En effet, Jirô Taniguchi, mangaka de profession, sait nous entrainer dans des athmosphères poêtiques et bien loin du manga "traditionnel" et de ses auteurs fétiches tel, Tezuka (Les 3 Adolf, Phoenix, Bouddha...), Urasawa (20th Century Boys, Monster, prochainement Pluto), Adachi (Rough, Touch, Katsu...), et bien d'autres.
Taniguchi a su imposer son style et sa cadence aux éditeurs, avec un rythme d'environ 400 planches par ans contre environ 1400 pour les autres mangaka.
Né le 12 Août 1947 à Tottori, Taniguchi a commencé le dessin au début des années 70 et entre dans l'univers du manga avec Kareta Heya , "Un été desséché", Toi koe et Namae no dai dobutsutachi.
Puis il se lancera dans une collaboration avec Natsuo Sekikawa entre 1976 et 1979, période durant laquelle ils publieront Muboi toshi ou "La ville sans défense", Nashikaze wa shiroi ou "Le Vent d'ouest est blanc", Lindo 3 et Hotel Harbour View. Des titres tournés plus "Hard Boiled" (violents...).
Durant cette période, Taniguchi va découvrir les oeuvres de Moebius et s'interesser un peu plus au style "européen", ce qui va être pour lui une grande source d'inspiration.
Toujours dans sa collaboration avec Natsuo Sekikawa, ils vont écrire une fresque historique en 5 tomes, Botchan no jidai ou "Au temps de Botchan" qui va servir de tremplins à sa carrière et qui va également lui permettre de remporter le "grand prix" aux Osamu Tezuka Award.
Et en 1990, il commence a trouver son rythme et devient donc "publiable" en europe avec des oeuvres beaucoup plus accessibles.
En 1987, Botchan no jidai, ou "Au Temps de Botchan"(5 tomes, 4 en France) :
Japon 1905. An 37 de l'ère Meiji. Natsume Soseki, l'un des plus grands écrivains japonais modernes, se coupe les ongles au soleil, sur la véranda de sa maison bucolique, pendant qu'un petit chaton noir se promène entre ses jambes. De retour d'Angleterre et passablement déprimé, il va se lancer dans l'écriture de son ’uvre majeure et jubilatoire : le célébrissime Botchan. C'est le point de départ choisi par le dessinateur Jiro Taniguchi et l'écrivain Natsuo Sekikawa pour dresser un panorama de la société japonaise, à travers les intellectuels et la littérature de cette époque. Au temps de Botchan est une gigantesque fresque romanesque qui couvre près de 1500 pages. Le temps semble s'y écouler paisiblement au moment même où le Japon, déjà fasciné par l'Occident, s'apprête à rentrer dans la modernité.
Max Schreck a écrit :
Et j'ai lu le premier tome d'Au temps de Botchan (dédicacé par le maître !), impressionnant par son ampleur et son humanisme. On a à la fois droit à un portrait de la société japonaise du début du siècle, avec ses soubresauts politiques, ses cercles artistiques, et à une biographie d'écrivain pleine de malice et de profondeur. Du très grand art.
Et je crois que c'est tout ce que j'ai lu...
Edition Seuil, sens ?, format ?, 15€ le volumeel_director a écrit :
L'expression "manga littéraire" colle particulièrement bien à cette oeuvre qui présente une certaine densité dans la rédaction. Ce qui rend, à mon sens, sa lecture plus difficile dans un premier temps. Le rythme est en effet marqué par des textes plus présents qu'à l'habitude chez Taniguchi et de nombreux renvois en bas de page qui malheureusement "cassent" parfois un peu la lecture. Etant donné qu'il s'agit de références bibliographiques ayant trait à des personnalités de premier plan du monde littéraire japonais, je me demande si tu tous ces renvois existaient en version originale...
C'est donc un manga pour laquelle il faut faire l'effort d'une lecture d'un seul trait pour un volume - malgré la longueur de chaque tome - pour vraiment capter l'ambiance qui s'en dégage. Ce manga est en effet passionnant pour sa description de l'ère Meiji, des tourments de l'âme japonaise dans son rapport à la "modernité", des moeurs de l'époque de façon plus générale. Sa narration est plus complexe qu'elle ne le semble au premier abord, entremêlant personnages et époques, avec une utilisation très subtile du flashback dans ce volume 3. Quant au dessin de Taniguchi, rien à redire évidemment : il est parfait.
