Cecil B. DeMille (1881-1959)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Les conquérants du nouveau monde, Unconquered (1947)

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Evocation des guerres qui opposèrent indiens et les nouveaux américains au XVIIIème siècle à travers l'histoire d'une jeune anglaise accusée de meurtre et condamnée à être esclave dans le nouveau Monde.

Un an après l'Odyssée du Docteur Wassell, Cecil B de Mille retrouve son interprète principal Gary Cooper et lui offre un nouveau rôle d'homme courageux et sauveur de pionniers. Le film évoque la première conquête de l'ouest, celle qui oppose les premiers colons aux indiens situés près de la frontière canadienne. Naturellement nous sommes encore dans la lignée, un bon indien est un indien mort. Les indiens sont cruels, sanguinaires, ils massacrent les gens sans aucune pitié, mais leur cruauté est tout de même lié à un homme blanc, un traitre, pourtant marié à l'une d'entre eux qui est d'ailleurs la propre fille du réalisateur et femme d'Anthony Quinn. Son personnage est sans doute le plus intéressant avec son amour pour ce traitre qui va la pousser à livrer Abby, mais aussi à sauver Chris
Si comme dans l'Odyssée du Docteur Wassell, la première demi-heure traine un peu en longueur, le film prend son envol, quand l'héroine est capturée par les indiens, nous avons le droit à une succession de scènes de bravoure. L'arrivée du héros dans le campement indien, l'histoire de la boussole, le supplice de l'héroïne et leur fuite sur les rapides et la cascade constituent sans doute les moments forts du film. Cette scène de la cascade a sans doute inspiré bien des réalisateurs ensuite Steven Spielberg notamment. Les paysages sont absolument superbes et le technicolor de ce DVD zone 1 est éblouissant. La manière dont de Mille filme la fuite des deux héros avec des gros plans sur leurs pieds (même si on aussi cette impression de chorégraphie de Paulette Goddard). Les scènes d'actions sont superbement mises en scène, l'attaque du fort est un grand moment également. On admirera aussi la reconstitution des costumes que ce soit ceux des colons ou ceux des indiens, qui offrent mille détails.

Gary Cooper est comme à son habitude impeccable dans ce rôle de héros à grand coeur, naturellement on pourra reprocher son côté too much au jeu de Paulette Goddard, que ce soit dans la scène du tribunal, ou dans la scène où elle est accrochée à son poteau de torture. Dans la scène du poteau de torture, on a l'impression qu'elle exécute une chorégraphie, un deux trois, je bouge la tête à droite, un deux trois, je bouge la tête à gauche. Ceci étant cette scène est sans doute une des scènes qui m'a le plus plu depuis longtemps. Boris Karloff complète le casting en chef indien hiératique et odieux, Howard da Silva est parfait dans son rôle de traitre.

Malgré les quelques réserves, Cecil B de Mille réalise toutefois un superbe film d'aventures !
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Roy Neary
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Aujourd'hui, DVDClassik met en ligne The Plainsman de Cecil B. DeMille. :wink:

:arrow: Une aventure de Buffalo Bill
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Jeff Bailey
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Jeff Bailey »

Roy Neary a écrit :Aujourd'hui, DVDClassik met en ligne The Plainsman de Cecil B. DeMille. :wink:

:arrow: Une aventure de Buffalo Bill
Hmm, légère petite faute de siècle dans le premier paragraphe de l'analyse du film :
C’est pour cette raison que la priorité de Lincoln est en cette année 1965 de sécuriser ses frontières
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Jeremy Fox
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Jeremy Fox »

Jeff Bailey a écrit :
Roy Neary a écrit :Aujourd'hui, DVDClassik met en ligne The Plainsman de Cecil B. DeMille. :wink:

:arrow: Une aventure de Buffalo Bill
Hmm, légère petite faute de siècle dans le premier paragraphe de l'analyse du film :
C’est pour cette raison que la priorité de Lincoln est en cette année 1965 de sécuriser ses frontières
:oops:

Je fais remonter ; merci beaucoup
Julien Léonard
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Julien Léonard »

Bon, je viens de lire la chronique de The plainsman en entier. Et bien le moins que l'on puisse dire, c'est que j'aimerais beaucoup l'acquérir en DVD... Et bon sang, ce que Gary Cooper était jeune ! :wink:
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Best »

Julien Léonard a écrit :Bon, je viens de lire la chronique de The plainsman en entier. Et bien le moins que l'on puisse dire, c'est que j'aimerais beaucoup l'acquérir en DVD... Et bon sang, ce que Gary Cooper était jeune ! :wink:
Commandé juste après lecture de la chronique :mrgreen: :D

En plus, je viens de recevoir La cité de la peur et The texas rangers (merci les chroniques classik !). De bons moments en perspective :D
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Jeremy Fox
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Jeremy Fox »

Best a écrit :
Julien Léonard a écrit :Bon, je viens de lire la chronique de The plainsman en entier. Et bien le moins que l'on puisse dire, c'est que j'aimerais beaucoup l'acquérir en DVD... Et bon sang, ce que Gary Cooper était jeune ! :wink:
Commandé juste après lecture de la chronique :mrgreen: :D

En plus, je viens de recevoir La cité de la peur et The texas rangers (merci les chroniques classik !). De bons moments en perspective :D

Désolé pour toutes ces dépenses :mrgreen:
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Best »

Jeremy Fox a écrit :
Best a écrit :
Commandé juste après lecture de la chronique :mrgreen: :D

