


Eh bien, cinéphage et Gounou vont être contents : j'ai trouvé le film pas mal. Oh, bien sûr, ce n'est pas un chef-d’œuvre, ce n'est pas un grand film, et les mauvaises langues pourront facilement le trouver ringard et risible. Mais je n'ai pas boudé mon plaisir face à ce divertissement familial de qualité, assez symbolique de cette époque où les trouvailles, nombreuses, accompagnaient un vrai soin artistique pour un produit soigné et efficace.
Dans une phase où tout lui réussit, George Lucas parraine ce projet du papa de Dark Crystal qui dénote d'ailleurs sa fascination pour les figures et trajectoires mythologiques (ou comment le puissant motif du labyrinthe renvoie à tout un cortège de symboles inconscients). Dans la mesure où le film s'adresse à tous les âges, on peut voir dans ce postulat ludique - une adolescente subit l'épreuve du labyrinthe pour payer sa méchanceté envers son petit frère - autant le prétexte de créer toute une faune de créatures excentriques dans un univers enchanté, que la classique métaphore du passage à l'âge adulte, recette récurrente du cinéma fantastique (et Jennifer Connelly s'y connaît), l'épreuve imposée et ses embuches symbolisant un éveil à la prise de responsabilités de la part d'une adolescente jusqu'ici rêveuse et colérique.
Sauf que l'esprit consensuel de Lucas fait un peu aboutir le film sur une fin en demi-teinte, le rêve étant partie intégrante, désormais, de la réalité. Le film se mord un peu la queue car la transformation du personnage féminin, l'enseignement qu'elle tire de cette aventure, restent limités.



Le scénario du Monty Python Terry Jones entraîne le film vers quelque chose de déluré et qui n'est pas avare de péripéties (Labyrinth, c'est un peu Ravensburger qui rencontre Lewis Caroll). Le rythme est soutenu, on ne s'ennuie pas. Jennifer Connelly est toujours aussi fascinante et malgré ses apparitions saugrenues, sa perruque de hard-rocker 80's et son pantalon moule-bite, David Bowie reste quand même plutôt charismatique même si on sent qu'il vient surtout encaisser son chèque.
Où est le problème, alors ? Eh bien, le film nécessite un regard dépouillé de tout cynisme... car il s'adresse à notre imaginaire dans ce qu'il a de plus enfantin. Du coup, d'aucuns trouveront les séquences bien con-con, grinceront des dents face à la musique opportuniste de Trevor Jones (avec les chansons de Bowie qui s'intègrent mal à l'histoire et donnent plus l'impression de participer d'une stratégie commerciale qu'autre chose), s'esclafferont face aux marionnettes old-school de Jim Henson et Brian Froud ou seront affligés par certains gags puérils. Il faut reconnaître que l'ensemble est assez bancal et qu'il prolonge par certains aspects le Lucas infantile du Retour du Jedi avec toutes sortes de marionnettes et de séquences calibrées pour plaire aux plus petits.
En ce qui me concerne, j'ai plutôt bien pénétré dans le film et dans sa démarche, mais je pense qu'il faut sans doute avoir à l'esprit, avant de le découvrir, que Labyrinth est un film d'aventures à l'ancienne, familial mais 80's, quoi. C'est-à-dire habile, façonné avec savoir-faire, regorgeant d'idées visuelles et sachant bien les vendre auprès du public. D'une part, on sent l'amour que porte Henson pour son bestiaire, à l'interaction assez impressionnante avec les acteurs en chair et les décors (je regrette cependant que les marionnettes soient dans l'ensemble assez peu réalistes, fassent trop peluches ou plastiques, contrairement à un Yoda dont je finis par oublier qu'il ne vit pas). La mise en scène ne fait donc effet que de manière subtile, via les artifices optiques, les angles, permettant de faire vivre toutes les marionnettes sans que la mise en images en soit étouffée, confinée.
D'autre part, soulignons aussi la somptueuse direction artistique d'Elliott Scott (Indiana Jones et le Temple maudit), qui d'enchevêtrements angulaires en escaliers d'Escher, dessine un univers très imaginatif et stimulant. Le chef op' Alex Thomson (Excalibur, Legend) emballe le tout avec classe. Jennifer rules !