Akira Kurosawa (1910-1998)
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Pour Dodes'kaden, c'est difficile de savoir en fait. Tassone en parle, idem dans le livret du coffret arte, et Hubert Niogret également, dans son "Kurosawa" : "Un montage antérieur était long de 4h04"
Je n'ai jamais lu aucun propos de la part de Kurosawa concernant ce film. Il devait rarement en parler, et c'est compréhensible. Donc difficile de savoir si le film durait réellement 4h à l'origine.
Pour ce qui est de la tentative de suicide de Kurosawa, c'est effectivement dut à l'échec total, aussi bien critique que public de ce film qui lui était sans doute cher.
Mais comme le souligne Kaonashi, Kurosawa était déjà mal à la fin du tournage de Barberousse, qui fut parait-il un véritable calvaire.
Mais aussi, suite au tournage de cette merveille, et avant celui de Dodes'kaden, le cinéaste s'est investi dans trois projets inaboutis aux Etats-Unis (Kurosawa aurait effectivement pu nous sortir des films américains ) :
- Un premier film sur le Général Custer. Mais comme les producteurs voulaient absolument Toshiro Mifune dans le rôle d'un chef Indien, Kurosawa qui venait de se brouiller méchament avec son acteur fétiche (sur le tournage de Barberousse) refusa catégoriquement.
- Le second, c'est Runaway Train, mais Kurosawa qui voulait son équipe technique habituelle ne fut pas satisfait. Le producteur refusa de céder aux exigences de Kurosawa, tout comme il refusa de le laisser tourner en couleur. Kurosawa abandona donc le projet, et le scénario qu'il avait écrit fut repris par le cinéaste Andreï Kontchalovski.
- Et le troisième projet fut Tora ! Tora ! Tora !. Kurosawa fut viré par Darryl Zanuck. Ce dernier disait du cinéaste qu'il était fou ( ), mais selon un témoin, c'est Zanuck qui rendait fou Kurosawa. Le film fut dirigé par Richard Fleicher, et il me semble que Kinji Fukasaku fit parti du projet (pas sûr).
De retour au Japon, la situation n'était pas meilleure pour les anciens cinéastes. C'était l'époque de la nouvelle vague, avec des jeunes comme Oshima, Kiju Yoshida, Imamura, Seijun Suzuki, Masumura et autres. Kurosawa s'associa donc à Kon Ichikawa, Keisuke Kinoshita et Masaki Kobayashi pour fonder la société "Yonki no Kai" (société des quatres chevaliers), qui avait pour but de "sauver" le cinéma japonais.
Le premier film qui fut tourné par la société est Dodes'kaden. Gros échec public et critique. Et bien sûr (malheureusement), la société s'effondra.
Kurosawa était au fond du gouffre suite à tout ces échecs et tenta de se suicider.
Il tourna 5 ans plus tard, grâce à l'aide d'un cinéaste russe, Sergueï Guerassimov, Dersou Ouzala qui fut un triomphe mondial. Sans cette aide, Kurosawa aurait sûrement été fini.
Voilà.
Sinon, pour les films mutilés, Private Jocker, il y a eu également le gigantesque Les sept samouraïs. Mais pas de panique cette fois. En fait, le film fut réduit à environ 2h10 pour l'exploitation internationale au lieu 3h15 à l'origine. Conséquences : le film fut considéré à l'époque comme un "sous-western" à la sauce japonaise, inspiré par ceux du grand maître John Ford, et un film mineur comparé à de précédents films comme Rashomôn ou Vivre. Mais heureusement, en 1980, la version intégrale fut réstituée, et là, stupeur et tremblement ! On découvrit un tout autre film, qui n'avait plus rien à voir avec le film charcuté qu'avaient connu les spectateurs de l'époque... Un chef-d'oeuvre, qui fut souvent par la suite classé parmi les grandes oeuvres du cinéma, au coté de Citizen Kane, Le mécano de la General, Le cuirassé Potemkine, L'aurore, La règle du jeu, Huit et demi, Les contes de la lune vague après la pluie ou autres. Ce qui en soit ne sert pas à grand chose, mais qui prouve que le film a été réabilité.
