Red cliff - Les trois royaumes (John Woo - 2008/2009)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Eusebio Cafarelli
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Re: Red cliff - les trois royaumes (John Woo, 2008)

Message par Eusebio Cafarelli »

Vu, enfin, en dvd, version internationale.

C'est un John Woo, ça ? Ah oui, y'a des colombes :mrgreen: particulièrement une colombe dont la seule raison d'exister doit être le travelling panoramique sur les forces en présence, genre "vous avez vu le fric qu'on a mis dans les CGI" (ça me rappelle un aigle, de mémoire, dans Alexandre d'Oliver Stone).
Bon, sérieusement, je me suis assoupi en cours de film (mais je n'ai pas loupé les batailles), et j'ai trouvé l'ensemble ennuyeux, très ennuyeux. Certes Woo a un grand talent de cinéaste, et par moments ça se voit (duelling cithares par exemple). Certes les acteurs sont bons (encore que Tony Leung en chignon, bof...). Mais les scènes non guerrières semblent étirées jusqu'à l'exagération et sans nécessité. Les CGI sont par moments très visibles et bien loupés. Et les scènes de batailles... effectivement il y a du matériel (cf. la flotte... des CGI plutôt, pas comme chez Bondartchouk), mais, comment dire... si parfois elles impressionnent un temps (la tortue), elles manquent de force, de lisibilité en général, comme si Woo n'arrivait pas à mêler correctement vue d'ensemble et combats individuels (façon kung fu et cables, normal).
Si je compare avec des équivalents, par exemple les grands peplum (pepla ?) hollywoodiens, il y les tunnels ennuyeux, mais les batailles sont meilleures dans les peplum, à l'ancienne (Cléopâtre par exemple) ou modernes (Gladiator, Alexandre). Je ne peux pas comparer encore avec les grandes productions chinoises du même type, ne les ayant pas vues. Si je compare avec les John Woo antérieurs, je suis déçu. Pour moi c'est une énorme patisserie, très chargée, très appétissante, mais indigeste.
N'est-ce pas son premier grand film chinois (je veux dire tourné dans la Chine-qui-censure-et-surveille) ? Est-ce que ça a joué ? En tout cas je constate qu'il se plie à la règle d'un cinéma chinois monumental, qui trouve ses sujets dans un passé historique lointain et glorieux, comme souvent dans ce type de régime politique...
frédéric
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Re: Red cliff - les trois royaumes (John Woo, 2008)

Message par frédéric »

La version longue enfin en France :

http://www.ecranlarge.com/article-details-14598.php


J'ai bien de ne pas avoir acheté la version courte.
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Re: Red cliff - les trois royaumes (John Woo, 2008)

Message par Max Schreck »

Cette histoire de conquêtes, d'alliances, d'exploits héroïques et de loyauté intransigeante en des temps si lointains qu'ils acquièrent une patine mythologique, c'est un peu l'Illiade chinoise. On est projeté dans un monde où les gens ne connaissent que la guerre, s'efforçant de mettre en pratique leurs expériences, sagesses et connaissances théoriques inspirés de Sun Tzu.

Grosse entreprise à échelle cosmique (les éléments naturels sont eux-mêmes acteurs du récit), le film fonctionne autant dans l'attente des batailles que dans leur exécution. Pour ce faire, il fallait des personnages charismatiques, et c'est ici plutôt le cas, chaque interprète étant fortement caractérisé, souvent de façon très visuelle. Au premier rang trônent le costume et la posture immobile du charismatique Takeshi Kaneshiro, ainsi que le mutisme et l'irrésistible sourire en coin de Tony Leung (formidablement introduit en hors-champ et en musique). Le film va interroger la loyauté de toute une troupe de figures pittoresques face à un conflit qui, plus que politique, va se révéler d'ordre sentimental. Le film est ponctué de séquences époustouflantes où l'on retrouve tout l'art du geste et du mouvement du metteur en scène (ses travellings et fondus enchaînés), cette symbiose entre rythme et images, son talent pour faire soudain surgir la grâce au milieu du chaos, qu'il s'agisse d'accompagner le ballet des corps ou les mouvements de la pensée. On assiste ainsi à une sorte de partie d'échec aux proportions épiques, jouée par des virtuoses qui doivent anticiper la stratégie de l'adversaire. C'est pas non plus du Shakespeare, les relations et enjeux sont relativement balisés, mais incarnés avec ce qu'il faut de panache pour que ça soit plaisant à suivre. Le score symphonique de Taro Iwashiro est plutôt efficace et bien utilisé, les bruitages un peu plus lourdingues (cliché des bruits d'épées qu'on brandit, transitions à base de drapeau tranché dans la 2e partie).

