Les vedettes féminines des films musicaux

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Music Man
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Message par Music Man »

Connaissez-vous des acteurs luxembourgeois ?
Je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup : René Deltgen, Juliette Faber, et pour la comédie musicale, la délicieuse danseuse Germaine Damar qui fut la vedette de nombreux films musicaux européens des années 50 : des spectacles chantés et dansés sans prétention, avec un coté complètement factice qui évoque furieusement les publicités Jean Mineur de la même époque.
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Née en 1929 , Germaine se découvre très jeune un talent pour la danse acrobatique. Après avoir remporté plusieurs concours de danse, elle monte avec sa sœur un numéro de cabaret les Sœurs Vialine et se produit dans plusieurs salles de cinéma et music halls : notamment à l’ABC en 1941, en première partie d’Edith Piaf. Après la guerre, elle continue sa carrière en solo dans différents cabarets de France, Espagne, Maroc et même d’Egypte (elle aura notamment le privilège de danser pour le roi Farouk°). Au début des années 50, elle retrouve à nouveau sa sœur et le compagnon de celle-ci pour une série de spectacles en Europe.
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Lors d’une tournée en Grèce, elle sympathise avec Zarah Leander. La célèbre chanteuse suédoise contacte alors un producteur allemand pour lui proposer de tester la jeune danseuse : Geza Von Cziffra le grand spécialiste du film-revue germanique (Rêve blanc, un numéro du tonnerre…) cherche justement une jeune ballerine pour remplacer Maria Litto sur le tournage de « Tanzende Sterne »1952 : Germaine est engagée sur le champ et devient célèbre immédiatement. Le film n’a rien de mémorable : une petite comédie sans prétention, avec des numéros de cabaret, devant des décors en carton pâte, sur des airs de boléro ou fox trot chantés par Gerhard Wendlandt, sorte de réplique allemande d’André Claveau.
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Lux beauté, le savon des stars

Il est étonnant de constater à quels points les allemands étaient friands de comédies musicales dans les années 50. L’optimisme qui se dégageait de ces productions simplettes allait de pair avec le miracle économique que connaissait le pays. Alors, l’intrigue comptait peu : on allait surtout au cinéma pour entendre les dernières chansons à la mode : plusieurs sous-genres se dégagent parmi ces productions musicales, et Germaine Damar s’est prêtée aux différents styles avec aisance :
- le heimatfilm, film « du terroir », avec danses folkloriques comme Rendez vous à Konigsee (1957, qui empruntait son titre original à un tube de Gitta Lind), le film opérette (adaptation de grands classiques de Lehar ou Kalmann, souvent remis au goût du jour, avec des gags misant sur les anachronismes comme le Comte du Luxembourg (1957)), le film sur glace (dont les numéros sont souvent très réussis comme Symphonie en or (1955)) et bien évidemment, le schlagerfilm, sorte de hit parade filmé avec tous les succès du jour : un maximum de chansons souvent platement filmées. Germaine Damar eut l’honneur de jouer dans le film qui lança la vogue ce genre très particulier Schlagerparade (1953) qui réunissait une distribution prestigieuse et internationale (Maurice Chevalier, Johannes Heesters) En 1955, elle tient la vedette de Musique pour vous , hommage à une émission de radio diffusant des disques à la demande (avec entre autres Joséphine Baker au programme).
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Dans ces différents films, Germaine est radieuse et charmante : une délicieuse ingénue.. Ce n’est sans doute pas une grande comédienne (de toute façon, les rôles qui lui sont proposés ne lui laissent guère la possibilité de le démontrer) mais elle joue avec beaucoup de fraîcheur et de naturel. Pour la danse, on peut vraiment regretter le manque d’imagination des chorégraphes, si encore il y en a un sur le plateau : l’artiste semble souvent improviser.
Parmi ses meilleures séquences, le passage onirique de An jener finger zehn (son meilleur numéro probablement) d’Erik Ode, un réalisateur assez doué pour les films musicaux plus connu en Allemagne pour son rôle dans une série policière, les sympathiques scènes de danse d’Otto le joli cœur (1955) et le ballet du film Révolte au Music hall (1958). En revanche, les scènes de danse (si on veut appeler cela comme ça) de Mille étoiles brillent pour Patricia (1958, schlagerfilm bâti sur la célèbre chanson de Perez Prado) ou de Sérénade au Texas (1959 avec Luis Mariano) sont bien piteuses.
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Bien évidemment, les cahiers du cinéma et autres critiques de cinéma ne sont pas tendres avec les films musicaux germaniques qui franchissent la frontière. Le magazine belge « Ciné Revue » est moins coriace à leur égard ; S ‘agissant du comte de Luxembourg, il évoque un spectacle agréable où Germaine Damar est bien jolie!
Germaine a plusieurs fois donné la réplique au facétieux chanteur Peter Alexander et au ténor suisse Vico Toriani : dans les deux cas, elle sert uniquement de faire valoir au chanteur vedette et ne danse quasiment pas. Que dire de Tabarin (1958) un de ses rares films français avec Michel Piccoli et Annie Cordy : je ne me souviens même pas de sa présence !
Elle est bien mieux mise en valeur dans le Charme de Dolores (1957) de Geza Von Cziffra dont le talent pour le film musical est 100 fois supérieur aux tacherons filmant à la va-vite les schlagerfilms. Le film remportera d’ailleurs un succès très important à l’exportation. Notons au passage que dans sa fort peu délicate autobiographie, Geza Von Cziffra évoque brièvement Germaine Damar et la vie sentimentale de celle-ci, avec aussi peu de tact que que les autres nombreuses comédiennes qu’il épingle dans son livre (Garbo, Zarah Leander, entre autres).
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Après une discrète romance avec le comédien Georg Thomalla (le partenaire de son premier film), Germaine va partager quelques années la vie d’un riche industriel, spécialisé dans l’import export de machines à coudre. Ce dernier, complètement étranger au monde du cinéma entreprendra pourtant le tournage d’ un reportage sur la famille princière de Monaco, après avoir obtenu l’accord de Grace Kelly (qui rêvait sans doute d’un come-back à l’écran). Afin de renforcer les chances de succès du film, il décide finalement d’intégrer les parties filmées au palais monégasque à une intrigue gentiment romanesque dont Germaine est la vedette, et d’engager Frank Sinatra en guest star : un résultat complètement hybride et un vrai ratage.
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Au début des années 60, la carrière de Germaine est sur le déclin : dans le sirupeux film espagnol Sissi 63, elle ne tient qu’un petit rôle. Lors d’un voyage en Argentine, à l’occasion d’un festival cinématographique, Germaine a la surprise d’être reçue comme une reine par le public argentin qui l’a adoré dans le charme de Dolores. Lors d’une réception, elle rencontre un millionnaire américain dont elle tombe amoureuse. Elle tourne un dernier film en Espagne (Escale en hifi 1964), et abandonne l’écran pour se marier et s’installer en Floride.
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Depuis le décès de son mari, elle a fait une petite apparition dans Cannabis aux cotés de Christophe Lambert.
Sur la ZDF et les nombreuses chaînes germaniques, on rediffuse occasionnellement ses films (surtout « Soucis de millionnaire » 1957, qui bénéficie de la présence du comique Heinz Erhardt, très populaire outre Rhin.).
Le reflet charmant d’une époque insouciante.
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francesco r
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DAMIA et la baignoire

