Alan Clarke (1935-1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Roy Neary
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Alan Clarke (1935-1990)

Message par Roy Neary »

Réalisateur méconnu, mais dont les films ont eu un fort impact chez ceux qui les ont découverts, l'Anglais Alan Clarke fait l'objet aujourd'hui d'une mise en lumière par DVClassik grâce à la chronique consacrée au coffret que lui dédie l'éditeur Potemkine.
L'analyses des 4 films ici présentés (Scum, Made in Britain, The Firm et Elephant) est signée de notre collaborateur Pierre Charrel. :)

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Stygma2
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Stygma2 »

Roy Neary a écrit :Réalisateur méconnu, mais dont les films ont eu un fort impact chez ceux qui les ont découverts, l'Anglais Alan Clarke fait l'objet aujourd'hui d'une mise en lumière par DVClassik grâce à la chronique consacrée au coffret que lui dédie l'éditeur Potemkine.
L'analyses des 4 films ici présentés (Scum, Made in Britain, The Firm et Elephant) est signée de notre collaborateur Pierre Charrel. :)

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Jack Carter
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Jack Carter »

vu su le site de Potemkine, un nouveau coffret avec 4 films serait dans les tiroirs... :)
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Jack Carter »

le 2 septembre

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Jeremy Fox
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Jeremy Fox »

Pierre Charrel nous parle de Rita, Susie et Bob Aussi qui vient de sortir chez Potemkine en DVD.
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Jeremy Fox
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Jeremy Fox »

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Profondo Rosso
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Profondo Rosso »

Penda's Fen de Alan Clarke (1974)

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Le questionnement entre passé et présent, l'hésitation entre la tradition païenne mystique et rurale avec une modernité sans magie est au cœur de nombreuses œuvres du cinéma anglais. The Wicker Man de Robin Hardy (1973), Akenfield de Peter Hall (1974), Excalibur de John Boorman, ou plus récemment A Field in England de Ben Wheatley évoquent chacun dans des approches très différentes le sujet. Penda's Fen est une œuvre culte du cinéma anglais sur la question et constitue un des travaux télévisés les plus fameux d'Alan Clark. Le film fut produit dans le cadre du programme tv Play for Today sur un scénario du dramaturge David Rudkin.

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Ce conflit entre passé et présent va s'incarner à travers le personnage de Stephen (Spencer Banks). Celui-ci est un adolescent austère, fils de pasteur et féru de morale religieuse. Tout le début du film nous montre cette quête d'absolu rigoriste qui l'isole de son entourage, que ce soit ses parents ou ses camarades de classes. Cette exaltation et quête d'absolu "divin" s'incarne dans la posture à la fois rigide (son exposé de classe où il fustige un programme télévisé démystifiant Jésus Christ) et habité quand il s'abandonne aux volutes de la symphonie des Variations Enigma d'Edward Elgar qui le fascine. Mais même cette obsession religieuse relève plus de la morale que du divin et parait totalement inapproprié pour un être si jeune. Peu à peu Alan Clarke instaure une atmosphère étrange où la réalité se dérègle et vient troubler les certitudes de Stephen. Le passage à l'âge adulte se conjuguera donc à la révélation intime et mystique. Stephen est un être inaccompli d'une manière qui va se révéler à travers l'intrigue où sa filiation, sa sexualité et sa spiritualité réprimée. Alan Clarke introduit un onirisme progressif qui s'affirme dans les rêves avant d'investir le réel où les apparitions étranges révèlent à Stephen le secret de l'Angleterre ancestrale. Elgar dévoile ainsi l'énigme tapi dans ses Variations, et le roi Penda considéré comme le "père de l'Angleterre" vient l'adouber. Alan Clarke entremêle constamment la dimension intime à cette bizarrerie ambiante, l'ouverture au monde du personnage se faisant par son acceptation sexuelle et la connaissance de ses origines. Dès lors de furtive en ambiguë la magie peut pleinement se déployer avec une magnifique et ultime rencontre avec Penda, où le paysage rural symbolise par sa seule majesté toute cette Angleterre de contes et légendes. 4,5/6