En plus, je viens de recevoir La cité de la peur et The texas rangers (merci les chroniques classik !). De bons moments en perspective :D

Désolé pour toutes ces dépenses :mrgreen:
Pour le coup, je dépense les yeux fermés, car je suis sûr de ne pas être déçu :wink:
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Roy Neary
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Roy Neary »

Aujourd'hui, DVDClassik met en ligne Pacific Express de Cecil B. DeMille. :wink:
(Avec une autre mini-chronique consacrée au Retour de Frank James de Fritz Lang)

:arrow: Pacific Express
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Ann Harding
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

Message par Ann Harding »

The Godless Girl (La Fille sans Dieu, 1929) de Cecil B. De Mille avec Lina Basquette, George Durya, Noah Beery et Marie Prevost

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(De G. à D: L. Basquette, G. Durya, N. Beery)

Judy (L. Basquette) organise des réunions sur l'athéisme au sein de son lycée. Lors de l'une d'elles, les pro-religieux de l'établissement menés par Bob (G. Durya) les attaquent. Une amie de Judy chute accidentellement du haut d'un escalier lors de l'échauffourée. Elle meurt. Bob et Judy sont tous deux envoyés dans une maison de correction pour délinquants juvéniles qui ressemble à un pénitencier...

Avec son dernier film muet, De Mille renoue avec ses films du début de sa carrière, comme Kindling (1915), où il s'intéressait aux problèmes sociaux. Cette Fille sans Dieu est certainement un de ses tous meilleurs films. Loin des alcoves parfumées et des intrigues tarabiscotées de ses films des années 20, il montre ici dans toute son horreur le traitement honteux infligé aux jeunes délinquants. Nous ne sommes pas loin de I Am a Fugitive from a Chain Gang (1932, M. LeRoy) avec cette vision sans concession de la vie pénitenciaire. Les jeunes sont enchaînés, aspergés par avec des lances à incendies, doivent transporter de lourdes charges, reçoivent le fouet, etc. D'ailleurs, le niveau de violence de ce film est tout à fait étonnant. Il a certainement rebuté le public car le film fit un flop au box-office lors de sa sortie. Mitchell Leisen, le chef décorateur du film, a réalisé un décor totalement réaliste de ce pénitencier que l'on croirait réel. Quant aux acteurs, ils ont pris de gros risques durant ce tournage où ils ont dû tourner littéralement dans les flammes après avoir été 'ignifugés' avec de l'amiante (!). Le final du film vous cloue littéralement sur votre siège alors que les détetenus essaient de sauver Judy, coincée dans une cellule, alors qu'un incendie ravage tout le bâtiment. Noah Beery (le frère de Wallace) personnifie le mal dans le rôle du gardien chef qui prend un plaisir sadique à torturer les détenus à l'électricité. La cinematographie signée Peverell Marley est sublime dans cette très belle copie. Dans le coffret Treasures III, le film est accompagné au piano. Il est fort dommage qu'ils n'aient pas choisi l'excellente partition orchestrale de Carl Davis (réalisée en 2007 pour une diffusion sur Film 4 en GB). En effet, avec la musique de Davis, le film prend une tout autre dimension dramatique, surtout lors de la séquence finale.
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Ca a l'air assez impresionnnant. Et tres intéressant aussi.
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Cathy
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Le signe de la croix, The Sign of the Cross (1932)

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Après l'incendie de Rome, Neron entreprend une chasse sans piété des chrétiens. Le préfet de Rome s'éprend d'une jeune chrétienne au grand dépit de Poppée.

Bon alors entendons nous, Cecil B de Mille, c'est le goût du grandiose, du biggest in the world, comment ne pas être subjugué par cette reconstitution de la Rome antique, pas un drapé, une amphore, un bijou ne manque, comme dans ces jeux du cirque, avec ces tigres, ces combats entre pygmées et Amazones, ces combats de gladiateurs, ces lions affamés, ces crocodiles, ou autre gorille (un peu faux quand même pour le coup). Tout y est, il ne manque rien, ni le salut à Cesar, ni la fanfare. On sent que le film inspirera nombres autres cinéastes ou auteurs de BD. Si pour The Plainsman, on se sentait proche de Luky Luke, là nous sommes plutôt du côté d'Asterix sans l'humour. Cecil B de Mille a un talent hors norme pour animer des scènes de foule, avec cette multitude de figurants,nous sommes aussi bien à Rome, que dans l'assemblée chrétienne. Le thème suscitera de nombreuses adaptations au cinéma, Ben Hur évoque le début du Christianisme, Quo Vadis qui serait en quelque sorte un remake du Signe de la croix, les martyrs des chrétiens, bref la foi, la naissance du christianisme sont propices aux grandes oeuvres épiques, opposer la luxure des romains, à la pauvreté noble des premiers chrétiens.

Il y a aussi un côté pré-code évident avec Claudette Colbert dont la poitrine apparait presque entièrement dans son bain de lait d'anesse, sans oublier le fait qu'elle invite une amie à venir partager ce bain, il y a les orgies évoquées et montrées, avec sa débauche de luxure, une violence assez présente, comme la torture affligée au jeune frère de l'héroine. Bon nous sommes encore dans ces flêches qui tuent sans la moindre effusion de sang, mais il y a du génie dans cette mise en scène, même si le film souffre de quelques longueurs. Et puis il y a les interprètes Charles Laughton, en Néron affalé qui semble avoir inspiré Peter Ustinov dans le rôle, Claudette Colbert magnifique Poppée, odieuse garce qu'on aime à détester, Elissa Landi ravissante en jeune Chrétienne à la coiffure quelque peu anachronique mais qu'importe et puis Fredric March qui naturellement finira par succomber à l'amour ! Le plus grand moment du film est sans aucun doute cette évocation des jeux du cirque où on fait naître comme pour le spectateur de l'arène, l'impatience de voir les chrétiens martyrisés. Curieusement si on nous montrera des gladiateurs s'embrocher, un pygmée empalé par une amazone, une jeune femme dévorée par les crocodiles, le martyr des chrétiens ne sera quasiment pas montrés, et naturellement celui des héros sera laissé à la liberté d'imagination de chacun.
Bref du Cinema d'aventures avec un grand C, du véritable cinéma pour en mettre plein la vue et qui remplit admirablement son contrat.