Message par francesco r »

Merci pour tous les renseignements que tu donnes de Damia ! Je suis en train d'écrire sa biographie et je me demandais où tu as vu la chanson filmée avec la femme nue qui rentre dans une baignoire ? Et de quelle chanson s'agit-il ? Merci ! et à bientôt !!
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Damia

Message par Music Man »

Bonjour Francesco.
Merci pour ton message.

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S'agissant du court métrage avec Damia et la femme dans sa baignoire qui écoute la chanteuse à la radio, je l'ai vu à la télé il y a une dizaine d'années, mais alors je ne saurais te dire où!
Il me semble que la chanson en question était "les naufragés" ou " la mauvaise prière", en tous les cas, une chanson lugubre.
Il faudrait que je demande à un ami qui dispose d'un catalogue des courts métrage des années 30, s'il a des précisions.
Tous mes encouragements pour ton livre sur la tragédienne de la chanson.
C'est une heureuse initiative : Lors de la sortie d'une bio consacré à Frehel, sais-tu que l'auteur voulait à l'origine écrire une bio de Damia, mais qu'après avoir fait des recherches, il avait finalement préféré s'attaquer à la vie plus tumultueuse de Frehel.
Outre le documentaire de Juliet Berto, j'avais lu, il y a longtemps, un petit roman écrit par une chanteuse japonaise qui évoquait Damia et Lucienne Boyer qu'elle avait cotoyées lors de son passage à Paris. Mais je ne me souviens plus du nom de cette dame. Damia a également accordé des interviews pour la radio et l'une d'elles avait été rediffusée (sur France Culture?) . Elle y évoquait son triomphe au Japon avec des anecdotes assez drôles (écorchant le japonais, elle avait provoqué l'hilarité du public en prononçant un mot qui en fait signifiait "préservatif" en japonais!)
Préviens nous quand ton livre sera publié!
francesco r
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DAMIA et la baignoire

Message par francesco r »

La petite japonaise s'appelle Yoshiko Ishii et elle a chanté des chansons de Damia lors d'un concert à l'Olympia de Paris. Pour ce qui concerne la vie de Damia, elle est aussi romanesque que celle de Fréhel, voire plus encore. Et le personnage est bien plus complexe que celui de Fréhel : je m'amuse beaucoup à le décrire et, bien évidemment, je te préviendrai dès que le livre sera publié.
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Re: DAMIA et la baignoire

Message par Ballin Mundson »

francesco r a écrit : bien évidemment, je te préviendrai dès que le livre sera publié.
Nous aussi. Ca a l'air rudement intéressant !
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Marjane

