Le Festin nu (David Cronenberg - 1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Cadichon
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Re: Le festin nu

Message par Cadichon »

Il existe un groupe du nom de Mugwump?
Non le groupe à trouver est à la frontière entre jazz/rock, pop jazzy. Il eut son heure de gloire dans les années 70.
Griff Bonnell
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Re: Le festin nu

Message par Griff Bonnell »

Steely Dan.
Du nom du fameux Gode.
(et j'ignore si je l'ai déjà dit, mais suis fan du film de Cronenberg)
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L.Richards
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Cadichon
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Re: Le festin nu

Message par Cadichon »

Et oui Dan Steel qui est devenu Steely Dan.
Joe Wilson
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Re: Le festin nu

Message par Joe Wilson »

Un film énigmatique et certainement difficile à appréhender, choquant et fascinant. Mais Cronenberg parvient à utiliser le matériau de Burroughs avec suffisamment de tact pour garder un équilibre stimulant.
Au final, on obtient une méditation sèche et amère sur l'abandon de soi comme aboutissement ultime du processus de création. L'enveloppe corporelle n'est plus que l'outil d'une recherche incertaine. Peter Weller, grâce à son visage anguleux et son phrasé raide et grave, interprète à merveille William Lee. Il laisse toujours un mystère, un distance, qui gêne et provoque alors que l'on est précisément le témoin de ses troubles et délires. Les seconds rôles, entre Judy Davis, Roy Scheider et Ian Holm, sont aussi impressionnants. Tous offrent une ambiguité qui fait naître une méfiance.
Plastiquement le film est remarquable, dans des dominantes ocre qui expriment une cohérence de décors. L'ensemble est un monde clos, étouffant, dans un aller-retour systématique entre illusions et cauchemars.
Mais au-delà de l'analyse, Naked lunch se révèle être surtout un voyage halluciné, bizarre, parfois agaçant mais toujours audacieux et créatif. La BO d'Ornette Coleman et Howard Shore, par ses cassures et ces stridences, représente le support le plus brillant. Il rend visible un gouffre, une fuite, un traumatisme angoissant. L'obsession des pulsions, du langage, dessine un malaise, et Bill Lee n'est que l'instrument d'un songe vertigineux qui l'épuise et l'assèche. L'oeuvre prend alors une dimension particulièrement sombre.
Dernière modification par Joe Wilson le 1 févr. 09, 23:25, modifié 1 fois.
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bronski
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Message par bronski »

phylute a écrit :
O'Malley a écrit :Bizarrement, j'ai l'impression que j'ai tout faux ... :?

en tout cas, je suis très attentif à vos avis et il me semble alors que c'est bel et bien l'univers du romancier qui m'est, à première vue hermétique...pourtant si j'avais le temps, je m'y serais bien penché car sa réflexion fantasmagorique sur drogue, fantasme et création m'a l'air très intéressante...
Mais il est tout naturell de rester hermétique à ce film de Cronenberg. Ainsi qu'aux romans de William Burroughs dont l'outrance, les excés, la technique du cut-up, peuvent facilement laisser le lecteur sur le bord de la route.
Pour essayer d'appréhender un peu mieux l'oeuvre de Burroughs, et par là même ce film prodigieux, si vous pouvez lire le premier livre de Burroughs: Junkie... C'est un "petit" livre qui se lit vite et aisément, d'un style alors encore classique, à l'opposé de l'outrance et du cut-up dont Burroughs fera preuve par la suite et dont Phylute parle (justement). Certains passages du film deviennent un peu plus clairs.
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Re:

Message par bronski »

Roy Neary a écrit :
O'Malley a écrit :Certes, la photo est belle mais les décors font un peu sitcom (son côté irréaliste et léché)
Tes sitcoms, tu les consomme avec quelle substance ?? Parce que je veux bien en goûter de celle-là ! :D :wink:
Sans aller jusqu'à comparer l'esthétique de Naked Lunch à celle d'une sitcom, je vois ce qu'O'Malley veut dire. Regardez le traitement qu'Oliver Stone fait de l'esthétique sitcom dans Tueurs Nés.
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Flol
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Re: Le festin nu