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Cathy
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Four frightened people (1934)

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Suite à une épidémie de peste sur le bateau où ils sont embarqués, quatre voyageurs débarquent clandestinement pour trouver un moyen de rejoindre la civilisation, il s se retrouvent perdus sur une ile qu'ils doivent traverser en affrontant ses dangers.

Cecil B deMille nous avait habitués à mieux. SI le scénario est sympathique au départ et le film plutôt rythmé et agréable, faisant souvent sourire ou rire, les péripéties de ces quatre aventuriers relèvent souvent du n'importe quoi. Entre les abris qu'ils ont et qu'ils ont l'air d'avoir fait en deux temps trois mouvements sans le moindre outil, entre les tenues affriolantes de Miss Colbert, ah sa petite robe en peau de panthère, après s'être enfin décoincée ! Bref plein de détails complètement loufoques. On voit que nous sommes encore à la limite du pré-code, avec la baignade nue de l'héroïne qui ne peut se protéger qu'avec des feuilles, et naturellement cette relation évidente entre cet homme marié et cette jeune femme qui devient belle dans l'aventure. Il y aussi cette grande scène où Mary Boland préconise le contrôle des naissances à cette peuplade reculée impliquant naturellement certaines contraintes sexuelles.

L'idée est sympathique d'opposer une institutrice vieille fille, incarnée par une Claudette Colbert méconnaissable au début avec ses petites lunettes cerclées et ses cheveux tirés en chignon strict, une féministe obsédée par le taux de natalité interprétée par Mary Boland, très cocasse et drôle dans le film et toujours avec son toutou dans les bras, un journaliste obsédé par le scoop et peu sympathique incarné par William Gargan et Herbert Marshall excellent en industriel marié sans passion, chimiste et qui va découvrir le véritable amour. Certaines scènes semblent avoir inspiré une fois encore les BD, ou les films d'aventures, la scène du campement en pleine nuit fait un peu penser au temple maudit d'Indiana Jones, les singes volant le fusil évoquent irrésistiblement Tintin. Bref nous sommes dans un film d'aventures exotiques au rythme soutenu, mais aux invraisemblances énormes qui gachent un peu le plaisir. A noter que pour un deMille, le film est très court, vu qu'il ne fait qu'1h18 !
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Cathy
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Cleopatra (1934)

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La vie de Cleopatre et ses histoires d'amour successives avec Jules Cesar puis Marc Antoine.

Ce qui fit Cecil B deMille, c'est le faste, le luxe, l'abondance de détails et le côté grandiose des reconstitutions. Certaines scènes peuvent faire sourire par la surenchère de la démesure, mais elles ont aussi un fort pouvoir de séduction, comment ne pas être enthousiasmé par tant de decorum, notamment cette fameuse scène où Cleopatre offre à Marc Antoine un divertissement totalement démentiel avec femmes panthères, danses, des fanfares, des danseuses aux poses égyptiennes (on imagine l'or et les bijoux coulant à flots, etc.) L'entrée de la souveraine dans Rome fait curieusement pale figure et on a l'impression comme dans certaine BD qu'elle n'a même pas pris le temps de se changer et est arrivée très vite. Rien ne manque toutefois, les drapés des robes, les bijoux, les coiffures, les poses lascives, l'aspic qui pique réellement la poitrine de la souveraine, les guépards apprivoisés, les paons qui se baladent entre deux servantes sans oublier la porte style coffre fort de la chambre royale La reconstitution de la dernière grande bagarre entre Marc-Antoine et Octave est aussi un sommet du cinéma avec cette succession de scènes enchevêtrées et assez violentes, avec pour une fois du sang montré, un soldat écrasé sur une roue. Mais ce qui fait aussi le charme de ce film, c'est une fois encore le piquant et la séduction de Claudette Colbert, très belle Cleopatre. Warren William campe un Cesar hautain à souhait. On reprochera peut-être à la soirée chez Calpurnia de ressembler à quelque cocktail hollywoodien de l'époque. Henry WIlcoxon qui sera l'année suivante le Richard Coeur de Lion des Croisades campe un Marc Antoine plein de fougue. On remarque aussi Cecil Aubrey Smith en vieux soldat curieusement barbu quand on on voit le souci du détail. On admirera le très beau plan final de Cléopatre morte sur son trône. Bref une fois encore du Cinéma avec un grand C destiné à divertir plus qu'autre chose et qui y arrive pleinement.

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Les Croisades, The Crusades (1935)

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Evocation de la 3ème croisade menée par Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste contre Saladdin et entravée par les querelles entre les deux rois au sujet de la future reine d'Angleterre.