Message par Music Man »

De temps à autres, cette rubrique nous permet de rendre hommage aux grands noms de la variété française d’autrefois, qui se sont illustrés sporadiquement au cinéma. Aujourd’hui c’est le tour de Léo Marjane, fut une des chanteuses les plus populaires en France pendant la seconde guerre mondiale : sa voix chaude et rauque, et son répertoire très jazzy constitué en grande part d’adaptations de standards américains ont apporté en effet un incontestable renouveau à la variété française.
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Née à Boulogne-sur-mer en 1912, Léo Marjane rêve de devenir écuyère : elle va, en fait, très rapidement bifurquer vers la variété. Dès 1932, elle se produit dans plusieurs cabarets en France et à l’étranger : son style est alors très influencé par les chanteuses du moment (Lucienne Boyer, Lys Gauty) et sa voix méconnaissable (d’ailleurs aucun des disques enregistrés à l’époque n’a été réédité à ce jour). Après un long séjour aux Etats Unis, la chanteuse fait en 1937 un come-back fracassant. Influencée par les artistes de jazz américains et les crooners qu’elle a entendu à Broadway, Léo adopte à partir de ce moment une façon de chanter tout à fait différente et qui dénote complètement de ce qu’on écoutait en France à l’époque (chansons réalistes, romances populaires, gaudrioles) : d’une voix chaude et enveloppante, elle fredonne des airs blues et intimistes, comme les torch singers accoudées à un piano bar dans les films américains. Lors de l’enregistrement d’un disque au Studio Cognac Jay, elle aura l’idée d’amortir certaines syllabes en couvrant le micro de son bas de soie : un procédé si efficace qu’il sera conservé. Sa version française de « chappel in the moonlight » (que reprendra par la suite Dean Martin) est un triomphe.
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Léo pioche avidement dans le répertoire des plus grands compositeurs américains : Cole Porter, Harry Warren, Irving Berlin. Elle met à son répertoire de nombreuses chansons de films : over the rainbow du Magicien d’oz, begin the begin de Broadway qui danse, twilight on the trail de la fille du bois maudit. Au cours de l’année 1941, l’occupant allemand va interdire les chansons anglo-saxonnes. Peu importe, des musiciens français comme Loulou Gasté vont continuer à bâtir des chansons sur le même modèle, avec un talent presque égal. C’est avec un slow bien français, dédié aux épouses des prisonniers, je suis seule ce soir, qu’elle remporte un des plus gros succès de cette sombre période.
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En 1943, Léo Marjane débute à l’écran dans le film Feu Nicolas, une comédie complètement crétine avec le comique Rellys qui fut fort populaire à l’époque. Le moins qu’on puisse dire est que l’apparition de la chanteuse dans ce navet qui raconte les tribulations de revenants tranche avec l’ensemble : elle y chante deux superbes blues du futur mari de Line Renaud, avec une puissance et une présence remarquables. Si jusqu’à présent ses interprétations langoureuses de slows pouvaient évoquer Alice Faye, sa parfaite interprétation de la chanson Ste Madeleine la rapproche presque des grandes dames du négro spiritual. Pendant la guerre, la vedette est si populaire qu’on la voit partout à Radio Paris et dans son joli cabaret, très fréquenté par les allemands. Très aimée par le public, elle est en revanche loin d’être appréciée par toutes ses rivales de la chanson, qui ne se faisaient guère de cadeaux. La chanteuse connaîtra comme on peut l’imaginer de gros problèmes à la libération (elle répliquera au comité d’épuration lui reprochant le nombre de spectateurs allemands, qu’elle est myope !). Interdite de scène et de disque pendant plusieurs mois, elle est vite concurrencée par de nouvelles venues (Jacqueline François, Yvette Giraud, Anny Gould) qui s’inspirent beaucoup de son style (notamment la dernière citée)et la devancent en s’accaparant les nouvelles chansons américaines.
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Ses disques (notamment une superbe version de clopin clopant) n’ont plus le succès de jadis. En 1950, Léo Marjane est la tête d’affiche du film « Les deux gamines », adaptation d’un mélo, qui avait fait couler beaucoup de larmes autrefois. En fait, la chanteuse chante deux chansons puis disparaît pendant les ¾ du film (le personnage qu’elle incarne ayant disparu dans un accident d’avion). Amateurs de nanards juteux, ce film, réédité par René Château en VHS, est pour vous ! Les 2 gamines, surtout la petite Marie-France cabotinent à souhait : on oscille entre conte de fée, polar, mélo à l’eau de rose et film musical. C’est plutôt jouissif, notamment la prestation de la géniale Suzy Prim en marâtre et de Jean-Jacques Delbo. Si Léo Marjane chante bien, son jeu n’est guère convaincant, mais dans ce film rocambolesque, ce n’est pas gênant (ah, cette séquence, où rescapée par des bédouins, elle réclame « à boire » !)
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Après une longue tournée en Amérique du Sud, aux USA (où elle fut très applaudie par Garbo !) et au Canada (où elle remporte un véritable triomphe), la chanteuse semble avoir retrouvé au milieu des années 50 son prestige passé (plusieurs succès en 1955 dont sa version de Secret love de Doris Day et de Monsieur mon passé de Léo Ferré.)
On la retrouve dans un petit rôle de chanteuse des rues dans Elena et les hommes de Renoir (1956) et on l’entend chanter dans le film Ariane (1957). Après son mariage avec un baron et la naissance de son fils (Philippe de la Doucette, ancien directeur adjoint au cabinet d'Alain Madelin au ministère des entreprises et nommé depuis 2006 président de la commission de régulation de l'énergie par Jacques Chirac), Léo Marjane a abandonné sa carrière, pour se consacrer à sa famille et à sa première passion l’équitation dans sa propriété de Barbizon près de Fontainebleau.
Après avoir envisagé un temps un éventuel come-back sur le petit écran, elle a finalement renoncé. A 95 ans, Marjane est probablement la doyenne de la chanson française. La plupart de ses enregistrements (sauf les premiers) ont été réédités par divers labels (presque toute son œuvre étant désormais dans le domaine public), y compris certains en anglais. Une grande artiste à redécouvrir.
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Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:31, modifié 1 fois.
Music Man
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Julie Andrews