Houlala, je me suis laché . Désolé pour ce long post .
edit : je corrige mes fautes.
Je n'ai jamais lu aucun propos de la part de Kurosawa concernant ce film. Il devait rarement en parler, et c'est compréhensible. Donc difficile de savoir si le film durait réellement 4h à l'origine.
Pour ce qui est de la tentative de suicide de Kurosawa, c'est effectivement dut à l'échec total, aussi bien critique que public de ce film qui lui était sans doute cher.
Mais comme le souligne Kaonashi, Kurosawa était déjà mal à la fin du tournage de Barberousse, qui fut parait-il un véritable calvaire.
Mais aussi, suite au tournage de cette merveille, et avant celui de Dodes'kaden, le cinéaste s'est investi dans trois projets inaboutis aux Etats-Unis (Kurosawa aurait effectivement pu nous sortir des films américains ) :
- Un premier film sur le Général Custer. Mais comme les producteurs voulaient absolument Toshiro Mifune dans le rôle d'un chef Indien, Kurosawa qui venait de se brouiller méchament avec son acteur fétiche (sur le tournage de Barberousse) refusa catégoriquement.
- Le second, c'est Runaway Train, mais Kurosawa qui voulait son équipe technique habituelle ne fut pas satisfait. Le producteur refusa de céder aux exigences de Kurosawa, tout comme il refusa de le laisser tourner en couleur. Kurosawa abandona donc le projet, et le scénario qu'il avait écrit fut repris par le cinéaste Andreï Kontchalovski.
- Et le troisième projet fut Tora ! Tora ! Tora !. Kurosawa fut viré par Darryl Zanuck. Ce dernier disait du cinéaste qu'il était fou ( ), mais selon un témoin, c'est Zanuck qui rendait fou Kurosawa. Le film fut dirigé par Richard Fleicher, et il me semble que Kinji Fukasaku fit parti du projet (pas sûr).
De retour au Japon, la situation n'était pas meilleure pour les anciens cinéastes. C'était l'époque de la nouvelle vague, avec des jeunes comme Oshima, Kiju Yoshida, Imamura, Seijun Suzuki, Masumura et autres. Kurosawa s'associa donc à Kon Ichikawa, Keisuke Kinoshita et Masaki Kobayashi pour fonder la société "Yonki no Kai" (société des quatres chevaliers), qui avait pour but de "sauver" le cinéma japonais.
Le premier film qui fut tourné par la société est Dodes'kaden. Gros échec public et critique. Et bien sûr (malheureusement), la société s'effondra.
Kurosawa était au fond du gouffre suite à tout ces échecs et tenta de se suicider.
Il tourna 5 ans plus tard, grâce à l'aide d'un cinéaste russe, Sergueï Guerassimov, Dersou Ouzala qui fut un triomphe mondial. Sans cette aide, Kurosawa aurait sûrement été fini.
Voilà.
Sinon, pour les films mutilés, Private Jocker, il y a eu également le gigantesque Les sept samouraïs. Mais pas de panique cette fois. En fait, le film fut réduit à environ 2h10 pour l'exploitation internationale au lieu 3h15 à l'origine. Conséquences : le film fut considéré à l'époque comme un "sous-western" à la sauce japonaise, inspiré par ceux du grand maître John Ford, et un film mineur comparé à de précédents films comme Rashomôn ou Vivre. Mais heureusement, en 1980, la version intégrale fut réstituée, et là, stupeur et tremblement ! On découvrit un tout autre film, qui n'avait plus rien à voir avec le film charcuté qu'avaient connu les spectateurs de l'époque... Un chef-d'oeuvre, qui fut souvent par la suite classé parmi les grandes oeuvres du cinéma, au coté de Citizen Kane, Le mécano de la General, Le cuirassé Potemkine, L'aurore, La règle du jeu, Huit et demi, Les contes de la lune vague après la pluie ou autres. Ce qui en soit ne sert pas à grand chose, mais qui prouve que le film a été réabilité.