Cecil B de Mille réalise encore un film grandiose plein de bruit et de fureur, de reconstitution de combats, de scènes aux multiples figurants qui donnent une ampleur à tous ses films. Par contre de nombreuses libertés sont prises avec l'Histoire. Ainsi Richard épouse-r'il Berangère de Navarre dès sa rencontre, mais bon qu'importe. Le thème des croisades a été plusieurs fois adapté au cinéma et à cette reconquête de la croix. Un des templiers semble même avoir inspiré Spielberg pour sa dernière Croisade. Le film est surtout prétexte à offrir de grandes scènes de bagarres à cheval, à pied, des assauts de chateau, des guet apens, etc.
Nous sommes plus dans un film d'hommes avec ces joyeux compères qui semblent annoncer les héros de Robin des Bois. Il y a les bons, les méchants, les traitres avec des "gueules" de traitre. L'héroine pure toujours vétue de blanc, bref ce manicheisme typiquement américain, mais bref qu'importe.
Le film repose aussi sur la personnalité d'Henry Wilcoxon, Richard quelque peu brute et massif, Loretta Young est une charmante Bérangère de Navarre, quant à Katharine de Mille, elle est une princesse de France pleine de caractère, on retrouve encore Cecil Aubrey Smith en Ermite prechant la bonne parole, Ian Keith offre toute la subtilité nécessaire à son rôle de "bon" méchant. Là encore du cinéma de divertissement, destiné à en mettre plein la vue par l'ampleur des moyens developpés et qui une fois encore y arrive, même si il n'y a plus cette espèce de surenchère de Cleopatre ou du Signe de la Croix qui croulent carrement sous la luxure.
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Jeremy Fox
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Re: Cecil B. DeMille (1881-1959)

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Pacific Express (Union Pacific, 1939) de Cecil B. DeMille
PARAMOUNT


Sortie USA : 27 avril 1939

Après la Fox, la United Artists et la Warner, le studio à la montagne étoilée allait à son tour, en avril 1939, proposer son western de prestige de l’année. Le fait historique narré est le même que celui du Cheval de Fer (The Iron Horse) de John Ford, à savoir la construction entre 1860 et 1869 du premier chemin de fer transcontinental Est-Ouest aux Etats-Unis. Alors que La Central Pacific et ses travailleurs chinois s’avançait du Pacifique (la Californie) vers l’Est franchissant les Montagnes rocheuses, L’Union Pacific, surtout constitué d’ouvriers Irlandais, démarrait son périple à partir du Mississippi pour aller à sa rencontre à travers les plaines. Il fallut neuf années pour arriver à bout de ce chantier titanesque ; neuf années au parcours semé d’embûches durant lesquelles les deux compagnies luttèrent de vitesse car le gouvernement octroyait les crédits en fonction du kilométrage de voies posées. La jonction eut lieu le 10 mai 1869 à Promontary Point dans l’Utah. Les derniers rails furent scellées à l’aide de clous d’or et d’argent ; les locomotives 119 et Jupiter purent alors symboliquement rouler jusqu’à se rejoindre sous les vivats de la foule en délire. Une date historique et une célèbre photographie déjà mise en mouvement par John Ford en 1924 et que Cecil B. DeMille refera vivre pour clôturer son film. Pour les séquences ‘documentaires’, le président de l’Union Pacific prêta au cinéaste les meilleurs poseurs de voie de sa compagnie ; leur virtuosité était telle que ces scènes les voyant travailler furent utilisées par le gouvernement à des fins militaires d’entrainement durant la Seconde Guerre Mondiale. Dommage que ces moments soient trop vite expédiés dans le courant du film car le réalisateur n’a décidément pas son pareil lorsqu’il s’agit de sublimer les travaux physiques et difficiles (il le prouvera encore dans Sous le plus Grand Chapiteau du Monde) ; on regrettait déjà que John Ford ne s’appesantisse pas plus longuement sur de tels instants, DeMille les expédiera encore plus rapidement !

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Comme pour The Plainsman, Cecil B. DeMille se lance donc à nouveau dans la fresque historique à grand spectacle mêlant faits réels à une intrigue romanesque qui voit deux hommes amoureux d’une même femme. Ces deux hommes, ce sont Jeff Butler (Joel McCrea), chargé de surveiller la bonne marche de l’équipe de construction, et Dick Allen (Robert Preston), le bras droit de Campeau (Brian Donlevy), escroc chargé par de vils spéculateurs de ralentir l’avancée de la compagnie afin que la concurrente la prenne de vitesse et se récupère ainsi la majorité des crédits. Pour se faire, avec son casino roulant, il sème le désordre parmi les ouvriers, les soulant et les poussant à la révolte contre des patrons mauvais payeurs (et pour cause, Campeau et sa bande dévalisent les trains amenant la paie). La femme qui attire leurs égards n’est autre que la fille du machiniste de la locomotive, la jolie Mollie Monahan (Barbara Stanwyck). En plus de devoir lutter contre les sabotages perpétrés par la bande de canailles de Campeau, l’Union Pacific devra combattre les mauvaises conditions météorologiques, les obstacles naturels ainsi que les attaques indiennes.