Message par Music Man »

Au milieu des années 60, alors que la comédie musicale américaine était en plein déclin, Julie Andrews a réussi l'incroyable exploit de remporter coup sur coup deux énormes triomphes avec deux films en-chantés.
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Un petit hommage à une grande dame de l'écran, qui je le crois, compte beaucoup d'admirateurs sur DVDclassik.
Née en 1935 en Angleterre, la petite Julie débute très jeune sur les planches dans différents spectacles de music hall aux cotés de sa mère et de son beau père. En 1948, elle passe un screen test pour les studios anglais de la MGM. Longues nattes et canines proéminentes, elle est mignonne comme tout mais sa candidature ne sera pas retenue (il faut dire que les actrices enfant, de Peggy Ann Warner à Natalie Wood, étaient légion à l'époque) et la pauvre Julie devra attendre….17 ans ! avant de faire ses débuts à l'écran !
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En 1954, Julie obtient le premier rôle d'un musical nostalgique " The boy friend "(adapté à l'écran en 1970 avec Twiggy), mais explose véritablement en 1956 dans l'opérette My fair lady de Loener et Lowe. Cette adaptation musicale du Pygmalion de GB Shaw, va en effet rencontrer un énorme succès populaire à Broadway puis à Londres. La remarquable prestation de Julie, éblouissante de naturel dans le rôle de la bouquetière qui tente de devenir une lady ainsi que la présence du grand Rex Harrison et de Julie sont sans doute pour beaucoup dans le triomphe du spectacle (j'ai en effet été très déçu par une reprise plutôt ennuyeuse et statique donnée à Paris dans les années 90 avec Richard Chamberlain dans le rôle du professeur Higgins).
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Suite au triomphe du spectacle, Julie devient la coqueluche de Broadway : elle fait un tabac dans Cendrillon (filmé pour la télévision), et dans Camelot, beau musical basé sur la légende des chevaliers de la table ronde avec Richard Burton et Robert Goulet.
Pourtant, en 1964, lors de l'élaboration de la version filmée de My fair lady, la Warner Bros frileuse, préfère engager Audrey Hepburn dans le rôle d'Elisa Doolittle, au motif que Julie (qui s'est pourtant fait remarquer dans des shows télé avec Andy Williams)est trop peu connue du spectateur lambda. Quelle erreur ! Le film somptueux rafflera presque tous les oscars…sauf celui de la meilleure interprétation féminine, alors que Julie, engagée par Walt Disney, remporte l'oscar pour sa célèbre interprétation de Mary Poppins. Elle est parfaitement à l'aise dans ce personnage à la fois excentrique et magique, et les enfants de plusieurs générations succomberont à son charme, à celui des chansons et des ingénieux ballets de cette superproduction.
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Honnêtement, j'avoue que j'ai été un peu déçu quand j'ai vu (tardivement) ce film. Mes parents, en effet, méfiant devant ce film mêlant dessin animé et personnages réels, ne m'ont jamais emmené voir ce film ! (Je me souviens à quel point ils étaient perplexes quand ce film arrivait systématiquement premier au SVP Disney de Pierre Tchernia). Pourtant je constate la magie que ce film exerce encore sur les nouvelles générations qui se rediffusent en boucle certains passages du film en vidéo.
Après une très intéressant rôle dramatique dans " les jeux de l'amour et de la guerre " passée inaperçue, Julie réussit le carton total avec la version filmée de l'opérette " the sound of music " (la mélodie du bonheur). La bio de la famille Trapp avait déjà fait l'objet d'un film allemand très populaire, mais rien ne garantissait l'incroyable triomphe du film, alors que le musical était moribond aux USA. Là aussi, la fraîcheur de personnalité de Julie (vraiment, je n'imagine même pas une autre comédienne dans ce rôle !), son enthousiasme et sa jolie voix (étendue sur plusieurs octaves) ainsi que les ritournelles de Rodgers et Hammerstein sont les atouts majeurs de ce film. L'habileté de Robert Wise et la parfaite interprétation de Julie parviennent à éviter le film de sombrer dans le nunuche et l'eau de rose, alors que le risque était pourtant grand !
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Rencontre avec Gene Kelly dans un show TV