Message par Flol »

Joe Wilson a écrit :Paul Weller, grâce à son visage anguleux et son phrasé raide et grave
C'est Peter Weller. :)
Joe Wilson a écrit :Les seconds rôles, entre Judy Davis, Roy Scheider et Ian Holm, sont aussi impressionnants.
Sans oublier Julian Sands !...qui, selon moi, est pour une fois bon. Comme quoi, Cronenberg est décidément un immense directeur d'acteurs.
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Re: Le festin nu

Message par Joe Wilson »

Ratatouille a écrit :
Joe Wilson a écrit :Paul Weller, grâce à son visage anguleux et son phrasé raide et grave
C'est Peter Weller. :)
Joe Wilson a écrit :Les seconds rôles, entre Judy Davis, Roy Scheider et Ian Holm, sont aussi impressionnants.
Sans oublier Julian Sands !...qui, selon moi, est pour une fois bon. Comme quoi, Cronenberg est décidément un immense directeur d'acteurs.
J'ai corrigé cette bourde d'inattention.
Sinon oui, j'aurais pu citer tout le casting. L'univers de Cronenberg est ici d'une telle exigence qu'il demande aux acteurs une intensité, un équilibre subtil peu évident à appréhender. Et force est de constater qu'il n'y a pas de fausse note.
En tout cas, le film fait du chemin dans mes souvenirs et un peu comme pour Crash, je retiens une délicatesse, une tristesse qui tiennent surtout à la justesse du regard de Cronenberg : l'excès des situations, la violence du propos sont toujours contrebalancés par une puissance affective très dense. Bref, si l'écrin visuel peut d'abord me rebuter, je suis rapidement emporté par une dimension passionnée qui offre toujours d'énormes possibilités de réflexion.
J'ai aimé, à divers degrés, tous les films que j'ai pu voir de lui jusqu'à présent, et je retiens avant ce goût du risque, du renouvellement. Et c'est une des plus fortes visions de l'humain que je connaisse.
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Demi-Lune
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Re: Le festin nu

Message par Demi-Lune »

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1953. William Lee est un exterminateur qui découvre que sa femme lui dérobe de l’insecticide pour usage récréatif. Lorsqu’il est arrêté par la police, il croit être en réalité victime d’hallucinations causées par son exposition répétée à la poudre à vermine. Il s’imagine être un agent secret, et son supérieur (un insecte géant) lui confie la mission de tuer sa propre femme, Joan Lee, qui est, selon l’insecte, un agent d’une organisation appelée Interzone Inc.

SPOILERS. Plus je revois ce film, plus ma conviction selon laquelle Le Festin nu est un des plus grands films de Cronenberg se renforce. C'est l'un des films les plus difficiles et mal aimables que je connaisse. L'un des plus fous, aussi. Et la radicalité des propositions de ce film explique probablement sans peine que beaucoup n'y trouvent pas leur compte ou même le rejettent en bloc. Sans parler du fait que je demeure toujours autant impressionné par la cohérence thématique continuelle dans l'œuvre du Canadien, qui se module dans le même temps dans un renouvellement constant faisant qu'on n'a que très rarement l'impression de Cronenberg se répète, je suis encore une fois stupéfait par le talent et l'audace de ce réalisateur, qui paume ici complètement son public avec ce film cauchemardesque et labyrinthique, d'un hermétisme rare. Je pense qu'il n'y a pas, en l'occurrence, de mots assez forts, assez subtils, pour caractériser, définir et commenter cette œuvre qui relève de l'expérimentation brute, sorte de tentative vertigineuse de combinaison littéraire et cinématographique sans que l'un ou l'autre art ne prenne le dessus sur l'autre. Boileau disait que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ; Le Festin nu défiant sciemment toute rationalité, je ne suis pas surpris d'avoir tant de peine à mettre des mots raisonnés et structurants sur une expérience échappant précisément à toute convention logique et rigoureuse. Essayons tout de même.