Au final, je trouve cette série vraiment différente dans l'oeuvre de Taniguchi, différence essentiellement due, je pense, à sa collaboration avec Natsuo Sekikawa. Ce qui m'amène à me poser une question par rapport à la répartition des rôles : est-on dans un schéma dessin/Taniguchi, scénario/Sekikawa ?où Taniguchi collabore t'il aussi au scénario ?
En 1990, Blanca, ou "Le chien Blanco"( 2 tomes) :
Doué d'une force surnaturelle, le chien Blanco doit son don aux manipulations génétiques du professeur Yapkof qui l'a programmé pour tuer. Mais il recouvre sa liberté et les autorités militaires cherchent à l'éliminer pour que le monde reste dans l'ignorance des travaux du professeur. Il sera recueilli par un couple de chercheurs canadiens, Elen et David. Ce dernier sera assassiné pendant l'assaut donné par les chasseurs. La jeune femme se réfugie alors à l'université de Vancouver, et le secret de la force de Blanco est sur le point d'être percé.
Contrairement a ce que pourrait penser les mauvaises langues, cette oeuvre est bien loins des Lassie, Croc-Blanc, Rintintin et autres histoires de chiens.
En effet la violence est omniprésente et cette bd n'est pas à laisser dans toutes les mains comme pourrait l'être Quartier lointain.
Edition Casterman, sens européen, grand format, 9€ le volume
Toujours en 1990, Aruko hito, ou "L'homme qui marche" (one-shot) :
Qui prend encore le temps, aujourd'hui, de grimper à un arbre en pleine ville ? D'observer les oiseaux, de jouer dans les flaques d'eau après la pluie ? D'aller jusqu'à la mer pour lui rendre un coquillage ? L'homme qui marche, à travers ses balades souvent muettes et solitaires, nous invite à partager le bonheur de déambuler au hasard.
Sur cette oeuvre, Taniguchi nous invite à rêver et prendre le temps de vivre. Bien sûr cette lecture est accessible à tous.
Edition Casterman, sens européen, grand format, 12,75€Max Schreck a écrit :L'Homme qui marche est pour moi un chef-d'oeuvre de poésie, typiquement japonais dans sa façon de reporter l'attention sur les petites choses de la vie, le sentiment d'un vent frais. Le tout avec son tyle incroyablement réaliste et détaillé, qui parvient superbement à une narration minimaliste au possible.
En 1993, Keyaki no ki, ou "L'orme du Caucase" (one-shot) :
Chacune des nouvelles de ce recueil retrace une tranche de vie. Avec délicatesse, et par petites touches, Jirô Taniguchi campe des portraits de jeunes, de vieux, d’enfants à un moment difficile de leur existence. Comme la petite Hiromi, confiée provisoirement par sa maman à ses grands-parents, qui est terrorisée à l’idée d’être abandonnée. Ou comme M. Harada qui ne se résout pas à faire couper cet orme si beau et aux couleurs si subtiles, au simple prétexte qu’en automne, ses feuilles tombent dans la cour des voisins. Ou encore M. Iwasaki qui, par le plus pur des hasards, retrouve sa fille de 25 ans qu’il avait quittée alors qu’elle était encore bébé. Il finit par l’aborder, mais n’ose pas lui révéler son identité…
Tout comme Quartier lointain, Taniguchi arrive à nous toucher en plein coeur. Il nous décrit des sentiments purement et simplement.
Edition Casterman, sens européen, grand format, 12,75€
En 1995, Chichi no koyomi, ou "Le journal de mon père" (one-shot) :
Contrairement à l’impression suggérée par son titre, Le Journal de mon père n’est pas un récit autobiographique. Jirô Taniguchi a simplement “planté” son scénario à Tottori, sa ville natale, où il a tant de repères et de souvenirs. Le héros de cette histoire s’appelle Yoichi Yamashita et travaille à Tokyo dans une agence de design. Apprenant la mort de son père, il revient après une très longue absence à Tottori, la ville qui l’a vu grandir. Au cours d’une veillée funèbre très arrosée, le passé des années 50 et 60 ressurgit : l’incendie qui a ravagé la ville et la maison familiale, le dur labeur pour la reconstruction, le divorce de ses parents, ses souffrances d’enfant… Lors de cette veillée, chaque membre de la famille apporte un éclairage nouveau sur la personnalité de ce père que Yoichi tenait jusque-là pour responsable du désastre familial. Le fils réalise finalement, mais trop tard, qu’il a sans doute été le seul responsable de leur douloureuse incompréhension.
