur par sa variété de tons, mais demeure en dépit de tout une belle réussite : un western qui mérite peut-être plusieurs visionnages afin d'être totalement apprécié.
7/10