Le fauve noir du kung fu / black panther (Hou Cheng - 1973)
Lors d'un contrôle en douane, un homme est arrêté pour possession de drogue. Il a été piégé et décide de garder le silence durant ses 3 ans d'incarcération pour mieux se venger seul à sa libération. Mais ses amis qui l'ont trahis vont accélérer sa sortie.
Unique film produit par Chan Sing, second couteau plutôt habitué aux rôles de méchants, qui en profite pour se donner le personnage principal, celui de l'innocent accusé à tort.
Avec la présence de Ni Kuang au scénario, on aurait pu espérer un scénario sortant de l'ordinaire. Peine perdue, celui-ci est non seulement conventionnel au possible mais en plus particulièrement idiot et bourré de raccourcis grotesques et ridicules : Le héros qui vient de s'échapper de prison arrive à une intersection et manque de se faire écraser par une voiture dont sort 4-5 hommes qui engagent un combat. Pourquoi ? Aucune idée. Notons aussi le héros assommé puis enfermé dans le coffre d'une voiture... sauf qu'il lui suffit de sortir la main du coffre (comment ?) pour sauter de la voiture en marche tranquillement.
Le must est bien-sûr une longue séquence de suspens où sa copine est en bien fâcheuse posture. Lui, s'en doute mais ne sait où aller. Il demande donc à son chauffeur de taxi de rouler aux hasards des rues, puis apercevant trois ouvriers en BTP regardant en l'air déduit qu'il s'agit de l'immeuble où aller sauver sa bien-aimée... qui est en effet accrochée à un grillage sur le toit d'un immeuble que les méchant secouent en espérant la précipiter dans le vide.

Celà dit, à partir de cette séquence, le film devient franchement excellent, beaucoup plus rythmé et pêchu avec un esprit sérial irrésistible (on est pour le coup en plein cliffhanger), pas très loin de la candeur primitive des premiers muets comme le précisait Jean-François Rauger. De plus la réalisation y gagne également en originalité tel ce double combat dans une cage d'escalier avec quelques belles trouvailles de cadrages avec en arrière-fond un Hong-Kong entre bidon-ville et essor économique tandis que les acteurs prennent certains risques vraiment dangereux à plusieurs reprises.
Du coup, j'avais presque envie d'y voir un réel discours socio-économique avec son héros poursuivant à pied un méchant, lui motorisé, sans parler des derniers combats qui se déroule dans le stock d'une scierie puis les docks de chantier naval. Des cadres de combats plutôt inhabituels et bien exploités.
Pour rester dans les combats, ceux-ci sont dans la tradition de la période, c'est à dire approximatif, pas forcément chorégraphié mais bien hargneux et rageux avec un belle énergie de son héros qui se démène vraiment à la tâche. A noter au passage que le méchant japonais (mais dont le vraie identité nippone reste un nom chinois

Sinon, le doublage français est bien gratiné, ce qui renforce les incohérences du scénario. Les doubleurs ont voulut coller au labial des acteurs, du coup, les phrases sont souvent coupées en deux, espacées de 2 secondes en moyenne. Ca donne des trucs genre "je ne suis pas d'accord ... avec vous" ; "Je me vengerais ... oh oui" ou "mais comment peuvent-ils ... être-si méchant ?"
Et pour rester dans les spécificités françaises (ou pour l'export), je ne sais pas ça venait de scènes coupées ou de passages manquant dû au matériel endommagé, mais le montage de 79 minutes est par moment aussi stupéfiant que du Godard dans ses ellipses ou ses jump Cut. La fin notamment est totalement avant-gardiste, concluant l'histoire en 3 plans de 1 secondes. Reste à savoir si c'est volontaire ou non

Il va sans dire qu'on est sorti de cette séance totalement enthousiaste et revigoré par ce gros moment de fun.
J'espère que la cinémathèque va en organiser plus souvent. Rauger semblait le sous-entendre. Il faut croiser les doigts.