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Cette entreprise gigantesque qui débuta au début la Guerre de Sécession fut combattue en haut lieu, les dignitaires souhaitant que les fonds du gouvernement servent à autre chose de plus pressant comme la fabrication d’armes. Comme dans The Plainsman, le cinéaste débute d’ailleurs son film par une réunion en haut lieu à propos des enjeux financiers, Ulysses S. Grant remplaçant ici Abraham Lincoln. Les conflits d’intérêts sont alors évoqués, les spéculateurs véreux apparaissant sans plus tarder dans les coulisses afin que les enjeux dramatiques soient clairement définis dès le départ ; des ouvriers vont devoir fournir des efforts surhumains qui seront systématiquement sabordés par un groupe de tenanciers de casinos peu scrupuleux. Juste avant, le générique avait été fait sur le même modèle que le film précédent, à savoir dans un style emphatique et promettant du grand spectacle. Grand spectacle qui est au rendez-vous, le budget alloué au cinéaste ayant été utilisé à bon escient ; nous assisterons tour à tour à d’efficaces séquences d’action comme la bagarre dans le train après qu’un indien ait été pris pour cible comme un lapin, la traversée d’un pont enflammé, le déraillement du train et le siège par les indiens qui s’ensuit, l’avancée du convoi ferroviaire à travers les montagnes enneigées, la poursuite à cheval de Robert Preston par Joel McCrea…

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Mais, contrairement à son western précédent, le suspense est moindre faute à un scénario qui peine à nous rendre les personnages attachants, leur écriture étant bien trop uniforme et monocorde, nous sentant du fait moins impliqués dans ce qui peut leur arriver ; il suffit de comparer les séquences de siège des deux films pour s’en rendre compte, la première s’avérant intensément dramatique, la seconde même si plus spectaculaire, bien moins prenante. Etonnant d’ailleurs de la part d’Ernest Haycox qui venait d’écrire le scénario de Stagecoach qui au contraire brillait par sa capacité de nous avoir fait éprouver de l’empathie pour tous ses protagonistes. Etonnant aussi quant on sait que le trio est interprété par trois excellents acteurs, Robert Preston s’étant fait le spécialiste de ce type de rôle de ‘Bad Guy’ pas spécialement méchant. Il leur manque à tous (ainsi qu’aux seconds rôles) un supplément d’âme et le duo Joel McCrea/Barbara Stanwyck, trop mécanique, est loin de posséder la prestance et le charme de celui formé par Gary Cooper/ Jean Arthur.

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Une fresque historique efficace mais qui d’une part évacue un peu trop facilement certaines vérités peu reluisantes (le massacre des indiens en cours de route pour pouvoir sécuriser le chantier) alors que les séquences du début laissaient présager une prise de position vite oubliée, d’autre part un peu trop bavarde et trop légère de ton pour convaincre totalement. Parfois plus proche de Lucky Luke que du cheval de fer. Mais malgré mes griefs, n’hésitez pas à vous forger votre propre opinion car il suffit de lire la plupart des historiens et critiques de cinéma pour constater que la majorité pense le contraire à propos des deux premiers westerns du cinéaste, le second étant dans l’ensemble bien mieux considéré que le premier auquel je trouve pour ma part bien plus de charme.

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Les Tuniques Ecarlates (North West Mounted Police, 1940) de Cecil B. DeMille
PARAMOUNT


Sortie USA : 22 octobre 1940


« L’amour fait faire de drôles choses » dit Gary Cooper à Paulette Goddard vers la fin des Tuniques écarlates. Cette phrase aurait d’ailleurs très bien pu être mise en exergue sur une affiche du film ; étonnant pour un western militaire et par rapport à ce que nous en attendions au vu d’un au titre aussi martial promettant avant tout de la grande aventure ! Et pourtant, si l’on se penche sur les personnages principaux, on constate que la principale motivation dans leurs agissements est justement l’amour, que les conséquences soient d’ailleurs néfastes ou bénéfiques. Mais Cecil B.DeMille est moins romantique que ses protagonistes puisque le seul personnage masculin à trouver chaussure à son pied à la toute dernière minute est celui qui aura pourtant privilégié son devoir à des sentiments plus élevés. D’ailleurs, sans le dévoiler, le final va franchement à l’encontre de tout ce à quoi nous nous attendions. Alors, vraiment « Ecrasant d’ennui et de convention scénaristique » comme l’affirment Coursodon et Tavernier dans leur 50 ans de cinéma américain ? Rien que cette dernière séquence vient à mon avis le contredire. Tous ces paradoxes mêlés à une approche historique assez intéressante (d’autant que la période et les faits évoqués ont rarement été abordés, par la suite non plus d’ailleurs) font au contraire de ce troisième western parlant de Cecil B.DeMille un film plutôt original, sorte de ‘mélodrame d’aventure humoristique’ parfois balourd mais jamais ennuyeux. Il a pour toile de fond historique en 1885 la ‘North-West Resistance’ , à savoir la révolte des métis canadiens menés par Louis Riel contre le gouvernement du Canada et le symbole de sa domination britannique, la police montée, 15 ans après l’écrasement de la première insurrection déjà menée par le même homme.

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Alors qu’il est en train de faire la classe à de jeunes enfants, Louis Riel (personnage ayant réellement existé) est interrompu par deux de ses ex-compagnons de résistance, Dan Duroc et Jacques Corbeau, qui souhaitent le convaincre de reprendre la lutte pour les droits du peuple métis franco-indien. Corbeau, vil trafiquant de whisky à ses heures perdues, le décide à tenter de déloger les ‘blancs’ et à former un nouveau gouvernement à Batoche en lui promettant pour se faire la mobilisation inconditionnelle de la population, l’aide des tribus indiennes de la région et l’apport d’une nouvelle arme d’une efficacité redoutable, une mitrailleuse. A Saskatchewan, les Tuniques Rouges de la reine d’Angleterre reçoivent un ultimatum de la part de Duroc qui les engagent à accepter leurs conditions sous 24 heures. La troupe de soldats est dirigée par Jim Brett (Preston Foster) amoureux d’April (Madeleine Carroll), une infirmière et la sœur d’un de ses officiers, Ronnie Logan (Robert Preston) lui-même amouraché de Louvette (Paulette Goddard), une sauvageonne métis qu’il ignore encore être la fille de l’inquiétant Jacques Corbeau recherché pour meurtre par la police canadienne. Alors qu’au fort d’Hudson Bay, on se prépare à un éventuel combat, arrive Dusty Rivers (Gary Cooper), un Texas Rangers lui aussi à la recherche du même Jacques Corbeau et qui n’est pas insensibles aux charmes de la douce April dont Jim Brett vient de demander la main. Les personnages présentés, les situations bien mises en place, l’action et les différentes romances vont pouvoir s’engager…