Le Festin nu est un film parfaitement surréaliste, dans les multiples acceptions du terme. Surréaliste car le cinéaste enchaîne les visions sorties d'un imaginaire halluciné, où la symbolique sexuelle, omniprésente, prend forme dans les supports les plus invraisemblables, dans le même temps qu'elle joue avec un bestiaire dément. Surréaliste car comme en témoigne la structure et le propos de l'intrigue, ainsi que l'affiche magrittienne du film, Le Festin nu descend directement du surréalisme. En effet, à la manière de l'écriture spontanée d'André Breton, ce que raconte le film ne suit aucune logique véritable, c'est un enchaînement d'écriture résultant d'un "automatisme psychique pur", suivant le fonctionnement embrumé de la pensée de l'écrivain William Lee, et se désintéressant totalement du lissage déformant de la raison. Ainsi, tout le film devient une immense réflexion/mise en abyme sur le travail de rédaction et plus encore sur l'acte créatif pur, accouché de manière brute de l'intellect du créateur, et qui n'offre donc a priori que peu de possibilités d'emprise pour un regard extérieur. Le surréalisme croyant en la toute-puissance du rêve, c'est donc à un labyrinthe onirique - les méandres de la psyché du créateur - que nous avons affaire ; les décors de Carol Spier, recréant un fantastique Tanger de studio, accentuent cette dimension par un enchevêtrement insoluble d'allées et de passages angulaires, confinés dans une sorte d'étouffement claustrophobe et inextricable. Dans cette démarche, les scènes existent pour elles-mêmes, se recroquevillent sur elles-mêmes, sans impératif rationalisant. Et on suit, stupéfait, ces diverses trouées totalement folles, où les scarabées parlent avec leur anus, où les machines à écrire vaginales ont des érections, où les corps visqueux des Mugwumps sont maltraités pour en tirer une précieuse semence :shock:

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Mais les choses ne sont pas aussi simples, et c'est ce qui rend le film si riche. Car comme je le disais, Le Festin nu n'est pas tant de la littérature filmée (en l'occurrence surréaliste) qu'une véritable entreprise symbiotique entre la littérature et le cinéma - et pas n'importe quel cinéma : le cinéma de David Cronenberg. En combinant à la fois l'adaptation ponctuelle de l'œuvre de Burroughs et la propre vie de l'écrivain, Cronenberg brouille les pistes, joue sur de multiples tableaux à la fois : expérience surréaliste, portrait détourné de l'écrivain, réflexion sur l'imagination littéraire, confusion entre les frontières réelles et imaginaires. Il y a donc dans ce "package" un vrai travail rédactionnel de la part de Cronenberg, scénariste, qui vient tempérer l'identification "surréaliste" qu'on pourrait faire à propos du Festin nu. Si le film tend à s'approcher de l'écriture spontanée de Breton, il n'en est pas moins pensé, réfléchi en amont. Il y a une vraie architecture qui rend justement possible l'imbrication de toutes ces facettes. C'est un préalable scénaristique qui peut donc rentrer en contradiction avec le surréalisme tel qu'il a été défini. En fait, tout le film de Cronenberg évolue dans cette contradiction, dans cette dualité. Une dualité entre le travail de littérature et le travail de cinéma. Une dualité entre la part rationalisante du personnage de William Lee et celle, totalement défoncée, du même personnage, qui ne s'étonne en rien d'être témoin de ces choses complètement folles. Une dualité musicale, entre d'une part le fond sonore symphonique de Howard Shore, réglé, auquel vient se superposer les improvisations du saxophone strident et spontané, là encore, d'Ornette Coleman. Une dualité entre le réel vécu et l'hallucination d'un assassin shooté en état second qui s'enfonce irréversiblement dans son addiction. De cette dualité naît un parfait équilibre.