Houlala, je me suis laché . Désolé pour ce long post .
edit : je corrige mes fautes.
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Trouvé à la boutique mk2.Commissaire Juve a écrit :Kikavu ça ? J'ai la nette impression qu'on sort du film de sabre et ça m'intéresse. Qualité des masters ???
J'ai jeté un coup d'oeil vite fait.
Apparemment, ça vaut pas les restaurations de Wild Side ou du coffret arte, mais pour L'Idiot, le master a l'air plus que correct, surtout quand je compare à la désastreuse édition HK que j'avais achetée.
Ca a l'air même mieux que l'édition z2fr des 7 samouraïs. C'est assez inespéré.
Pour Scandale, c'est déjà beaucoup moins bon, beaucoup de griffures sur l'image, et ce tout le long du film.
C'est loin d'être irregardable (c'est mieux que les éditions dégueulasses de Vivre et des Bas-fonds), surtout que la compression semble bonne.
Sûrement mieux que le z3. D'ailleurs, je sais pas s'il existe d'autres éditions.
Le prix (30€) est tout à fait correct. Les bonus ont l'air bons (préfaces, scènes commentées).
Hâte de voir Scandale, un des derniers Kurosawa qu'il me reste à découvrir.
- Commissaire Juve
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J'ai ma réponse :Commissaire Juve a écrit :Kikavu ça ? J'ai la nette impression qu'on sort du film de sabre et ça m'intéresse. Qualité des masters ???
http://dvdtoile.com/CritiqueDvd.php?20228
Je crois que je vais faire l'impasse...
PS : oups ! je n'avais pas vu le post de 2501 !
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Et Commissaire, je viens de voir Scandale (excellent film, j'y reviendrai), et je me permets de rectifier mon premier avis sur l'image : hormis les 10 premières minutes très abîmées, elle est tout à fait acceptable. Sa qualité ne m'a pas gêné pendant le visionnage. C'est bien mieux que Rashômon z2 et les éditions Opening.
Et surtout, s'agissant de films des 50's peu reconnus dans l'oeuvre de Kurosawa, il ne faut pas s'attendre à une meilleure édition que celle proposée par mk2. Peu de chance qu'on daigne leur offrir une restauration complète (qu'on attend encore pour des chefs-d'oeuvres comme Les 7 samouraïs !).
Donc foncez ! Achat indispensable !
Et surtout, s'agissant de films des 50's peu reconnus dans l'oeuvre de Kurosawa, il ne faut pas s'attendre à une meilleure édition que celle proposée par mk2. Peu de chance qu'on daigne leur offrir une restauration complète (qu'on attend encore pour des chefs-d'oeuvres comme Les 7 samouraïs !).
Donc foncez ! Achat indispensable !
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Scandale - Akira Kurosawa
8/10
Après tout ce que j'avais lu sur ce film, je m'attendais à une oeuvre mineure dans la carrière du grand Kurosawa. Il n'en est rien. Bien au contraire. Mais ce film (ainsi que L'Ange ivre ou Le Duel silencieux réalisés quelques années avant) fût eclipsé par le rayonnement international de Rashômon.
Bien sûr Scandale n'est tout de même pas au niveau de qualité de ce dernier, mais il est en tous points remarquable.
Le sujet, la presse à scandale, les débordements des médias, pouvait laisser craindre un lourd film à message, avec écho actuel, qui rendrait le film visionnaire, universel, etc etc... Mais Scandale ne saurait être réduit à ça. Puisqu'il est avant tout le portrait de la déchéance d'un homme et pas celui qu'on croit. En effet, le peintre victime des paparazzi (admirablement interprété par Mifune, à la fois énergique et tendre) va peu à peu laisser la place au personnage de l'avocat joué par Takashi Shimura. Personnage faible, corruptible, dont la fille tuberculeuse ne fait que le renvoyer à sa propre déliquescence morale. Fabuleusement incarné par Takashi Shimura, comme une répétition du héros de Vivre, l'avocat devient en milieu de film le personnage principal. Le point de vue change, le film est alors bizarrement déséquilibré, mais l'intérêt n'en est que plus grand. La presse à scandale et même les scènes de procès deviennent alors un simple contexte révélateur de l'âme humaine, dans sa bonté et sa médiocrité.
