William Wyler (1902-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Demi-Lune
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Demi-Lune »

La Rumeur (1961)
J'ai trouvé ce film superbe... paradoxalement, j'ai trouvé qu'à l'instar de Lolita de Kubrick, la censure planante comme une épée de Damoclès obligeait le film à redoubler de prudence et à manier une finesse permanente se traduisant, au final, par un équilibre judicieux entre l'émotion et la force du double propos (les désastres causés par une rumeur et, en circulaire, "l'amour coupable" de MacLaine pour Hepburn). Alors, on peut regretter ces espèces de tabous frileux, mais pour ma part, je pense que le film tire justement sa force de cette pudicité, qu'elle soit contrainte ou non. En résulte un film très fort (la scène d'aveu de MacLaine est particulièrement intense, tout comme la dernière demi-heure), audacieux, émouvant, s'enfonçant peu à peu dans une impasse déchirante pour les deux superbes personnages féminins, finement écrits et superbement campés. Si le script a pu être lissé, au final Wyler ne concède rien et achève son film dans un désespoir total duquel n'émerge que timidement le sourire apaisé de Hepburn, en route vers un nouveau départ. Sensible et intelligent, à mon sens un très très grand film, mémorable (les plus beaux rôles de Hepburn et MacLaine ?). Bémol : une interprétation pour le moins agaçante de la part de cette insupportable fillette que j'ai eu envie de baffer tout du long (ce qui montre peut-être, finalement, que sa prestation était réussie).
someone1600
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par someone1600 »

Entièrement d'accord avec toi. Personnellement j'aime beaucoup ce film de Wyler. :wink:
Federico
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Federico »

Un film courageux, remarquablement filmé avec la Wyler touch* et qui distille un profond malaise comme le cinéma américain a souvent su le faire à propos de thèmes délicats et/ou déclencheurs d'hypocrisie. Ça me fait mal de l'avouer car j'adore cette comédienne mais c'est la première fois que je n'ai pas été totalement convaincu par l'interprétation de Shirley MacLaine. Le plus bête, c'est que je serais incapable d'expliquer pourquoi ou alors en invoquant des détails annexes et tout aussi insuffisants pour me justifier (comme sa coiffure et ses vêtements). Malgré cela, la bouleversante séquence où on suit Audrey Hepburn marchant dehors puis revenant à la maison pour découvrir la porte de son amie bouclée (et la suite) m'a noué l'estomac dans un étau (alors même que j'avais compris ce qui allait se passer une minute avant). Demi-Lune a raison de trouver la gamine abominable mais elle est extraordinaire dans son genre, véritable mini-monstre aussi terrifiante que les gamins du Village des damnés. Hepburn et Garner sont parfaits** ainsi que Myriam Hopkins en parente-parasite légèrement à l'ouest mais j'ai été encore plus épaté par la composition de Fay Bainter qui interprète la riche grand-mère de la sale gosse. Un rôle ingrat et complexe qu'elle tient avec une classe fabuleuse digne des plus grandes tragédiennes. La fin est superbe avec Hepburn traduisant par sa démarche fière tout le mépris que lui inspire l'assemblée des "braves gens". Un cinéaste plus accommodant des standards familiaux/commerciaux aurait conclu par un kiss and cry dans les bras rassurants de Garner.

(*) Plans très larges avec grande profondeur de champ, légères contre-plongées... Il m'a même semblé voir utilisée cette astuce qui permet d'obtenir une netteté parfaite au tout premier plan comme au fond de l'image (elle a été abordée dans un topic mais je ne la retrouve pas) lorsque la petite garce observe en cachette une discussion entre les "grandes personnes".

(**) A deux reprises, Wyler les emmène dans un très subtil jeu de détournement de visages, lorsqu'ils s'embrassent sur le perron puis lorsque Garner jette sa cigarette dans la cheminée.
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Nestor Almendros
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Nestor Almendros »