Et à cet équilibre, Cronenberg greffe ses obsessions récurrentes. Obsessions sur le corps, malmené, corrompu par les ravages physiques et psychologiques de la drogue. Obsessions sur la sexualité, qu'elle soit ambivalente ou montrée comme entièrement partie intégrante de notre environnement. Obsessions fantastiques, organiques, viscérales, qui s'entrecroisent dans un univers totalement déstabilisant et inquiétant. Le Festin nu baigne dans un malaise total, qui tire sa force de cette imbrication entre le propos qui donne peu de clés, et l'inconfortable imagination visuelle de Cronenberg. C'est peut-être le film qui rend le mieux compte de cette perte de soi, de cette dilution progressive entre le réel et l'irréel (à l'image de cette scène incroyable où la voix de Ian Holm se détache du personnage), sans repères nettement définis. Ce qui fait que j'y ressens un sentiment extrêmement dérangeant, aux confins de l'horreur, que n'annule pas les pointes d'humour noir qui parsèment le film. L'étrangeté contamine le film aussi sûrement que Lee se contamine par la poudre à insectes, et de cette étrangeté malsaine, sans cesse imprévisible, éclot un effroi particulièrement tenace, résistant longtemps à la vision du film.

Le Festin nu est un film unique, à la fois repoussant et obsédant. Un casse-tête où même les acteurs semblent déphasés. Un véritable OVNI où Cronenberg ne concède à nouveau rien et délivre un film-monde entre grotesque et cauchemar. Un chef-d'oeuvre d'abysse et d'inconfort, qui s'apprivoise peu à peu.
Dernière modification par Demi-Lune le 18 févr. 11, 17:04, modifié 2 fois.
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Re: Le festin nu

Message par ballantrae »

Chapeau bas, Demi lune , pour cette brillante analyse qui me rappelle ma découverte du film lors de sa sortie en 1992. Impression de vertige, de malaise physique devant cet accouchement à la création du héros dans un monde où les degrés de factice n'empêchent pas des visions profondément organiques...et certitude de voir un grand film peu aimable mais vraiment admirable!
J'ai essayé de lire Burroughs mais c'est assez douloureux tant son inventivité emprunte des chemins jusqu'auboutistes...sur des sujets voisins, Michaux est plus "facile" à aborder.
Le chef d'oeuvre sur l'essence de l'addiction, rien de moins.
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Demi-Lune
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Re: Le festin nu

Message par Demi-Lune »

ballantrae a écrit :Chapeau bas, Demi lune , pour cette brillante analyse
Merci ! C'est d'autant plus gratifiant qu'il est très, très malaisé de parler de ce film.
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Re: Le festin nu

Message par gnome »

ballantrae a écrit :J'ai essayé de lire Burroughs mais c'est assez douloureux tant son inventivité emprunte des chemins jusqu'auboutistes...
Pas encore réussi à finir le livre non plus... Pourtant je m'y étais préparé...
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Flol
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Re: Le festin nu

Message par Flol »

Le bouquin est fascinant, tout comme le film d'ailleurs.
Burroughs est totalement inadaptable, mais Cronenberg s'en est tiré avec brio, tout en parvenant à y injecter ses propres obsessions. Chapeau bas.
D'ailleurs, il fut un temps, c'était un film que j'adorais regarder par morceaux à une certaine heure de la journée (ou plutôt de la nuit), je le trouve vraiment hypnotisant, j'ai à chaque fois l'impression de vivre un rêve/cauchemar éveillé. Et puis quelle musique démentielle de Shore...:o
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Demi-Lune
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Re: Le festin nu (David Cronenberg, 2001)

Message par Demi-Lune »

Il y a une erreur dans le titre du topic : ce n'est pas 2001, mais 1991. :wink:
Jericho
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Re: Le festin nu (David Cronenberg, 2001)

Message par Jericho »

Le pire (télé)film de Cronenberg à mon sens.
D'ailleurs, la narration était tellement rébarbative et redondante que je me demande si je suis allé au bout du machin. Je ne m'en souviens plus...
Surtout qu'en terme de mise en scène c'est excessivement faiblard, ça aide pas à plonger dans ses délires.
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