La justesse de ton des dialogues et de la mise en scène portent la touche d'un Kurosawa au mieux de sa forme humaniste. Les scènes avec la jeune fille sont incroyables, pleines d'émotion contenue, comme ce soir de Noël où le peintre et la chanteuse sont réunis pour elle. Le travelling latéral, du point de vue de l'avocat, révélant petit à petit la scène, par "vignettes", témoigne de l'inventivité formelle du film. Kurosawa excelle dans la composition des plans, évitant constamment la facilité du champs-contrechamps.
Il se permet même une belle réflexion sur l'image : la photo des paparazzi ment, alors que le tableau du peintre (décrit, commenté, expliqué, convoité mais jamais montré !) révèle les sentiments.
Un film donc très riche, qui aurait peut-être gagné à développer un peu plus le personnage sous-exploité de la chanteuse, pourquoi pas en introduisant une véritable histoire d'amour avec le peintre (sous-entendue certes à travers le tableau).
Quoiqu'il en soit, si Scandale a la virulence d'un film à message (la représentation des médias est très réusssie, même si quelque peu caricaturale), il témoigne avant tout une fois encore du profond caractère humaniste de Kurosawa.
8/10
Après tout ce que j'avais lu sur ce film, je m'attendais à une oeuvre mineure dans la carrière du grand Kurosawa. Il n'en est rien. Bien au contraire. Mais ce film (ainsi que L'Ange ivre ou Le Duel silencieux réalisés quelques années avant) fût eclipsé par le rayonnement international de Rashômon.
Bien sûr Scandale n'est tout de même pas au niveau de qualité de ce dernier, mais il est en tous points remarquable.
Le sujet, la presse à scandale, les débordements des médias, pouvait laisser craindre un lourd film à message, avec écho actuel, qui rendrait le film visionnaire, universel, etc etc... Mais Scandale ne saurait être réduit à ça. Puisqu'il est avant tout le portrait de la déchéance d'un homme et pas celui qu'on croit. En effet, le peintre victime des paparazzi (admirablement interprété par Mifune, à la fois énergique et tendre) va peu à peu laisser la place au personnage de l'avocat joué par Takashi Shimura. Personnage faible, corruptible, dont la fille tuberculeuse ne fait que le renvoyer à sa propre déliquescence morale. Fabuleusement incarné par Takashi Shimura, comme une répétition du héros de Vivre, l'avocat devient en milieu de film le personnage principal. Le point de vue change, le film est alors bizarrement déséquilibré, mais l'intérêt n'en est que plus grand. La presse à scandale et même les scènes de procès deviennent alors un simple contexte révélateur de l'âme humaine, dans sa bonté et sa médiocrité.
La justesse de ton des dialogues et de la mise en scène portent la touche d'un Kurosawa au mieux de sa forme humaniste. Les scènes avec la jeune fille sont incroyables, pleines d'émotion contenue, comme ce soir de Noël où le peintre et la chanteuse sont réunis pour elle. Le travelling latéral, du point de vue de l'avocat, révélant petit à petit la scène, par "vignettes", témoigne de l'inventivité formelle du film. Kurosawa excelle dans la composition des plans, évitant constamment la facilité du champs-contrechamps.
Il se permet même une belle réflexion sur l'image : la photo des paparazzi ment, alors que le tableau du peintre (décrit, commenté, expliqué, convoité mais jamais montré !) révèle les sentiments.
Un film donc très riche, qui aurait peut-être gagné à développer un peu plus le personnage sous-exploité de la chanteuse, pourquoi pas en introduisant une véritable histoire d'amour avec le peintre (sous-entendue certes à travers le tableau).
Quoiqu'il en soit, si Scandale a la virulence d'un film à message (la représentation des médias est très réusssie, même si quelque peu caricaturale), il témoigne avant tout une fois encore du profond caractère humaniste de Kurosawa.
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