LA RUMEUR (1961) - Arte

SPOILERS
C'est la saison des révisions: belle redécouverte hier soir de ce drame adapté du théâtre par un Wyler subtil et délicat. Certaines choses ont un peu vieilli, comme certains personnages ou des choix de plans ou de montage très explicatifs (explicites), mais je prends ces défauts comme inhérents à la retenue de l'époque vis à vis de la sexualité et à un souci de compréhension pour le grand public. De toutes façons, ce projet m'a paru très audacieux (nous sommes en 1961) par le traitement frontal d'un sujet alors tabou. Je trouve d'ailleurs très courageux à Shirley MacLaine d'avoir incarné et défendu ce personnage: malgré une carrière à l'ascension certaine, en jouant une homosexuelle elle risquait l'amalgame ou le rejet d'un certain public, plus conservateur. Moins concernée, son rôle étant moins sulfureux, Audrey Hepburn dont la carrière était déjà bien installée, participe quand même à la défense des libertés pronées par le film. Elle retrouve d'ailleurs le réalisateur qui l'avait dévoilée au monde entier en 1953 (pour VACANCES ROMAINES).

Le sujet de la pièce aborde assez judicieusement les défauts d'une société rongée par la norme, incapable d'accepter les différences, se complaisant dans le rejet de l'autre et surtout dans la réaction primaire où il retrouve en quelque sorte un instinct animal (loin du "prestige" de la civilisation). C'est d'abord la rumeur qui illustre ce thème: pointant du doigt une différence qu'elle refuse, la communauté qui lie les hommes des valeurs universelles, dont certaines - respect, tolérance - sont vite oubliées, se braque immédiatement, envahie par une sorte de peur qui refuse l'écoute ou l'explication. Le film appuie là où ça fait mal en utilisant l'homosexualité, sujet ultrasensible (d'autant plus que cela se passe dans une école) qui met le feu aux poudres de façon quasi instantanée et qui, par son caractère tabou, de "péché", stigmatise les sentiments et les réactions. Outrée dans un petit confort bourgeois, cette communauté soi-disant bien-pensante s'interdit d'en parler directement aux intéressés, préférant l'abandon ou la destitution à la diplomatie. L'utilisation de la rumeur, du ragot, comme outil de rejet est d'autant plus fort que les faits ne sont pas avérés et que le spectateur est le triste témoin d'une injustice (fortement appuyée par cette gamine tête à claque au possible, mais un excellent choix de casting). Ainsi, le scénario offre plus scènes très réussies (notamment celles dans le salon de la grand-mère) qui compensent aisément d'autres scènes plus faibles.

Premier temps: propagation d'un bruit néfaste. Deuxième temps (ellipsé): procès officiel qui expose au public et au grand jour, une intimité. Troisième temps: un retour à la normale, ou presque. Evidemment, comme dans tout film Holywoodien, l'injustice devait être réparée. Mais l'habileté du scénario montre qu'il n'en est rien. Certes, la famille de la gamine va rembourser les frais de justice, du préjudice, etc. Mais le mal est fait. Ainsi s'expose la cruauté d'une société dont les pressions culturelles et psychologiques peuvent détruire. Le jugement sera réévalué, les excuses seront publiques, mais tout le pays (qui s'est certainement abreuvé de ce déballage croustillant) continuera à croire en son for intérieur que ses premières impressions étaient les bonnes. Jamais les deux héroïnes ne pourront de nouveau vivre normalement: le fiancé d'Hepburn (James Garner) a fini par succomber aux bas instincts, comme les autres. Ils se sont séparés. Martha (Shirley Mac Laine) comprend que sa vie ne pourra jamais s'épanouir et va jusqu'à l'acte fatal. Par cette mort, le film nous accuse, nous citoyens qui laissons faire ces choses alors que nous avons les clés en main pour un changement de comportement. Mais c'est un vaste chantier qui, s'il a montré des avancées en occident cinquante ans plus tard, a encore beaucoup de chemin à faire (et encore plus dans d'autres parties du globe).

EDIT: Tout à fait d'accord avec Federico sur la performance de Fay Bainter (et bel avis, d'ailleurs) :wink:
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Père Jules
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Père Jules »

Federico a écrit :
(*) Plans très larges avec grande profondeur de champ, légères contre-plongées... Il m'a même semblé voir utilisée cette astuce qui permet d'obtenir une netteté parfaite au tout premier plan comme au fond de l'image (elle a été abordée dans un topic mais je ne la retrouve pas) lorsque la petite garce observe en cachette une discussion entre les "grandes personnes".
Je pense que tu fais référence à la "profondeur de champ baroque" largement utilisé par Orson Welles dans Citizen Kane par exemple.
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Ann Harding
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Ann Harding »

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Hell's Heroes (Les héros de l'enfer, 1930) de William Wyler avec Charles Bickford, Raymond Hatton et Fred Kohler

Trois hors-la-loi, qui viennent d'attaquer une banque, s'enfuient dans le désert. Durant une tempête de sable, leurs chevaux s'échappent. Chemin faisant, ils trouvent une femme enceinte dans un chariot abandonné...

