
Le joueur de flute - The pied piper
Deux ans après le magique « Peau d'âne », Jacques Demy refait une incursion dans le monde des contes en acceptant de tourner une adaptation du « Joueur de flûte de Hamelin » en Angleterre, avec le chanteur folk Donovan dans le rôle-titre.
La légende du joueur de flûte étant bien trop simpliste pour un film d'une heure et demi, le réalisateur n'a pas hésité à broder une sous-intrigue très (et presque trop) étoffée, peuplée d'inquisiteurs, de cupides seigneurs, de joyeux saltimbanques et d'un alchimiste assoiffé de progrès. L'épidémie de peste noire, qui a décimé plus de la moitié de la population européenne au XIVe siècle, occupe elle-aussi une place centrale dans le film, de même que l'antisémitisme et l'obscurantisme qui sévissaient à l'époque. Le joueur de flûte, quant à lui, se retrouve relégué au second plan et finit par ne devenir qu'un pretexte pour intégrer un peu de magie et de musique dans la très sombre intrigue concocté par Demy. La présence de Donovan semble alors quelque peu accessoire. D'autant que, au milieu d'un moyen-âge à l'esthétique outrée mais toujours empreinte de réalisme, sa guitare de hippie passe difficilement pour un instrument d'époque, et ses trois petites chansons, bien que sympathiques, s'intègrent assez mal à l'ensemble.
Globalement, il faut tout de même avouer que « Le joueur de flûte » s'égare dans son intrigue « fourre-tout » et dans sa critique un peu pataude de l'intolérance et de l'obscurantisme. Finalement, ce sont les décors et les costumes aux couleurs chatoyantes, de toute splendeur, qui relèvent le niveau, avec quelques mouvements de caméras et plan-séquences inspirés. Quelques scènes sortent ainsi du lot, notamment celle du mariage, merveilleusement glauque, où une colonie de rats grouillant finissent par sortir du dessert.
Le film, aussi beau que bancal, demeure agréable dans son ensemble mais le charme du « joueur de flûte », s'il existe bel et bien, ne parvient jamais totalement à envoûter.
6,5/10