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Profondo Rosso
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Re: Alan Clarke (1935-1990)

Message par Profondo Rosso »

Rita, Sue and Bob Too (1987)

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Rita (Siobahn Finneran) et Sue (Michelle Holmes), deux jeunes femmes vivant dans le Yorkshire de la fin des années 1980 tombent sous le charme de Bob (George Costigan), un père de famille les employant comme baby-sitters. Pareillement séduit par ses employées d’un soir, l’homme entame bientôt avec elles une relation…

Rita, Sue and Bob Too, par sa tonalité de comédie sexuelle potache apparaît comme une sorte d’anomalie dans l’œuvre plutôt âpre d’Alan Clarke. Ce dernier a jusque-là établi sa renommée, au cinéma et à la télévision, sur son regard sombre et sans concession de l’Angleterre des années Thatcher dans des œuvres comme Scum (1977 pour sa version télévisée, 1979 pour la version cinéma), Made in Britain (1982), The Firm (1989) et Elephant (1989). Rita, Sue and Bob too n’en est en définitive pas si éloignée dans l’arrière-plan mais le parti-pris du récit change finalement la donne nihiliste.

Le projet est la fusion en un scénario de deux pièces de Andrea Dunbar, Rita Sue and Bob Too et The Arbour, jouées au Royal Court Theater. Andrea Dunbar s’y inspire de son adolescence chaotique et de ses aventures sexuelles de l’époque. Elevée dans une famille pauvre de sept enfants dans la cité ouvrière de Bradford, Dunbar va encore mineure tomber enceinte trois fois et de pères différents, la rédaction de The Arbour se faisant grâce aux encouragements d’un professeur alors qu’elle attend son premier enfant à l’âge de 15 ans. Alcoolique précoce, elle vivra des aides sociales et s’occupera plutôt mal que bien de ses enfants avant de décéder prématurément à l’âge de 29 ans en 1990. Le déterminisme social le plus sordide va d’ailleurs frapper ses enfants également puisque sa fille aînée Lorraine devenue junkie sera condamnée en 2007 pour homicide involontaire en causant la mort de son enfant ayant ingurgité de la méthadone, et son autre fille Lisa mourra d’un cancer en 2018. Andrea Dunbar demeure pourtant pour ses excès, cette vie cabossée et la manière dont elle en fit un art une figure assez mythique en Angleterre puisqu’une pièce fut consacrée à sa vie avec A State Affair en 2000, le film biographique The Arbor de Clio Barnard (2010), ainsi qu’un roman inspiré de sa vie avec Black Teeth and a Brilliant Smile d’Adelle Stripe publié en 2017 et également adapté sur scène.

Le film est donc la rencontre parfaite entre le style aride d’Alan Clarke et la verve d’Andrea Dunbar qui en signe le scénario. Tout le côté sinistre de la réelle existence de l’autrice est totalement présent dans le film, mais se déploie comme une sorte de fantasme, d’idéal si les choses avaient mieux tourné pour elle. La scène d’ouverture est un long plan-séquence qui pose ce contexte de déterminisme social et de misère, la caméra y accompagne la silhouette titubante du père de Sue (Michelle Holmes) arpentant ivre mort leur sordide quartier de HLM délabré, avant que le relai soit transmis à Sue qui nous fait découvrir plus avant cet environnement misérable lorsqu’elle rejoint sa meilleure amie Rita (Siobhan Finneran). Les deux adolescentes effectuent régulièrement du baby-sitting pour le couple formé par Michelle (Lesley Sharp) et Bob (George Costigan). Un soir où ce dernier les raccompagne en voiture, il se met à les titiller sur leur vie sexuelle et le mélange d’ignorance, d’espièglerie et de curiosité des deux jeunes filles amènent au dépucelage décomplexé des deux jeunes filles dans l’étroitesse de l’automobile. C’est le début d’une folle liaison qui va mettre en émoi les mœurs de la petite ville.