Ce très intéressant western de Wyler est la toute première version du roman de Peter B. Kyne, Three Godfathers, qui sera à nouveau porté à l'écran par Richard Boleslawski en 1936 et par John Ford en 1948. C'est aussi le premier film totalement parlant de Wyler. Avec une distribution de vieux routiers du muet comme Fred Kohler et Raymond Hatton qui furent des spécialistes des rôles de méchants, Wyler offre un film dépourvu de glamour, mais qui sent la poussière et la sueur. Charles Bickford, lui, vient de commencer sa carrière au cinéma parlant après des années de théâtre. Il deviendra aussi un acteur de second plan que l'on retrouve dans de multiples westerns. Donc, il n'y aucune star au générique de ce western adapté par C. Gardner Sullivan, un grand spécialiste du genre qui a travaillé durant des années avec William S. Hart. Son adaptation (avec Tom Reed) est nettement plus sèche que celle des scénaristes de Ford. ici, il n'y a pas de scènes comiques pour introduire les hors-la-loi. Et on n'essaie à aucun moment de les rendre sympathiques. Ces trois brutes avec leur quatrième complice exécutent même le caissier de la banque de sang-froid. Quant à la découverte du chariot, loin de provoquer une brusque montée de foi et de générosité, elle n'engendre d'abord qu'un désir de possession de cette femme abandonnée en plein désert. Réalisant qu'elle va accoucher, l'un d'eux est obligé de se dévouer pour l'aider, mais presque à contre-coeur. Devenus parrains malgré eux, les disputes continuent. Dépourvus d'eau, ils songent même à se partager le lait en boîte au lieu de nourrir l'enfant. Ils vont finalement se dévouer pour sauver cet enfant, comme si ils ne pouvaient pas faire autrement. Bickford poussera l'abnégation jusqu'à boire de l'eau empoisonnée pour réussir à atteindre la ville voisine et sauver ainsi le bébé. La fin est totalement dépourvue de sentimentalisme : il tombe mort à l'arrivée et on lui enlève l'enfant des bras. Au début du cinéma parlant, la censure est moins dure et on peut plus facilement montrer un méchant sans chercher à lui donner des excuses diverses. En 1948, il faut trouver des faux-fuyants pour que les personnages soient acceptés. On insiste lourdement sur l'aspect biblique avec l'arrivée de l'âne et on termine le film sur un happy-end hyper-sentimental qui n'est guère convaincant. J'ai été plus convaincue par le trio de brigands de Wyler que par celui -édulcoré- de Ford. Quant à l'aspect visuel du film, on est entièrement en décors naturels et la caméra n'est absolument pas statique. C'est certainement un des meilleurs films de 1930 que j'ai pu voir. Les dialogues ne sont pas emphatiques, mais naturels. Avec une durée de 69 min et sans une once de gras, le film est une vraie réussite parmi les premiers westerns parlants. Il est disponible dans la collection Warner Archive .
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par someone1600 »

Tiens j'ignorais qu'il y avait eu d'autres adaptations avant Three Godfathers... :?
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Profondo Rosso
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Profondo Rosso »

Un Amour désespéré (1952)

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Georges Hurstwood est un chef de famille respectable qui gagne très confortablement sa vie. Mais il abandonne tout pour vivre un amour désespéré...

Carrie semble né d'un des grands succès de la Paramount de l'année précédente, Une Place au soleil de George Stevens. Ce dernier était adapté du roman Une Tragédie Américaine de Théodore Dreiser où étaient magnifiquement retranscrit les grands thèmes de l'auteur sur les inégalités sociales, l'ambition et les personnages tragiques brisés par le destin. Premier livre plus méconnu de Dreiser, Sister Carrie se voyait donc à son tour transposé sur grand écran certainement grâce à la réussite artistique et au plébiscite public comme critique du film de Stevens.