Le film battra tous les records d'entrée et restera pendant quelques années le plus grand succès de l'histoire du cinéma. En quelques mois, Julie Andrews est devenue la reine d'Hollywood : elle triomphe dans des shows à la télé avec Carol Channing, dans " Millie "un charmant musical situé pendant les années folles et le rideau déchiré, un excellent Hitchcock. Arthur Freed, le célèbre producteur de Chantons sous la pluie, annonce alors la prochaine mise en chantier de ce qui sera " le plus grand film musical de tous les temps ", avec chansons d'Irving Berlin, une distribution exceptionnelle qui serait dominée par Julie. Robert Wise , le réalisateur de West Side Story et de la mélodie du bonheur engage Julie pour un biopic sur l'artiste anglaise Gertrude Lawrence. Certains journaux avancent que le film sera le plus gros succès de tous les temps…et c'est le FLOP ENORME. Mais compréhensible quand on revoie le film, des années après. Le personnage joué par Julie n'est pas très attachant, un peu intello et très sophistiqué par rapport à la jeune femme naturelle que le public avait tant aimé dans la mélodie du bonheur, en tous les cas à 1000 lieux des ces personnages de conte de fée. Le tout déborde de longueurs et de lourdeur.
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Pourtant, sur le plateau de ciné cinéfil, feu Robert Wise défendait encore, il y a quelques années, son film qui semblait lui tenir beaucoup à cœur. On retiendra quelques beaux passages musicaux comme Jenny de Kurt Weill. Malgré de nombreuses coupes et une nouvelle sortie, le film ne trouvera pas son public. Le talentueux Blake Edwards tente alors de reprendre en mains la carrière de celle qui va devenir son épouse. Malgré certains passages assez drôles (notamment un strip-tease de Julie), Darling Lili, un musical dans lequel elle incarne une espionne est à nouveau un bide monumental. Celle qui avait été portée au pinacle quelques années avant est devenue un poison du box office.
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Dans les années 70, Julie se tourne surtout vers les shows télé destinés à un public familial (surtout pour les périodes de noël). En 1979, on la retrouve dans un rôle secondaire dans la comédie loufoque " Elle " réalisée par son mari, aux cotés de Dudley Moore et le sex symbol Bo Derek dont la popularité sera aussi fulgurante qu'éphémère. En 1981, Blake Edwards décide de régler ses comptes avec l'industrie cinématographique en proposant une farce très grinçante quasi-autobiographique qui raconte l'histoire d'un réalisateur marié à une star d'Hollywood qui se fourvoient dans le flop du siècle. Afin d'essayer de sauver la mise, ils essaient de remonter le film en y ajoutant des scènes érotiques. C'est souvent fort drôle, et à mon avis bien plus qu' " Elle ". Néanmoins, le coté nombriliste du film, n'en fera pas du tout un succès populaire (en France, on tentera de l'exploiter en misant sur la présence de Larry Hagmann, qui triomphait dans la série Dallas). Dans ce film, Julie, fermement décidée à jeter aux orties son personnage de Mary Poppins qui lui colle à la peau, exhibe sa poitrine, dans une des scènes clés du film.
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L'année suivante, Blake Edwards et Julie renouent enfin avec le succès en nous proposant une des plus belles comédies musicales des années 80, le splendide Victor Victoria. Cette comédie habile et cocasse qui aborde aussi avec tact et énormément de talent des sujets aussi divers que l'apparence ou l'homosexualité est en tous points une réussite. Certains critiques reprocheront au film de n'être qu'un remake peu inventif d'un film allemand des années 30. Pour avoir visionné la version originale de 1933, la version anglaise de 1935 (je n'ai pas vu le remake de 1957 avec Annie Cordy) et le film de Blake Edwards, j'estime à titre personnel que c'est pourtant le film de 1982 le plus réussi. En outre, les chansons sont brillantes, et Robert Preston toujours aussi talentueux. Quant à Julie Andrews, elle est parfaite, dans un rôle à la mesure de son talent, plus subtil que les nannies gentillettes des opérettes.
Après ce gros succès (couronné d'un César en France), Julie va aborder plusieurs registres différents notamment dans le drame (duo pour une soliste) où elle incarne une violoniste atteinte de la sclérose en plaques. Elle participe aussi à divers tours de chants, aux USA comme au Japon, où vêtue telle une princesse, elle reprend les grands succès de ses films.