Les récits d'enfance, que Taniguchi écrit, sont toujours impressionnants de réalisme.
Edition Casterman, sens européen, grand format, 12,75€
gehenne666 a écrit :Un manga magnifique.
L'histoire raconté par un homme sur ses souvenirs d'enfances et les liens toujours plus distants qu'il a contracté vis à vis de son père possède une force d'évocation incroyable. La capacité de l'auteur à poser les bonnes questions, exposer les interrogation justes donnent un caractère résolument universelle à son histoire.
Un récit bercé par la nostalgie, les remors, les regrets, les questions demeurées sans réponses, les sentiments inavoués, les rancoeurs, les erreurs, toutes ses émotions qui traversent le personnage principal au fur et à mesure qu'est dévoilé son passé d'un point de vue différent du sien. Ce témoignage, toujours poignant, met à jour les ressentiments, les raisons qui ont poussé l'éloignement d'un fils et l'amour d'un père que l'on croyait distant, perdu corps et âme dans son travail.
Ainsi la mort révèle les non dits, apporte la lumière sur des évênements obscures par la vision infantile d'un garçon aveuglé par le départ de sa mère.
Comment ne pas trouver dans ce récit quelques détails personnels propre à vous donner une leçon ? Comme un bond dans l'avenir qui nous pousserai à modifier un présent afin d'arranger les relations que l'on entretient avec son père. Que son souvenir soit au plus près de la vérité, que l'on s'ouvre à cette vérité en oubliant tout grief personnel. Taniguchi nous place dans la peau de Yoichi et nous renvoie à nos erreurs, avec grâce et subtilité. Finalement notre vision est trop souvent étriquée par des considérations personnelles.
Qu'à réllement ressenti notre père ? qu'à t-il réellement pensé ? Ai-je bien interprété ses sentiments ? Qu'en pensent les gens autour de moi ? Qu'ont-ils ressentis eux aussi ?
Toutes ces questions dont les réponses arrivent trop souvent trop tard sont ainsi exposées par l'auteur. A nous aujourd'hui d'y trouver les réponses pour ne pas le regretter ultérieurement.
Le dessin toujours clairs, limpides et précis supporte à merveille le récit. Il peine seulement à représenter l'expressivité des visages. Mais les mots, justes, forts, suffisent parfaitement à retranscrir la détresse d'un fils qui aurait aimer témoigner davantage d'amour et de respect à son père aujourd'hui décédé.
Il n'est peut-être pas trop tard pour tout le monde...
En 1999, Harukana machi e, ou "Quartier lointain" (2 tomes) :bibou a écrit :Ayant lu Quartier lointain, il y a quelques temps, je me suis lancée dans la lecture du Journal de mon père.
J'ai trouve ce one-shot vraiment merveilleux. Les qualités de dessin et scénario, chez cet auteur, sont nombreuses. Le réalisme de ces histoires peut difficilement nous laisser indifférent ainsi que la qualité de ces dessins.
Personnellement, les histoires de Taniguchi m'amènent à réfléchir à la mienne, c'est ce que j'aime aussi, le fait de pouvoir s'identifier aux héros et se mettre dans la peau des protagonistes.
A lire absolument
Qui n’a jamais rêvé de retourner en enfance ? C’est exactement ce qui arrive à cet homme mûr, qui de retour d’un voyage d’affaires, fait un détour par sa ville natale, pour se recueillir sur la tombe de sa mère. Il est alors projeté dans le passé, où il revit une journée de son enfance, tout en gardant son caractère et son expérience d’adulte. Pour la première fois, il verra ses parents avec le regard de quelqu'un à même de les comprendre.
C'est certainement le premier manga qui m'ait fait autant cogiter, une histoire prenante et bien prenante.
Que feriez-vous si, vous aussi, vous pouviez changer votre passé et réparer vos erreurs ?
