J'ai cherché un certain topic fait par Mannhunter....En vain.
Bon, je le crée donc avec plaisir.

J'en avais déjà parlé
brièvement ici mais quand on aime, on compte pas, hein...
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Un jeune écrivain américain se voit entraîné dans le sillage d'un tueur en série s'attaquant à toutes les jeunes femmes de la ville....
Pour un premier essai, c'est un coup de maître. Le réalisateur propose ici un Giallo fait main doté d'une histoire ingénieuse à tous points de vue tant dans ses cadrages (cf, les plans symétriques en champ/contrechamp dans l'escalier en capture d'écran plus bas), ses scènes déjà anthologiques (on sent que Dario a le sens du spectacle) qui se ramassent à la pelle (j'aime assez le "rasage façon ascensceur" personnellement.

...D'ailleurs la scène en question est vue à travers les yeux de la victime et je ne sais si c'est moi mais j'ai l'impression que la vitesse de défilement des images et à ce stade ralentie comme si --sans trop faire de spoilers-- le champ de vision de la victime mourait lentement, affectant ses sensations) et le scénario qui se permet déjà de bien bonnes idées que le réalisateur réutilisera pour notre bonheur dans ces films à venir. Par exemple, la psychanalyse sur laquelle Argento construit judicieusement ses personnages d'assassin, héros ou victimes et la question du traumatisme (ou
Trauma pour faire écho à un autre de ses films

) qui remonte à la surface, déclenchant souvent (mais pas toujous) une certaine pulsion de meurtre, de malaise et de mort dans tous les cas et dont le réalisateur se sert à la fois d'indice dans l'enquête tant pour le héros que le spectateur.
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- Une certaine chansonnette dans Profondo rosso, voire un dessin par exemple. Ici un certain tableau (cf photos plus loin).
Et c'est sur ce jeu de l'indice caché ou découvert qu' Argento joue intelligemment sur le suspens (et le pauvre spectateur

). Par exemple, notre écrivain se rappelle avoir vu quelque chose d'étrange qui le hantera pendant quasiment tout le film, jusqu'a ce qu'il comprenne et que le film démarre dans une nouvelle direction, emportant notre surprise. Ici un souvenir fugace comme un étrange rêve de deux personnes luttant dans une galerie d'Art contemporain, dans un autre film, un tableau entraperçu brièvement, clé centrale au final du meurtre d'une jeune medium ("Profondo Rosso"). Ce sera encore un indice apparement maigre et presque indécelable à l'écoute (un bruit étrange sur une bande magnétique provenant d'une conversation enregistrée par le commissaire entre le héros et l'assassin) qui donnera une nouvelle direction.
Enfin, il y a le fait que nous verrons à de nombreuses reprises le point de vue subjectif de l'assassin (tout comme dans ses films suivants) et tout est fait clairement pour qu'on le sache et qu'on s'identifie en plus du héros à l'assassin lui-même que l'on "verra" pratiquement dès le début du film (et ce pour mieux nous désorienter mais aussi pour garder le rythme et relancer continuellement le suspens). D'abord un code de reconnaissance de celui-ci : c'est quelqu'un qui aime le cuir (c'est d'ailleurs le seul à porter des gants noirs en cuir de tout le film.

). On aime beaucoup le cuir chez Argento d'ailleurs mais là tout est posé pour qu'on sache ce qu'est l'assassin sans savoir à quoi il ressemble exactement. Juste une silhouette noire comme les ténèbres. Ensuite, le réalisateur établit un lien entre les futures victimes et la vision de l'assassin. Une jeune fille photographiée dès le début se retrouve ensuite en cliché noir et blanc sur le bureau du meurtrier. A partir de là on comprend que l'on aura affaire à la vue subjective de l'assassin à plusieurs reprises, comme si dans le film, comme dans d'autres films du réalisateur,
le regard pouvait tuer. Et inversement, on peut tuer le regard ("Opéra" et sa méthode de supplice près des yeux....brrr...). Plus loin, une paire de jumelle fournira au montage un lien entre le champ de vision du tueur, la victime et l'appareil photo...
L'appareil photo, yeux secondaires du tueur.
Et si l'assassin photographie ses victimes à loisir (en prenant leurs photos on pourrait même penser qu'elles sont déjà mortes à l'avance, comme si il emprisonnait leurs âmes mais peut-être que je m'avance trop...), on peut en penser qu'il a déjà tout prévu ou presque : chaque meurtre est l'occasion d'un rituel qui se poursuivra dans d'autres films d'Argento, comme si tout restait dans une certaine continuité chronologique. Par exemple, ici on ne verra jamais l'assassin mettre ses gants (dans "Profondo Rosso" si), il est déjà habillé, prêt à commettre ses meurtres. Hésite sur l'arme à utiliser (il a l'embarras du choix parmi tous ses couteaux mais bon...

) dans une logique qui relève tant du sadisme que de la maniaquerie. L'assassin fait durer le plaisir. Jouissance de l'instant avant le passage à l'acte.
La violence est plus suggérée(*) que réellement montrée dans ce premier film (on a pas le palpitant transpercé à la sauce Suspiria, si vous voyez ce que je veux dire

) mais le peu vu rappelle que chaque coup donné fait mal et que la victime souffre atrocement. Quand à la musique, cette première collaboration avec Morricone se révèle des plus intéressantes notamment par le motif fredonné par des voix (enfantines ?), accentuant volontairement le malaise ou l'ambiance du film. Au final, un premier film attachant, complexe, palpitant, une enquête policière horrifique excellament bien menée.
(*)
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Pas de trace des coups sur le corps, pas de blessure sanguignolante montrée mais l'effet de gerbes de sang reste non seulement des plus efficaces et beau aussi d'une certaine manière.
4,5/6