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Conséquence heureuse de l’immense succès remporté par Pacific Express (Union Pacific), la Paramount accorde à nouveau un très gros budget à l’un de ses plus prestigieux réalisateurs, Cecil B. DeMille. Il n’aura pas jusqu’à la possibilité de tourner sur les lieux mêmes de l’action (les rares extérieurs ayant été tournés en Oregon) mais, tout comme John Ford pour Sur la Piste de Mohawks et King Vidor pour Le Grand Passage, il pourra se frotter pour la première fois au Technicolor ; et le résultat est comme les deux précédents, plastiquement superbe, les chefs-opérateurs ayant ici privilégiés deux couleurs se complétant à merveille, le rouge éclatant des uniformes et le vert plus doux de la nature environnante et de certains attributs vestimentaires portés par Paulette Goddard et Gary Cooper. Les ¾ du film ayant été filmés en studio, il faut savoir que les décors et toiles peintes sont néanmoins un véritable régal pour les yeux. Sinon, on retrouve bien le style particulier du réalisateur, rarement virtuose mais toujours consistant, l’efficacité de ses cadrages (et notamment de ses gros plans), le classicisme de son montage, l’enchainement des différentes séquences comme si nous tournions les pages d’un livre… En parfait conteur parfaitement conscient de ses effets, il peut se permettre une nouvelle fois une certaine théâtralité dans la construction de son film ; un petit nombre de scènes mais la plupart toutes plus longues que la moyenne et plutôt bavardes. Avec un tel casting et des dialogues ma foi souvent fort drôles, malgré une faible dose d’action on ne s’ennuie pourtant quasiment jamais grâce au solide métier de DeMille et au très bon scénario d’Alan Le May, son premier travail pour le cinéma en tant qu’écrivain et qui marque le début d’une étroite collaboration avec DeMille ; c’est lui qui, au vu des dons comiques de Gary Cooper lui écrira Along Came Jones, l’une des parodies de western les plus amusantes qui soit (mais n’anticipons pas).

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Parlons en de Gary Cooper que DeMille ne fait malicieusement entrer en scène qu’au bout de vingt minutes qui ont du sembler interminables pour les fans de l’acteur ! Habitué à tourner dans les meilleures comédies américaines, les westernophiles avaient néanmoins pu se rendre compte de son talent pour l’humour avec Le Cavalier du Désert (The Westerner) quelques mois auparavant. Jubilatoire, il continue ici sur sa lancée, véritable bouffon, clown maladroit à la langue bien pendue et aux répliques qui font mouche ; son Dusty Rivers est plus proche d’un personnage de parodie que d’un véritable héros westernien. Ce n’est pas que ce soit un mal mais à travers cet exemple on se rend vite compte que le mélange des genres souhaité par le scénariste et qui apporte une pointe d’originalité au film est également à l’origine des limites de ce dernier. En effet, pour ne prendre qu’une référence parmi tant d’autres, comment s’inquiéter pour un personnage qui, au beau milieu d’une scène de bataille épique, se plaint avec furie qu’une balle ait troué son couvre-chef alors que d’innombrables soldats tombent comme des mouches autour de lui, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un pittoresque second rôle mais de Gary Cooper en personne ? Certes tout ceci nous fait bien sourire mais le suspense en prend un coup dans l’aile ; les séquences mouvementées sont ainsi toutes plus ou moins coupées dans leur envol par ce genre de détails qui cassent un peu l’élan vers une réelle ampleur qu’elles auraient pu avoir sans ça. Il en va souvent de même dans de nombreux autres films du cinéaste mais parfois, comme dans The Plainsman, le mix était beaucoup plus réussi et ne nous mettait jamais en porte à faux. Mais ne boudons pas notre plaisir pour si peu d’autant que Dusty Rivers arrive néanmoins à nous toucher, notamment quand il supprime les preuves risquant de faire accuser Ronnie de trahison ou lui faisant porter son propre héroïsme afin que sa réputation ne soit pas terni ; seulement, si vous vous souvenez que Ronnie est le propre frère de la femme à qui il cherche à plaire, on se demande bien si c’est l’amitié pour ‘le beau frère’ qui le motivait vraiment à ces moments de grandeur !