Le film se pose comme une sorte de Sérénade à trois ou Jules et Jim dont on aurait retiré toute l’aura de tragédie, cette dernière étant inutile au vu du cadre sordide suffisamment chargé où vivent les personnages. Pas le temps de s’appesantir sur des grands questionnements métaphysiques, il s’agit de prendre le plaisir où il est et quand on le peut dans une existence qui n’en offre guère. Dès lors le côté irresponsable et coureur de Bob est exposé sans être jugé ni fustigé (mais expliqué sans être validé par le peu d’attrait de son épouse pour la chose, tout comme l’attrait des deux amies encore lycéennes autant poursuivantes que poursuivies de cette liaison dans une pure logique hédoniste. Alan Clarke se déleste de tout misérabilisme alors qu’il expose pourtant crûment le contexte familial, social et géographique des deux jeunes filles, annonçant pour elle une existence peu réjouissante. On comprend davantage que l’on subit le quotidien des personnages et d’où ils viennent, le ton se faisant souvent rieur et chargé de dérision. Alan Clarke a engagé pour les seconds rôles un casting de comiques de scène, qui amène avec eux un mélange de résignation, de désespoir rigolard qui consterne autant qu’il suscite de francs éclats de rire là où il ne faudrait pas. Willie Ross jouant le père de Sue déblatère les pires insanités misogynes et racistes d’un timbre altéré par l’alcool, tenant à peine debout, et s’avère un pauvre bougre écrasé par la vie plutôt qu’un patriarche abusif, ignoré par sa femme et ses enfants.

Notre trio amoureux représente l’étape d’avant cette déchéance qui, s’il ne peut surmonter le déterminisme social peut le contourner en se perdant dans les plaisirs de la chair. Alan Clarke évite toute esthétisation, tant dans son casting fait de filles « du cru » délesté de glamour, que dans le filmage des scènes de sexe totalement spontanées et sans l’artificialité d’une sensualité trop explicitement « cinématographique ». L’usage aussi virtuose qu’invisible de la steadycam est vraiment déterminant dans ces moments-là, notamment la scène de sexe initiale qui détermine tout ce que sera la relation par la suite. Le progressisme provocateur du film consiste à voir les personnages constamment inaccomplis quand ils expérimentent les relations monogames classiques. Bob est frustré sexuellement dans son couple marié, Sue se sent étouffée par le côté patriarcal et traditionaliste durant la liaison qu’elle va entamer avec un Pakistanais (l’occasion d’exposer le racisme ambiant à travers les regards extérieurs sur cette relation). Quant à Rita, un temps seule en couple avec Bob, son corps va également comme trahir un acte manqué lorsqu’elle fera une fausse-couche en étant enceinte de lui.

Le seul équilibre qui tienne, c’est une runion trioliste immorale aux yeux des autres mais idéale pour eux. Cet état transcende tous les maux précédemment évoqués. La sororité surmonte la possible jalousie lorsque Rita extirpe Sue des griffes d’un amant violent pour vivre avec elle et Bob, et ce dernier est paradoxalement renversé dans ses réflexes patriarcaux en acceptant joyeusement de se faire dicter sa loi par les deux femmes de sa vie. Alan Clarke fait passer tout cela sans discours lourdaud et s’appuie sur la fraîcheur et spontanéité de ses remarquables interprètes, ainsi que sur une mise en scène parfaite d’évocation. La dernière scène est un trait de génie à ce titre, avec un Bob renvoyé dans les cordes par ses amantes et arpentant la maison comme une âme en peine (mais qui va faire la cuisine ?). Le plan-séquence final le montre se délester une ultime fois de ces questionnements stériles pour simplement rejoindre Rita et Sue qui l’attendent dans la chambre et partager ce qui les a rapprochés, le sexe ! - et ultime provocation en souillant une couette aux couleurs de l'Union Jack. La pulsion violente qui guide habituellement les personnages d'Alan Clarke est remplacé par une autre, plus positive. 5/6
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