Si dans Une Place au Soleil le sort s'acharnait sur le jeune ambitieux incarné par Montgomery Clift, il brisera cette fois les espoirs de l'homme mûr et rangé magnifiquement interprété par Laurence Olivier. Tombé amoureux de Carrie (Jennifer Jones) jeune femme fraîchement installée à Chicago, les obstacles s'accumulent pour empêcher leurs union. Hormis une Miriam Hopkins détestable en épouse acariâtre soucieuse des apparences, il n'y a pas de réel méchant dans Carrie. C'est tout simplement le poids moral d'une société pas prête accepter qu'un homme souhaite tout recommencer par amour, qu'une jeune femme s'abîme par nécessité qui se pose en inquisition. L'aspect concernant Jennifer Jones est remarquablement traité par Wyler, tout en subtilité pour contourner la censure. Lorsque à la rue et sans emploi elle est contrainte de vivre chez Eddie Albert, une transition de plusieurs semaine la fait passer en un plan de la naïve provinciale à la fille perdue par un simple dialogue anodin avec une fillette et un changement de coiffure. Le chignon et le chapeau strict laissant place à des cheveux tombant pour signale ainsi sa perte d'innocence avant que la situation ne nous le dévoile de manière effective.

C'est pourtant la lente et terrible déchéance sociale de Laurence Olivier qui émeut le plus. Olivier avait déjà collaboré avec Wyler sur Les Hauts de Hurlevent pour ses débuts Hollywoodiens et le réalisateur avait eu toute les peines du monde a lui faire perdre ses tics de théâtre mais Olivier lui en fut par la suite reconnaissant. En toute confiance il délivre donc là une de ses plus poignantes prestations avec cet homme ranimé par une fièvre amoureuse qu'il pensait éteinte et qui va tout risquer pour l'entretenir. C'est compter sans une terrible malchance et des choix malheureux, la fougue romantique des premiers instants s'estompant progressivement pour ne plus laisser qu'un quotidien morne et sans issue. Maître de la transformation, Olivier fait passer cet homme dans la force de l'âge à véritable épave au termes de multiples coups dur et les dernières minutes du film le mettant plus bas que terre sont vraiment dures à suivre. Jennifer Jones apporte également de belles nuances à ce type de personnages qu'elle connaît bien en croisant fragilité et détermination et est à la hauteur de l'intensité d'Olivier notamment lors d'un terrible échange plein de rancoeur après une fausse couche ou des retrouvailles finales douloureuse.

Un magnifique drame superbement filmé par Wyler (ce mouvement de grue terrible en plongée sur l'hospice à la fin) et porté par une reconstitution somptueuse. 5/6
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Akrocine »

Le cinéma Bel Air de Mulhouse la ville natale du réalisateur 8) 8) va passer La Rumeur et Comment Voler un Million de Dollars!
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par bruce randylan »

Vu récemment Mrs Miniver (1942)

Pas vraiment convaincu par ce film qui a subi les poids des années avec un scénario on ne peut plus artificiel dans sa famille connaissant les premières heures de la guerre avec courage et patriotisme. Difficile de s'identifier aux personnages dans une histoire empesée aux nombreuses longueurs. L'histoire semble mettre 90 minutes à démarrer et les 135 minutes ne ressentent donc à de nombreuses reprises. Sans oublier les monologues insistants, les bons sentiments et l'interprétation pas toujours subtile...

En revanche je trouve que 50 ans de cinéma américain est injustement sévère avec la réalisation de Wyler qui n'est pas si morne que ça. Quelques passages sont admirablement bien découpé ou cadré comme le passage avec le soldat allemand à la réalisation tendu du fil à plomb.
Mais au final, ça a été un visionnage bien tristounet. :(
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par cinephage »

:?
J'aime beaucoup ce film... J'en garde encore quelques excellents souvenirs, alors que je l'ai vu il y a plus de 10 ans.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par bruce randylan »

Attends encore une dizaine d'années avant de le revoir alors... ou deux... :mrgreen:
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Cathy
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Cathy »

J'ai beaucoup aimé Mrs Minniver, certes le rythme est lent, mais justement j'aime bien ces histoires qui prennent le temps de s'installer ou on apprend à connaître les personnages. Par contre, je n'avais pas aimé la suite qui était un mélo type et semblait oublier qu'il y avait eu un premier épisode avec une présentation de personnages qui disparaissaient ou vieillissaient sans raison dans le film !
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Profondo Rosso
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Profondo Rosso »

L'Insoumise (1938)

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Sud des Etats-Unis, XIXe. Fâchée avec Pres, son fiancé, Julie profite de l'Olympic Ball, un important évènement social, pour projeter de l'humilier alors que leur mariage doit y être officiellement annoncé. Les femmes célibataires doivent y apparaître en blanc, elle viendra en rouge. Les fiançailles sont rompues. Trois ans plus tard, Pres revient dans la plantation, accompagné de sa femme Amy.

