Bungawan Solo (1952)
En 1945, sur l'île de Java en Indonésie, une modeste famille de paysans vit avec l'inquiétude de voir les soldats japonais débarquer dans leur petit village. Un jour, trois déserteurs viennent frapper à leur porte, demandant de l'aide pour soigner l'un deux,affaibli par la malaria.
Ce dernier film de Kon Ichikawa pour la Shintoho se révèle bien moins aboutis que
Portrait d'humanité à cause d'une réalisation plus relâchée et d'un scénario dont les enjeux et la tension sont assez mal rendus.
Le début laissait espérer pourtant le meilleur avec le quotidien de cette famille indonésienne s'exprimant dans leur véritable langue (bien que jouée par des japonais), des jolis plans de natures et une introduction percutante des 3 déserteurs, accompagnés de bref flash-backs non linéaires.
Mais après ça, les possibilités du scénario hésitent entre la noirceur, le pacifisme, le mélodrame ou encore la romance. Le film n'en aborde jamais vraiment aucune et donne le sentiment de survoler son histoire et ses personnages qui sont rapidement dénués d’ambiguïtés. J'aurais préféré que Kon Ichikawa développe les dilemmes des déserteurs face à ceux qui les hébergent : doivent-ils leur faire confiance ? Vont-ils les trahir ? Doivent-il les tueur ? Peuvent-ils se lier à eux ? Comment renouer avec leur famille au Japon ?
De manière générale, j'ai eu du mal à m'identifier à eux (surtout les parents dont je n'ai jamais pleinement compris les motivations). Les auteurs semblent un peu déchiré entre les deux sœurs épanouies et assez libres et le trio de japonais.
L'arrivée d'un nouveau soldat japonais est lui aussi assez mal géré et son changement de psychologie est trop abrupte pour être convaincant et apporter une nouvelle menace (ou augmenter la décontraction).
Le dernier acte est plus évident et clair pour une situation il est vrai plus basique et manichéenne où les méchants sont bien définis et ne changeront pas de nature. Dramatiquement, ça fonctionne donc mieux, bien que prévisible étant donné qu'on nous dit en préambule que l'intrigue prend place durant l'été 1945.
La réalisation est dans cet état d'indécisions du style à suivre : quelques idées réussies dans le cadre, les focales, la profondeur de champ mais le rythme est trop lent et souvent académique. Il faut dire que le film est presque un huit-clos assez statique qui ne sort presque jamais du terrain de la famille.
Précisons quand même que la copie projeté à la cinémathèque était un DVD lamentable plus proche du 16mm brute que de la copie 35mm restaurée : scènes nocturnes très sombres, aucune définition ni piqué, mouvances désagréables dans les zones d'ombres, contrastes à l'ouest... Dans de meilleur condition, il serait sans doute possible d'apprécier davantage la mise en scène.
Malgré tout, le sentiment dominant est celui un peu gênant que le cinéaste ne savait pas comment aborder son matériel qui ressemble par ailleurs fortement à
Vivre en paix de Luigi Zampa, bien mieux construit et humain, sans être un chef d’œuvre non plus.