3.10- Return a Stranger
Réalisation : Maurice Geraghty
Scénario : True Boardman & George F. Slavin
Guest Star : Leif Erickson & Peter Brown
Première diffusion 18/11/1964 aux USA - Jamais diffusé en France
DVD : VOSTF
Note : 7/10
Le pitch : Le vieux Charley (Leif Erickson) est propriétaire d’une mine d’argent près de Shiloh ; jusqu’à présent elle ne lui a pas rapporté grand-chose mais il compte grandement sur le retour de son fils Craig (Peter Brown) qui est parti 4 années faire des études en ingénierie minière. Le jeune homme a beaucoup changé au grand dam de Betsy qui a été élevé à ses côtés et qui était sa meilleure amie d’enfance. Aujourd’hui, il ne pense qu’à son travail et à la rentabilité de la mine familiale quitte à provoquer des drames chez ses voisins ou ex-amis de son père ; parmi ces derniers le juge Garth qui soupçonne la pollution des rivières où vient boire son bétail…
Mon avis : Où l’on se rend compte une fois encore avec Return a Stranger que le Virginien est une série où il est tout à fait possible de regarder chacun des épisodes comme s’il s’agissait d’une succession d’innombrables westerns autonomes, qui plus est de la durée standard de la majorité des films de séries B de l'époque, soit environ 75 minutes ; la qualité étant les ¾ du temps au rendez-vous, une véritable aubaine pour les westernophiles qui auraient pensé avoir fait le tour de presque tout ce qui pouvait y avoir de bien dans le genre au cinéma et qui vont ainsi avoir la chance de pouvoir se tourner vers le petit écran afin de continuer à se délecter de nouvelles bonnes histoires se déroulant dans le Far-West du 19ème siècle. Pour établir cette relative ‘indépendance’ de chaque épisode, ici Steve a définitivement quitté le bateau, Trampas est absent et le Virginien n’est présent que le temps d’une seule séquence où il vient faire ses adieux au juge pour un voyage d’affaires de plusieurs semaines. Randy n’est quasiment présent que pour nous offrir son désormais traditionnel duo musical avec Betsy -le fort plaisant ‘The Cat Came Back’- alors que le shérif Ryker n’a guère plus de temps de présence. Restent actifs durant ce nouveau très bon épisode le Juge Garth et sa fille, les deux Guest Star et protagonistes principaux de cette histoire étant de vieux amis à la famille, le jeune homme ayant même été le meilleur camarade de jeu de Betsy, voire même son premier coup de foudre adolescent.
Ce petit monde évolue principalement au sein d’un nouveau décor pour la série, celui d’une mine d’argent dans laquelle travaille ce vieil ami du juge Garth que Betsy appelle ‘Oncle Charley’ ; un homme foncièrement bon et haut en couleurs de la même génération que Garth et qu’interprète le très sympathique Leif Erickson. Maurice Geraghty étant pour l’instant avec Don McDougall l’un des réalisateurs les plus inspirés et talentueux de la série (voir les excellents A Matter of Destiny, The Accomplice et surtout le magnifique Impasse), il utilise parfaitement bien ce nouveau lieu installé près des terres du ranch Shiloh. Charley était donc jusqu’à présent seul à exploiter ce filon qui ne s’est jamais avéré rentable par le fait de ne pouvoir raffiner le métal sur place. Sa joie lorsqu’il reçoit un télégramme de son fils lui annonçant son retour n’est pas feinte, à tel point qu’il ne peut s’empêcher de vanter les mérites de son rejeton à Garth et Betsy, ne se rendant pas compte lorsqu'il plaisante sur "ses notes scolaires toujours parfaites sauf en morale" qu'il nous dévoile en partie les drames à venir. Craig était partie durant quatre années pour des études de géologie et il en revient avec de grandes idées pour la mine. Sauf qu’en étudiant le télégramme de plus près, le juge explique à son naïf ami que son fils lui a fait hypothéquer sa maison et sa mine et qu’ils n’ont que trois mois pour rentabiliser le gisement au risque de tout perdre. Charley faisant une entière confiance à son fils, il n’écoute ces conseils de méfiance que d’une oreille distraite. L’épisode va alors surtout reposer sur le changement de caractère du jeune homme que ses études ont transformé de gentil petit garçon en un capitaliste sans scrupules, sur le fait que ses ex-connaissances et amis ont du mal à reconnaitre ce garçon sans éthique, uniquement préoccupé par le profit et dont on se demande jusqu’où il ira pour parvenir à ses fins. "It seems like you went away as one person, and only part of you came back, or you're a different person altogether" lui dira Betsy.
Pour que l’intrigue fonctionne il fallait que ce personnage complexe et de prime abord profondément antipathique soit crédible ; il l’est non seulement grâce à une belle écriture de True Boardman –scénariste qui n’arrive à s’en sortir que lorsqu’il adapte l’histoire d’un autre, ici en l’occurrence celle de George F. Slavin qui a entre autre signé pour le cinéma celles pour de bons westerns tels The Nevadan de Gordon Douglas, Red Mountain de William Dieterle, City of Bad Men de Harmon Jones, Smoke Signal de Jerry Hopper…- mais aussi par le fait que le comédien choisi pour l’interpréter s’avère aussi formidable que pouvait l’être le tout aussi jeune Chris Robinson lors de ses deux épisodes de la série en Guest Star. Peter Brown est en effet l’acteur sur les épaules duquel Return a Stranger repose et il se révèle magistral, capable d’exprimer la complexité de son personnage tout à la fois haïssable et attachant, d’une acuité et d’une intelligence telles qu’on aurait presque tendance à lui pardonner sa diabolique roublardise lorsqu'il s'agit de manipuler ses salariées ou pour obtenir de l'aide ; l’évolution de ce protagoniste -dont j'éviterais de parler pour préserver les surprises- s’avère passionnante. Pour l’anecdote -attention suivez bien- ce même Peter Brown incarnera le héros d’un spin off du Virginien, le Texas Ranger Chad Cooper dans Laredo dont le pilote sera en fait la reprise de We've Lost a Train, l’épisode qui conclut cette saison 3 du Virginien. Une idée de future édition DVD pour Elephant Films ?! Peter Brown domine donc le casting même si Leif Erickson, William Fawcett –dans un rôle de Old Timer à la Walter Brennan-, Lee J. Cobb, Roberta Shore ainsi que Whit Bissell en Bad Guy assez vicieux, s’en sortent également très bien.
Un épisode qui dépeint avec rigueur le profil psychologique d’un jeune loup aux dents longues mais qui propose aussi une réflexion sur l’écologie (puisqu’il sera question de pollution de l’eau), l’industrialisation et le capitalisme galopant (le nouveau propriétaire de la mine fait venir ses hommes plutôt que d’en faire profiter les chômeurs de la région), un climax assez prenant, un véritable suspense autour d’un décor encore peu usité au sein de la série (camp minier, barrage, longue rivière tortueuse…) et une belle photographie signée, excusez du peu, Ray Rennahan, l’un des très bons chefs opérateurs dans le domaine du western et qui officiait d’ailleurs déjà sur le précédent épisode. Le juge dira à Betsy à propos du jeune ambitieux : "every man changes under pressure. The question is how much does he change and in what direction." Les différentes directions que prendra l’arriviste Craig permettront à cet épisode de se maintenir à un très bon niveau tout du long.
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