Un film racontant les amours tumultueuses d'une jeune fille capricieuse et arrogante issue de l'aristocratie sudiste de l'avant-guerre de Sécession, cela rappelle forcément quelque chose... Adapté d'une pièce sans succès du début des années 30, Jezebel est effectivement pour la Warner l'occasion de surfer le phénomène pour l'instant encore littéraire suscité par Autant en emporte le vent. C'est également pour Bette Davis la possibilité d'incarner "sa" Scarlett puisqu'elle fera partie des candidates éconduite par un O Selznick désireux d'imposer une actrice peu connue dans le rôle pour le plus grand bonheur de Vivien Leigh. Si la comparaison entre Jezebel et Gone with the wind est inévitable et qu'ils entretiennent (sorti de l'argument romanesque) de nombreux points communs thématiques (tout le passage de flambeau entre la tradition du vieux Sud et les mutations à venir qui entraîneront la Guerre de Sécession) ce sont deux œuvres bien différentes. Gone with the wind est un film total, baroque, outrancier et démesuré à tout point de vue quand le film de Wyler est plus ouvertement sobre et intimiste. Il est en quelque sorte ce que sera Ruby Gentry à Duel au soleil pour rester dans autre un titre jumeaux à une production Selznick.

On reconnaît la subtilité de Wyler qui éclaire d'un jour tour à tout positif comme négatif les comportements de ses personnages. Bette Davis est fait ainsi figure de rebelle dans ce Sud engoncé dans la tradition, mais son acte le plus osé (mettre une robe rouge au bal alors que le blanc est de mise pour les jeunes filles) est dicté par une vanité qui lui fera perdre son fiancé. Ce dernier joué par Henry Fonda est un homme du futur, conscient des changements à venir et souhaitant moderniser le visage de son pays. Cela ne l'empêchera pas d'avoir une attitude masculine rétrograde (l'entrevue où emmène une canne pour corriger Julie même si on sait bien qu'il ne s'en servira pas) lors des velléités d'indépendance de sa fiancée.

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Toute la dimension politique du sujet n'est d'ailleurs pas appuyée par Wyler (la censure des salles du Sud coupant sans vergogne ce qui leur déplaisaient dans les films évoquant leur Etat) qui l'exprime constamment à travers ses personnages, des situations faussement anodines (Henry Fonda qui propose un verre au domestique noir Oncle Cato, ce dernier refusant gentiment pour ne pas froisser l'assistance) ou des idées visuelles fabuleuses (la salle de bal qui isole Bette Davis et sa robe roge la laissant danser seule avec Fonda). Ainsi les rivaux amoureux que sont Henry Fonda et George Brent représentent aussi les deux courants du Sud, ségrégationniste et refermé sur lui-même pour Brent, ouvert sur l'avenir et aux nouveaux courant d'idées avec Fonda (qui durant un dialogue cite Voltaire à Brent qui n'y comprend rien). Pourtant à nouveau point de manichéisme lorsqu'on voit la réaction bien plus intelligente de Brent lors de l'épisode de la robe, et également le fait qu'il semble conscient d'être manipulé par Julie pour attiser la jalousie de Fonda.