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Aux côtés donc d’un inénarrable Gary Cooper, on trouve une somptueusement belle Paulette Goddard grimée en métis, forçant un peu trop sur la cabotinage, prenant quasiment les mêmes mimiques que dans Les Temps modernes. Son personnage est pourtant très intéressant puisqu’amoureux d’un membre de la police montée tout en étant la fille de leur pire ennemi. Ne voulant trahir ni l’un ni l’autre, les conséquences de ses actes, quoique d’une réelle grandeur d’âme, n’en seront que fatalement tragiques. Plus conventionnel est celui joué par Madeleine Carroll (l’actrice hitchcokienne de 39 Steps ou Secret Agent) mais tellement attachant grâce à l’actrice qui le tire vers des sommets d’émotion ! Splendidement filmée et photographiée, c’est vraisemblablement le personnage et le visage qui vous seront les plus entêtants un fois le film terminé. Quant à Preston Foster et Robert Preston, en très bons professionnels, ils se révèlent tous deux parfaits vêtus de leurs tuniques écarlates, le premier un peu guindé mais réussissant à nous faire trouver son personnage sympathique, le second bien rôdé dans son éternel rôle de gentil garçon se trouvant en fâcheuse posture écartelé entre son amour et le respect de sa patrie.

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Une oeuvre efficace et solide aux ruptures de ton parfois déstabilisantes (voire le face à face grotesque entre Lynne Overman et Akim Tamiroff juste avant la mort de ce dernier, séquence oh combien pénible que Luc Moullet, dans les bonus du DVD, juge comme la meilleure scène du film :o ), au paternalisme envers les indiens qui pourrait un peu choquer aujourd’hui alors qu’il était de bon ton à l’époque, pour un plaisant divertissement qui fut à l’origine des plus grosses recettes de la Paramount en cette année 1940. Manquant singulièrement de souffle épique et d’aération en extérieurs, Les Tuniques écarlates n’en constitue pas moins un jalon très intéressant dans l’histoire du western ne serait-ce que pour les faits historiques peu connus abordés et les paysages inhabituels encore à l’époque. Avec sa folklorique galerie de personnages et son scénario mêlant avec habileté intrigues amoureuses et guerrières, North West Mounted Police se révèle de plus un agréable spectacle familial.


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Les Conquérants du Nouveau Monde (Unconquered, 1947) de Cecil B. DeMille
PARAMOUNT


Sortie USA : 24 septembre 1947


Après Une Aventure de Buffalo Bill (The Plainsman), Pacific Express (Union Pacific) et Les Tuniques Ecarlates (North West Mounted Police), Unconquered est le 4ème et ultime western parlant de Cecil B. DeMille et à cette date le plus gros budget qu’il ait eu à sa disposition. Au final, nous nous trouvons devant un corpus assez cohérent dans sa stylistique et dans la façon qu’à le cinéaste de narrer une histoire ; un ensemble de quatre films très représentatifs de la manière de travailler de Cecil B. DeMille, homme de spectacle avant tout mais aimant prendre son temps pour délayer ses intrigues, décrire son univers coloré. Si The Plainsman demeure le plus homogène, le plus équilibré et le plus harmonieux, les suivants auront eu au moins le mérite de nous faire voyager à des époques et lieux différents et assez dépaysants, le réalisateur n’ayant par ailleurs pas lésiné sur les moyens pour nous en mettre plein la vue, son talent de conteur et de peintre ayant accompli le reste sans pour autant éviter les lourdeurs caractéristiques de son cinéma à grand spectacle.

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1763 en Angleterre. Abigail Martha Hale (Paulette Goddard) est accusée d’un crime ; on lui propose de choisir entre deux condamnations : la potence dans l’immédiat ou quatorze années d’esclavage dans les colonies d’Amérique du Nord. Elle choisit la seconde solution et se trouve donc déportée en Virginie. A bord du bateau qui la transporte vers le Nouveau Monde, elle est mise aux enchères, le marchand de fourrures Martin Garth (Howard Da Silva) souhaitant fortement l’emporter pour se venger de l’humiliation qu’elle lui a fait subir, une gifle en pleine face et devant tous les marins après qu’il ait tenté de l’embrasser. Mais c’est le Capitaine Christopher Holden (Gary Cooper), officier de la milice de Virginie, et ses ’46 cents’ supplémentaires qui la gagne pour mieux lui rendre sa liberté. Ce dernier quitte le navire pour rejoindre sa fiancée qui lui annonce ne pas avoir pu attendre et s’être déjà marié avec son frère. Quant à Abigail, sans son sauveur à bord, elle n’a pas la force de s’opposer à ce que son contrat ‘d’émancipation’ soit brulé par Garth qui s’avère être en fait un sinistre trafiquant d’armes ; de nouveau esclave, elle se retrouve à servir dans une taverne. Par ses ventes d’armes, Garth attise la haine des différentes tribus indiennes envers les colons ; Pontiac, chef des Ottawa, organise la révolte lançant des raids sur tous les forts de la région. Holden est chargé d’aller apporter des ‘ceintures de paix’ aux indiens mais, attaqué en chemin, il se réfugie à Fort Pitt (futur Pittsburgh) où il retrouve et délivre une seconde fois Abigail des griffes de ses cruels maîtres. Peine perdue, elle se fait enlever par les indiens peu après, suite à la jalousie d’Hannah (Katherine DeMille), fille du chef des Sennecca et épouse de Garth, qui ne supportait pas de voir ce dernier tourner autour de cette femme blanche. Désobéissant à son commandant lui ayant demandé de bruler la ville afin que rien ne tombe aux mains des ‘sauvages’, Holden préfère d’abord aller délivrer sa jolie ‘esclave’…