Nous faisons tous des erreurs dans notre vie et nous voudrions tous un présent et un futur plus beau.
-Kaonashi Yupa- a écrit : A L'Homme qui marche et Quartier lointain, deux très bons mangas, je préfère Le Journal de mon père, qui m'a beaucoup touché.
Edition Casterman, sens européen, grand format, 12,75€ le volumeOuf je veux repartir a écrit :Je lis actuellement "Quartier Lointain", Tome 2, et je pense que ces 2 bouquins vont devenir des livres de chevet, de ceux qu'on relit quand on a envie de se rassurer, de se confier. Un manga qui rentre dans votre intimité pour s'y installer durablement.
En 2000/2003, Kamigami no Itadaki, ou "Le Sommet des dieux" (5 tomes) :
Quand les hommes font face à la nature, c'est d'abord eux qu'ils affrontent. Qui mieux que Jirô Taniguchi pourrait nous le faire comprendre? À travers le regard et les souvenirs du héros-photographe Fukamachi Makoto, le lecteur pénètre dans un monde à part où cohabitent la dure loi de la montagne et la folle passion des hommes.
L'histoire du "Sommet des Dieux" est adaptée d'un roman très célèbre au Japon, écrit par Yumemakura Baku. Taniguchi rêvait de pouvoir le transposer en manga, c'est chose faite et avec maestria!
Entre poésie, action et suspense, ce manga nous emmène très loin au cœur de l'Himalaya…
Moi qui n'y connait rien en montagne, je n'étais pas très chaud pour attaquer cette oeuvre (mon porte-feuille non plus d'ailleurs...). Mais finalement, je me suis laissé emporter par la magie "made in Taniguchi". Le premier tome pose les bases d'une future histoire d'amitié, et le deuxième retrace le passé et les exploits d'un des protagonistes.
Bien que Taniguchi ne soit pas au scénario, le dessin reste quand même une étape importante dans la progression de cet ouvrage.
Edition Kana, sens original, grand format, 18,00€ le volume
En 2001, BenKei : A stranger in New York (one-shot) :Memento a écrit :
CHEF-D'OEUVRE !!!
Taniguchi est un génie. Parmi ce que j'ai lu de plus beau et de plus puissant en BD, tous styles confondus.
Encore les Tomes 4 et 5 à découvrir.
Si j'étais cinéaste, j'achèterais tout de suite les droits. Même si, objectivement, il ne faut pas avoir froid aux yeux pour s'atteler à une telle adaptation.
Meurtre à New York... un thème repris encore et encore, qui ne cesse d’alimenter les pensées et les scénarios d’auteurs de tout poil. Quand ce sont les japonais qui s’y mettent, ça donne Benkei in New York, one-shot époustouflant en tout point. Brillantissime à souhait au niveau d’un scénario composé de sept histoires indépendantes les unes des autres mais reliées au travers de la vision d’un même héros. Des aventures exceptionnelles au sein d’un univers noir et autour d’un dessin assidûment travaillé. Le thème du tueur à gages se renouvelle ici avec une dimension bien plus psychologique que dans Noir et se décline sur 222 pages orchestrées de main de maître par Jirô Taniguchi.
Pour l'instant pas d'édition française.Alan shore a écrit :
J'apporte ma pierre à l'édifice en citant un coup de coeur personnel, avec l'excellent BenKei : A stranger in New York. un one-shot uniquement illustré par Taniguchi et scénarisé par Jinpachi Mori, que l'on connait déjà en france pour le très agréable Tajikaro, l'esprit de mon village .
Un seul recueil donc, découpé en 7 histoires courtes, illustrant le quotiden d'un tueur à gage et de ses préceptes... Certainement son oeuvre la plus sombre pour le moment...
Tous les résumés en italique ne sont pas de moi, mais des sites des éditeurs.
Il se peut que quelques erreurs se soient faufilées, c'est assez compliqué de retracer une bio/bibliographie d'un auteur japonais...
Et enfin, après je ne vous embête plus, les infos récupérées proviennent de mes archives perso., de ma mémoire mais également de la toile.
Pour finir, si vous êtes friands de Bd, mais ne connaissez pas le manga, n'hésitez pas a vous lancer. Taniguchi comme beaucoup d'autres mangakas, est une valeur sûre. Et surtout accessible à tous car non-violent.