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Bette Davis est époustouflante comme toujours, passant de la candeur la plus sincère à un cruel égoïsme. Manifestant son amour par une volonté de domination et de soumission de l'autre, elle apprendra après bien des déconvenues à l'exprimer d'une manière désintéressée lors d'un touchant final sacrificiel. Narrativement Wyler s'appuie sur la photo d’Ernest Haller dont l'éclairage immaculé idéalise cette société Sudiste avant que des nuances plus sombres viennent imperceptiblement montrer les travers de ce monde et de ses personnages (Davis passant de la fraîcheur juvénile lors des gros plans à une aura presque maléfique). Les décors de demeures luxueuses et imposantes glissent peu à peu vers les chambres sombres, les marécages menaçant et l'opulence de la Nouvelle Orléans (ce travelling d'ouverture sur le marché foisonnant) bascule dans une ville nocturne inquiétante rongée par la fièvre jaune. La reconstitution est splendide (même si on atteindra encore une autre dimension dans la magnificence avec Gone with the wind qui sort l'année suivante) et le récit surprend par sa noirceur et la manière étonnante avec laquelle il esquive la tentation de la grandiloquence avec cette conclusion où l'héroïne atteint au milieu du chaos une forme de sérénité. Un superbe film qui vaudra à Bette Davis son second Oscar. 5/6
Dernière modification par Profondo Rosso le 1 nov. 11, 18:08, modifié 1 fois.
Anorya
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Re: William Wyler (1902-1981)

Message par Anorya »

Vacances Romaines (Wyler - 1953).

Une jeune princesse (Audrey Hepburn) qui s'ennuie de ses devoirs royaux décide un soir de s'enfuir du palais où elle réside afin d'explorer la ville de Rome. Elle finit par échouer, tout à fait par inadvertance, entre les bras de Joe Bradley (Gregory Peck), un journaliste un brin cynique...
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Si je ne connais pas le cinéma de Wyler, j'apprécie énormément le charme d'Audrey Hepbrun, son petit minois, ses sourcils qui mettent en valeur l'élegance et la joie de son visage. Alors pourquoi ne pas découvrir le premier par le biais du second ? Et c'est en trépignant que j'ai lancé le DVD de Roman Holidays. :)

Gregory Peck disait avoir insisté (cf notes du petit livre Taschen dédié à l'actrice) pour qu'elle partage l'affiche avec lui et c'est vrai que son talent est plus que visible à l'écran. Si ce n'est pas son premier rôle, c'est celui qui lui ouvre les portes de la notoriété, en cela aidé par un oscar à la clé. Il est vrai qu'au visionnage, le talent d'Hepburn ne peut que se révéler, bien aidé en soi par la mise en scène de Wyler qui réserve de nombreux plans dédiés au visage de l'actrice et accentue l'idée de petits détails sensibles qui font tout le charme du récit. Par exemple, à un moment, notre princesse décide de changer de look et va chez un coiffeur italien. Ce dernier, d'abord réticent à lui couper les cheveux façon "garçonne", finit par s'y laisser prendre et finit par lui demander un rendez-vous au moment de payer. Notre princesse est alors bien surprise : c'est sans doute la première fois qu'elle se fait ouvertement draguer, chose qui ne doit pas être courant dans sa vie bien chargée (voire programmée) d'héritière royale. Avec délicatesse, Wyler filme alors une palette d'émotions qui se lisent en gros plans chez l'actrice (seconde capture). D'abord la surprise, puis l'étonnement, enfin le sourire. Rien qu'en quelques secondes, Hepburn démontre une espèce de grâce qui n'a jamais quitté sa carrière mais qui ici, se montre plus que perceptible.

La force du film c'est aussi d'entretenir et respecter les codes induits par les statuts des personnages. La princesse Anya est de sang royal, Joe Bradley est un modeste journaliste, un homme du peuple qui en a vu d'autres. Or la rencontre des deux fait lentement naître une question : Les personnages arriveront-ils à tenir leur mensonge (elle dit arriver d'un pensionnat privé, il dit appartenir à un conglomérat de vente de produits chimiques :mrgreen: ) jusqu'au bout ? C'est ce que sous-tend le film en en faisant même l'enjeu de scènes fortes et mémorables. Par exemple la statue de la vérité. Il s'agit en fait d'un visage creusé dans la pierre où Joe évoque le fait que tout menteur qui passe la main dans le trou que forme la bouche, se voit happé et ne peut plus se dégager. Etonnant moment suspendu où nos deux protagonistes hésitent, ayant plus conscience que tout alors de ce qu'ils sont véritablement et qu'ils cachent l'un à l'autre. Ou bien, le final du film, terriblement touchant, d'une grande intelligence, doux-amer.

Malgré que j'y ai ressenti quelques petites longueurs, c'est un film admirable où Hepburn n'a pas volé son oscar. ;)
4,5/6.
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