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… Et nous n’en sommes qu’à mi-parcours, la seconde partie versant dans l’aventure alors que la première heure avait été plutôt dévolue à la mise en place de l’intrigue, à la présentation des personnages et de la situation politique de l’époque. Depuis le début de la décennie avec Sur la Piste des Mohawks (Drums Along the Mohawk), Le Premier Rebelle (Allegheny Uprising) et Le Grand Passage (Northwest Passage), le 18ème siècle n’avait plus été abordé dans le domaine du western. Unconquered, tiré d’un roman de Neil Swanson sur la révolte de Pontiac en Virginie contre les britanniques, nous replonge dans une époque qui n’avait encore pas connu la déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, toujours à l’aide d’un Technicolor rutilant et d’une débauche de moyens considérable ; nous nous trouvons devant un beau spectacle foisonnant et parfois passionnant malgré les défauts habituels qui entachent une majorité des films du réalisateur, une certaine lourdeur dans le traitement et la caractérisation des personnages, un certain kitsch de l’imagerie et une propension à faire durer les scènes dialoguées plus qu’à l’accoutumée. Mais, comme pour The Plainsman, ces défauts se transforment ici en qualités tout au moins durant la première heure : la description des personnages, aussi typée soit-elle, fonctionne parfaitement, la plastique du film est sublime grâce au violent contraste des couleurs et au scintillement des costumes, enfin l’étirement des séquences ne s’avère ici jamais gênante permettant au contraire de mieux nous familiariser avec les personnages d’autant que les dialogues sont de bonne qualité.

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Alors bien évidemment que tout ceci est d’une naïveté confondante mais l’art de conteur du cinéaste, son brio à mélanger histoire et romance, épique et intimisme, nous ramène en quelque sorte à l’enfance, époque où nous jubilions devant un héros comme Holden, brave, courageux, noble et honnête, où nous ne nous offusquions pas, bien au contraire, de ce que Paulette Goddard soit toujours parfaitement bien maquillée y compris lorsqu’elle se retrouve en haillons, où nous ne nous scandalisions pas lorsque l’on nous présentait des Indiens les plus vindicatifs et sanguinaires qui soient… Ca faisait partie du spectacle hollywoodien et en ce qui me concerne, cette candeur ne me gêne pas plus que ça aujourd’hui encore. D’ailleurs, dans tous les ‘pré-westerns’, que ce soient ceux de Ford ou de Vidor, les Indiens ont toujours été, plus que des ‘méchants’, des trouble-fêtes dont on comprenait les motivations mais avec qui les colons devaient se battre s’ils voulaient pouvoir vivre en paix. Aucun jugement, des faits historiques relatés avec plus ou moins d’honnêteté ; avec DeMille, plutôt moins, ses indiens cruels nous étant décrits, avec un pittoresque qui met parfois mal à l’aise, presque comme des demeurés. Ceci étant dit, ça participe aussi de sa volonté à vouloir constamment mélanger souci d’authenticité et kitsch le plus extravagant ; il s’agit de sa patte reconnaissable entre toutes avec aussi sa tendance à l’emphase et son découpage assez théâtral en actes et scènes toutes d’importantes longueurs. Paradoxalement, alors que la première heure me semble parfaite en ce sens, d’une belle fluidité, la partie plus épique et la plus mouvementée en terme d’action me parait parfois se trainer et manquer singulièrement de vitalité et ce, à partir de la séquence de torture dans le camp indien. Car si B. DeMille n’a pas son pareil pour nous offrir de superbes tableaux par son génie du cadrage, du gros plan, du positionnement de ses acteurs et de la disposition des couleurs, je ne lui ai presque jamais trouvé un sens du rythme qui me convienne d’où ses scènes d’action qui m’ont presque toujours déçu hormis dans The Plainsman qui est pour moi, rappelons le, un modèle du genre.

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‘The Perils of Paulette’ comme l’ont dénommé certains (en référence au serial ‘The Perils of Pauline’) n’est finalement pas aussi ample, baroque et délirant que je l’aurais souhaité et si le ressenti final est positif, je ne peux m’empêcher de regretter plus de nervosité dans les morceaux de bravoure et plus de sérieux dans sa seconde partie que, soyez-en informés, beaucoup préfèrent d’ailleurs à la première. Concernant un casting plutôt correct à défaut d’être génial, Paulette Goddard, comme dans Les Tuniques écarlates, a toujours tendance a en faire un peu trop mais elle reste néanmoins ici dans les clous, Gary Cooper est parfait en héros pur et dur même si son personnage manque d’épaisseur ainsi qu’Howard Da Silva qu’on se délecte à détester. Parmi les seconds couteaux, un Ward Bond trop en retrait, un Boris Karloff hiératique qu’on ne reconnait pas immédiatement sous sa coiffe d’inquiétant chef indien et la propre fille du réalisateur dans le rôle assez touchant de l’indienne, épouse du trafiquant d’armes et qui va se sacrifier par amour. Ils bénéficient tous de superbes costumes et progressent au milieu de magnifiques décors et de superbes paysages verdoyants pour notre plus grand plaisir. On trouve aussi au cours de la première heure pas mal de notations intéressantes, notamment sur l’établissement des frontières entre les états par des astronomes ayant du jongler avec pas mal de paramètres afin d’effectuer leurs tracés cartographiques.

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DeMille était un plasticien hors-pair (je m'en suis rendu compte effectivement) et son ultime western est là pour nous le prouver, Les Dix Commandements finissant d’entériner le fait dix ans plus tard ; concernant le reste, je vous laisse juge, le film ayant aussi bien ses admirateurs passionnés que ses violents détracteurs. Plus proche des premiers, j’arrive cependant à comprendre les arguments des seconds. Une chose est certaine, Unconquered est du pur DeMille, ce qui confirme le statut d’auteur de ce dernier, un film d'aventure bariolé au charme certain à défaut de m'apparaître comme une oeuvre de première importance.
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