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En, Victor Victoria est adapté pour la scène avec des chansons additionnelles. Le musical est fraîchement accueilli et seule la prestation de Julie Andrews est acclamée.
Au fil des prestations, elle finit par perdre sa voix, ce qui va beaucoup la déprimer. Avec beaucoup de repos et d'exercices, Julie a fini par retrouver sa voix , et tourne encore à l'occasion dans des comédies familiales (notons au passage qu'elle est toujours aussi ravissante), ou assure le doublage de dessins animés comme Shreck.
Si je me souviens bien, Tom Peeping a eu la grande chance de la rencontrer, et l’actrice, élevée au rang de Dame par la Reine d’Angleterre serait aussi rayonnante et sympathique à la ville qu'à l'écran.


Julie et Gene Kelly
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:34, modifié 1 fois.
Max Schreck
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Message par Max Schreck »

Merci encore pour ce portrait d'une actrice qui m'a très tôt fait craquer en Mary Poppins.

Il y a un film des années 60 que tu n'évoques pas et qui m'intrigue depuis un moment, c'est Hawaii, une superproduction de George Roy Hill dont le métrage a je crois subi quelques coupes.
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Message par Music Man »

Merci Max!
Non, hélas, je n'ai pas vu Hawaii, qui à sa sortie fut jugé trop long et trop lent. (A t'il déjà été diffusé sur le cable?). Néanmoins, Julie remporta de bonnes critiques personnelles pour son rôle. Il seble qu'elle même ne l'ait pas détesté, alors qu'elle est souvent impitoyable envers son propre travail.
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Message par Lylah Clare »

Bonsoir, Music Man !

Merci pour ce portrait de la toujours rafraîchissante Julie Andrews, qui arrive à faire avaler toutes sortes de bluettes parfois un peu lourdaudes (eh non, perso, je n'aime pas trop The sound of music, alors que j'avais vu un documentaire sur la vraie famille Von Trapp paradoxalement plus intéressant). As-tu vu Millie ? J'avoue avoir été intriguée par l'extrait que j'en ai vu sur youtube :

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Message par Music Man »

Salut Lylah!
Oui, j'ai vu Millie, à la télévision et c'est une comédie musicale très sympa. L'histoire est drôle et Julie rayonnante. A ses cotés, Carol Channing, une grande dame du musical américain peu connue chez nous.
En revanche, je n'ai pas visonné le DVD zone 1 sorti il y a bien 2 ans, alors je ne peux te dire ce qu'il vaut.
Dans ses shows des années 80, Julie reprenait dans un medley la chanson titre du film.
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MJ
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Re: Julie Andrews

Message par MJ »

Music Man a écrit :En, Victor Victoria est adapté pour la scène avec des chansons additionnelles. Le musical est fraîchement accueilli et seule la prestation de Julie Andrews est acclamée.
Et n'oublions pas S.O.B. du même Blake Edwards avec une parodie démentielle de la Dame de Shanghaï.
Bon, le film n'est pas une comédie musicale dans son ensemble.
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
Jordan White
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Message par Jordan White »

Bravo pour ce portrait de la grande Julie Andrews.
C'est son interprétation dans La Mélodie du Bonheur qui me la fit connaître, je ne l'avais jamais vu jouer auparavant. Je n'ai vu que peu de films avec elle, mais à chaque fois j'en ressors ravi et avec l'envie d'en voir davantage.

Sinon Music Man, je suis en train d'écouter ton cd. J'ai écouté quelques titres pour lesquels j'ai pu tenir, certains trucs sont amusants tant c'est mauvais. Mais je dois dire qu'à propos de Daphnièle là ça me pose vraiment problème. Pour Jean-Raphaël. Enregistrement avec un son sale, chant archi faux dès la première mesure, c'est sidérant. Très amateur. Et encore il y a des chanteurs amateurs qui ont du coffre, une belle voix. Là, rien. Pas drôle, même au trentième degré, c'est rare que je ressente quelque chose d'aussi fort envers quelque chose qui m'apparaît proprement inécoutable plus de deux fois. Je m'attendais à quelqu'un de jeune, innocente et fraîche, genre un peu plus âgée que Melody, mais en fait non, elle n'est pas loin d'avoir la quarantaine. La chanson "La tendresse", c'est incroyable, surtout que la tonalité n'est pas très éloignée de la bohème, mais c'est massacré. Il n'y a pas que le chant, il y a la musique, jamais dans le bon tempo, donc ça donne quelque chose de désorganisé, plat, d'une sidérante tristesse au final.
Et le couplet chanté par les mecs dans "Amour, amitié" qui couvre la voix de Daphnièle, mixage raté d'un bout à l'autre. Pour l'Amour d'un dauphin c'est différent, mais le refrain, mon Dieu. Pas possible. A côté Lorie c'est Shakespeare.
A écouter par curiosité, comme bon nombre de titres, mais même la chanson d'Annie Girardot à un côté vieille école, cassette VHS René Chateau que n'a pas Daphnièle. La chanson d'Evelyne Leclerc comme celle de Lova Moor sont pas mal en comparaison c'est dire. It's love de Jean-François Maurice très drôle de son côté. J'ai de quoi faire avec les 2h52 de morceaux que je vais prendre du temps à écouter, sinon c'est irrespirable.
Et merci pour Philippe Risoli et Cuitas les Bananas. Et pour la chanson de Titia en plage finale pour sa reprise dance de Dalida Laissez moi danser, qui claque. Titia intervenait sur France 2 dans L'été des défis présenté par le mari de Sophie Davant (dont le nom m'échappe). :D