Toutes ces qualités étant posées, le film est quand même loin d'être parfait. Dès lors qu'il faut plonger ce petit monde dans le chaos du champ de bataille, ça manque un peu d'homogénéité. On alterne entre purs morceaux de génie et passages plus plats voire confus. Peut-être sont-ce les dimensions colossales de l'entreprise, toujours est-il que le film m'a semblé un peu inégal sur le plan de l'inspiration. Un peu comme si, forcé de déléguer à ses équipes, Woo s'était ensuite dépatouillé pour donner (trouver ?) sur son banc de montage une cohérence (de sa part, c'est évidemment peu probable mais ce fut mon impression). Les scènes enchaînent des plans qui ne sont pas tous visuellement stimulants, avec cet usage auquel je suis toujours allergique du ralenti saccadé ou le non-respect de la règle des 180° qui fait qu'on ne sait pas toujours qui tire sur qui (et on n'est pas aidé par le fait que les 2 camps portent exactement les mêmes armures). Certes, on peut se dire qu'une bataille de cette ampleur doit par nature devenir confuse, mais en tant que spectateur (qui plus est face à un John Woo) on attend un maximum de lisibilité pour pouvoir s'impliquer dans le spectacle des corps qui tombent. Mais seul l'affrontement central du piège de la tortue émerge du lot, fulgurant morceau de bravoure cinématographique où le rapport entre l'individu et la foule m'a semblé le plus harmonieusement exploité.

Malgré la durée plus que confortable dont elle dispose, la narration s'autorise des ellipses que je ne m'explique pas, nous privant de scènes qui me semblaient plutôt importantes :
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le retour des alliés pour l'assaut final


Alors que l'ouverture du film joue sur la solennité et la suspension du temps, ça s'accélère soudainement en basculant dans de la baston, sans même que nous aient été présentés les personnages dont on ignore encore qu'on sera amené à la suivre. Du coup, j'ai mis du temps à rentrer dans cette première scène d'action, aux enchaînements franchement pas toujours compréhensibles. De même, passé le formidable suspense de l'assaut des navires, la bataille finale m'a un peu lassé, observant avec distance des plans de trouffions en train de se faire transpercer, contraint de guetter les séquences montrant plutôt le parcours des héros au sein de la mêlée. La conclusion m'a de même pas trop semblé à la hauteur :
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Laissé hagard pendant la bataille, Cao Cao a perdu toute dimension menaçante, et Woo refuse d'alourdir son récit avec du drame, laissant sains et sauf quasiment tous ses personnages principaux, avant de finir sur un épilogue absolument pas touchant où l'on n'évoque pas vraiment les implications historiques de la bataille.


C'est donc une semi-déception, m'attendant sans doute trop au film épique ultime. Red cliff est à l'arrivée un grand spectacle relativement inoffensif, plutôt tous publics, qui ne marquera pas ma mémoire. Le film présente pour moi un peu les mêmes défauts que Windtalkers, énorme machine de guerre qui, si elle a beau être une production très personnelle pour son réalisateur, noie inévitablement une bonne partie de son âme dans les nécessités pyrotechniques (mais parce qu'il met en scène du trouffion de base à la place de seigneurs compassés, Windtalkers me semble en comparaison plus touchant, plus humain).
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Re: Red cliff - Les trois royaumes (John Woo - 2008)

Message par bruce randylan »

Tiens, un peu hors sujet (mais pas trop), je suis lancé depuis quelques temps dans les gros classiques de la littérature chinoise. Après Au bord de l'eau, Jin ping mei et le Roi singe, je me faisais une joie de découvrir les trois royaumes mais a priori les différentes traductions françaises sont toutes décevantes pour ne pas dire épouvantables. :(
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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