Après ça c'est bon d'écouter un "bon" CD quand même.
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Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
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Message par Music Man »

Salut Jordan.
Voila une parenthèse qui risque d'intriguer les quelques lecteurs du topic, car les interprètes que tu cites n'ont jamais joué dans des films musicaux, et tant mieux d'ailleurs
:lol: . Néanmoins, peut être que Daphnièle recueillera plus de réactions que l'évocation d'artistes talentueux comme Samia Gamal ou Zarah Leander ... Ce qui serait un peu dommage, tu ne penses pas?

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Daphnièle chante Guichard sur youtube :
Music Man
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Message par Music Man »

On a peine à imaginer aujourd’hui la popularité qu’ont pu avoir les stars de cinéma pendant les années 20. Le public parfaitement crédule, les adulait comme des divinités et était prêt à croire les délires les plus insensés crées par les agences publicitaires. La polonaise Pola Negri fut une des plus grandes stars du cinéma muet, et la première importation européenne réalisée par Hollywood. Bien évidemment, nous nous attarderons ici surtout sur la deuxième partie de la carrière de la diva dans ses films parlants et chantants.
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Né en 1894, la jeune Pola, après des cours de danse et de théâtre à Saint Petersbourg débute sur les planches en 1913. Comme suite à la fermeture des théâtres pendant la première guerre mondiale, la jeune actrice, aidée d’un riche protecteur, se tourne vers le cinéma (encore balbutiant)et obtient des rôles principaux dans plusieurs productions cinématographiques locales. Le passeport jaune (1914) où elle incarne une jeune juive remporte un réel succès. En 1918, elle se rend à Berlin, en passe de devenir la capitale européenne du cinéma. Les films qu’elle va tourner sous la direction d’Ernst Lubitsch vont remporter un succès sensationnel dans toutes l’Europe et aux USA (où ils seront exploités comme « productions européennes » afin d’éviter de faire fuir un public très méfiant envers les allemands). Certains d’entre eux viennent de ressortir en coffret DVD en Allemagne. On reconnaît déjà la patte du célèbre cinéaste, et la présence de Pola est indéniable.
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Elle n’est pas vraiment belle, mais dans ses rôles exotiques de tziganes ou d’esclaves, elle exerce une sorte de magnétisme animal. Dans les yeux de la momie (1919), elle est sous l’emprise d’un fou (très impressionnant Emmil Jannings) qui la séquestre dans une pyramide. Sauvée par un riche étranger, elle devient danseuse (et fait preuve d’ailleurs d’une certaine souplesse dans ses numéros pseudo orientalistes). Le mélo s’achève de façon dramatique, comme la plupart des films de la femme fatale. Alertée par le succès de la comédienne, la Paramount la convainc de venir poursuivre sa carrière à Hollywood.
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En dépit de la médiocrité de la plupart des films (dans lesquels elle se présente sous un jour très sophistiqué qui lui ôte beaucoup de son originalité) qu’elle y tourna (hormis Hôtel impérial de Mauritz Stiller et Barbed wire, deux films très réussis où elle ne joue pas les vamps), Pola Negri va réussir à se faire un nom aux States par ses extravagances et son goût immodéré pour la publicité. Après une liaison tapageuse avec Charlie Chaplin (qui pourtant semblait préférer les femmes plus jeunes), Pola Negri extériorise sa douleur lors du décès tragique et prématuré de Rudolph Valentino : elle serait tombée follement amoureuse de l’artiste peu avant sa disparition. Pourtant des amis de l’acteur prétendront qu’elle ne l’a jamais rencontré. Les nombreuses interviews dans lesquels la comédienne fait part de son chagrin vont finalement la desservir et lui donner l’image d’une opportuniste malveillante. L’année suivante, pour damer le pion à sa rivale Gloria Swanson qui vient d’épouser un conte, Pola se marie un prince (d’origine douteuse), car à l’époque cela impressionnait beaucoup le public.
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L’arrivée du cinéma parlant (qu’elle qualifie de caprice, de curiosité qui va vite lasser le public) la met rapidement sur la touche, car la Paramount n’entend guère miser sur l’accent polonais prononcé de l’artiste.
Après un ultime muet en Angleterre de Paul Czinner « Son dernier tango, rue des âmes perdues (un film surprenant très dépouillé où Pola est surprenante en prostituée allumeuse draguant dans un bouge infame puis tentant de devenir une épouse modèle : probablement un de ses meilleurs films), Pola, ruinée par le crash boursier de 1929, entreprend un tour de chant aux USA avec des airs du folklore russe, bien mis en valeur par sa voix rocailleuse et tremblée, mais envoûtante.
En 1932, elle tente un come-back parlant à la RKO. Si le mélo « Maria Draga» est un échec (certaines scènes hyper mélo sont jouées de façon très passionnées comme au bon temps du muet), la chanson « Paradise » ( un air langoureux au charme très rétro)
qu’elle interprète dans le film devient le plus gros succès de l’année, et un tube international qu’elle enregistrera même en français. Voici quelques paroles de ce must : « je rêve que je suis dans tes bras, mmmmm, je sens sur moi, mmmmmm,tes lèvres d’amant, d’amour brûlant, qui cherchent un doux baiser, saurais-je résister ?, et quand dans la pénombre, il me prend, mmmmmm, il m’emporte au Paradis. »
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Hollywood ne s’intéressant plus à la vamp, Pola tourne un film français en 1934 (avec Pierre Richard Wilm), puis finit par retrouver les studios allemands de la UFA, 12 ans après. Entre temps, l’Allemagne a basculé dans le nazisme et Goebbels surveille de près la propagande distillée dans les documentaires d’actualité et un peu moins dans les films. Mazurka(1935), réalisé par le talentueux Willi Forst est un excellent mélo qui va relancer la carrière de Pola. Il faut bien convenir qu’elle est très convaincante en chanteuse meurtrière (Lors d’une projection, Pola estimait elle-même qu’elle n’avait jamais vu une aussi brillante interprétation à l’écran !). Si elle interprète elle-même la chanson triste dans la scène de cabaret, elle est doublée pour l’interprétation de « ich spur in mir »par une soprano coloratur (en revanche, pour la version commercialisée en 78 T, c’est Pola qui chante elle-même avec sa voix d’outre tombe la célèbre mazurka, sauf l’envolée lyrique du milieu).
ImageComme le film, la chanson remportera un très gros succès repris en France par Damia et Annette Lajon. Pola comptait fort sur ce joli come-back, pour renouer avec Hollywood. Hélas, le film sera très vite adapté pour les USA, mais sans elle ! (Confession avec Kay Francis). Jusqu’en 1938, Pola va tourner 6 films pour la UFA, dans lesquels elle chante le plus souvent. Tango notturno (1937) est un musical sans grand intérêt dont on retiendra surtout la très belle chanson, dans un style très proche des succès de Zarah Leander. L’adaptation filmée de Mme Bovary (1937) a été beaucoup critiquée, et on a reproché à l’époque à Pola de sous-jouer. Quand on sait que parfois dans les films de l'époque, certains acteurs avaient un jeu très théâtral, peut être que l’interprétation de Pola Negri mériterait d’être reconsidérée.
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En 1937, Pola Negri attaque le journal français « Pour vous » qui prétend que la star est devenue la maîtresse d’Hitler et qu’elle aurait déclaré « que voulez-vous, il y a eu beaucoup d’hommes importants dans ma vie : Chaplin, Valentino… » . En 1939, dès l’entrée en guerre de la Pologne, Pola décide de quitter l’Allemagne (il faut également ajouter que Goebbels la détestait, et qu’il avait mené une enquête prouvant les origines juives de la star). Après un bref séjour en France, elle parvient avec difficultés à regagner les USA, en passant par le Portugal. A New York, la comédienne, à laquelle on reproche d’avoir joué dans plusieurs films allemands, ainsi que les fausses rumeurs de sa liaison avec Hitler est mise en quarantaine. Libérée, elle tourne un film à Hollywood « Hi diddle diddle »1943, une comédie musicale de série B, loufoque et décapante.
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Aucune proposition ne suivra. L’actrice partagera ensuite la vie d’une riche héritière texane qui lui léguera sa fortune. En 1964, elle fera une apparition dans la baie des émeraudes, une comédie de Walt Disney, où elle pastiche son personnage excentrique (n’a t’on pas dit que la Norma Desmond de Sunset Boulevard était en grande partie inspirée d'elle ?). En 1970, elle publie ses mémoires, un vrai monument de suffisance. L’ancienne diva, souffrant d’une tumeur au cerveau et d’une pneumonie, s’est éteinte en 1987. Il paraît que peu avant sa mort, elle aurait pris sur son lit sa plus belle pose et dit au médecin venu la soigner « vous ne me reconnaissez pas ? Je suis la star Pola Negri ».
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Comme beaucoup de superstars du muet, on n’a plus guère l’occasion de revoir les films de celle qui fut à ses propres yeux « une grande artiste ». Dommage, car c’était vraiment une excellente actrice, et pas simplement une femme fatale fabriquée par les studios de cinéma. On peut également écouter ses disques repris en CD, à condition de n’être point rebuté par sa voix très rauque et chevrotante, mais emprunte du mystère d’une autre époque.

Pola Negri chante paradis :
Dernière modification par Music Man le 29 août 08, 07:18, modifié 4 fois.
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