Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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wontolla
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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par wontolla »

Jodaeiye Nader az Simin

"Une séparation" est le premier film d'Asghar Farhadi que je vois. Certains acteurs ont déjà joué dans About Elly (que je dois encore visionner), pour d'autres, c'est le premier rôle.

Je ne sais si le titre iranien correspond à sa traduction en français, mais quoiqu'il en soit, "Une séparation" est bien le thème majeur du film. J'écrirais même "des séparations".

- celle d'un homme et d'une femme: Nader (Peyman Moadi) et Simin (Leila Hatami);
- celle d'un vieillard atteint de la maladie d'Alzheimer d'avec le monde extérieur (un excellent Ali-Asghar Shahbazi dont c'est le premier rôle);
- celle entre femmes et hommes
- entre classes sociales
- entre un monde qui s'ouvre à la modernité et un autre régit par les lois religieuses

S'y ajoutera une autre séparation, ultime (ne pas lire le spoiler si vous désirez voir le film)
Spoiler (cliquez pour afficher)
lorsque, tout à la fin, lorsque Termeth (Sarina Farhadi !) la fille de Nader et Simin doit choisir entre son père et sa mère à la demande du juge et s'en ira, passant entre eux deux sans en choisir aucun pour une voie qui ne sera pas dévoilée par le réalisateur.
Toutes ces séparations, ces tensions entre des mondes différents sont très bien rendues par Farhadi (réalisateur, scénariste et producteur). Le film dure près de deux heures. C'est probablement un peu long mais nécessaire pour mener de front plusieurs thèmes: l'histoire d'un couple, le monde moderne et ancien, le système juridique,... J'y lis aussi une distinction entre "vérité" et "réalité".

Un thème également présent, celui de la (non) culpabilité [et de la (non) responsabilité]. S'y associe aussi celui de la réparation. La question du mensonge, autrement abordée par Abbas Kiarostami dans Nema-ye Nazdik (Close-up, 1990) est également présente dans le film.

Pour le reste, d'autres plus compétents que moi pourront rendre compte.
Dernière modification par wontolla le 8 juin 11, 23:12, modifié 2 fois.
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-Kaonashi-
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Re: Jodaeiye Nader az Simin (Asghar Farhadi - 2011)

Message par -Kaonashi- »

C'est sympa de vouloir mettre le titre original dans le titre, mais ce n'est pas pratique, et après tout n'y a-t-il pas un titre d'exploitation français ?
Parce que, à ce rythme-là, autant que tu nous parles carrément de جدایی نادر از سیمین, et puis ensuite on parlera de 花樣年華, de 오아시스, de Иваново детство, de Μια αιωνιότητα και μια μέρα, de 悪い奴ほどよく眠る, de कभी खुशी कभी ग़म, de Przypadek, de Sånger från andra våningen, de Kauas pilvet karkaavat, etc... :mrgreen:
ça ferme la conversation aux seuls initiées, et aussi à ceux qui peuvent afficher toutes ces différentes écritures.

Quant à la traduction exacte du titre original, lexilogos me propose "Séparation des rares Simin". :?:
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wontolla
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Re: Une séparation (Jodaeiye Nader az Simin; A. Farhadi - 20

Message par wontolla »

Ouups. J'ai créé le topic et je croyais que la règle était d'indiquer le titre original.
(et pas moyen de mettre les deux par manque de place).
J'ai édité. :wink:
riqueuniee
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par riqueuniee »

Il n'y a pas de règle , apparemment, à ce propos. En ce qui me concerne, j'utilise pratiquement toujours les titres français (ou plus exactement uilisés en France). Ca facilite tout de même la compréhension.
J'ai parfois été obligée de chercher pour savoir de quel film il s'agissait , alors que je connaissais le film en question.
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Nestor Almendros »

SPOILERS :wink:

Encore une pépite qu’on n’attendait pas et qui fait rudement plaisir, surtout venant de cette partie du monde. Je suis très heureux de voir un film potentiellement grand public provenant de ces pays-là. Ce n’est pas un retournement de veste de ma part mais une heureuse constatation car c’est avec ce genre de film, à l’histoire prenante et universelle, que ces cinémas difficiles à monter et marginaux dans nos pays peuvent se démocratiser aux yeux du grand public. Cela change un peu des régulières œuvres cinéphiles (possiblement réussies mais certainement un peu élitistes aussi) qui peuvent décourager les curieux.

Je vais déjà retenir le nom d’Asghar Farhadi qui fait ici un travail remarquable, tant dans la mise en scène (intense et intimiste à la fois) que dans l’écriture. Je m’aperçois après quelques recherches que j’ai vu son précédent film A PROPOS D’ELLY il y a deux ans. Or j’y ai pensé tout à l’heure pendant la projection sans savoir qu’il s’agissait du même auteur. Car on retrouve dans les deux films la capacité à construire un scénario qui marie vision sociale et réalisme du quotidien tout en racontant une histoire avec un angle qui la rend absolument passionnante et très cinématographique : UNE SEPARATION est un drame domestique qui prend des allures de thriller. La triste séparation du couple est ainsi balayée par un drame social qui est tourné de façon très prenante, il y a un vrai suspense et un réel malaise. On est surpris par le caractère spectaculaire de ces situations presque anodines densifiées par le regard de Farhadi.

La petite cerise sur le gâteau c’est que l’écriture reflète en même temps des caractéristiques sociales de l’Iran. UNE SEPARATION, en plus du divorce du couple principal, peut aussi être vue comme celle d’une société divisée entre riches et pauvres, ou entre religieux pratiquants et non pratiquants. Le film fait se rencontrer tous ces univers différents et opposés grâce à ses personnages. Mais comme dans A PROPOS D’ELLY le cadre est moderne et l’illustration plus nuancée, avec des personnages éloignés des clichés conservateurs ou rétrogrades. Le couple principal se révèle souvent tolérant, ouvert, sans pratiquer la religion (même si les femmes portent le tchador). L’aide-soignante et son mari se reposent, eux, beaucoup plus sur l’Islam. Ils sont pauvres, moins éduqués, et soumis au Coran. Le film montre une religion qui, pratiquée à la lettre, n’est pas en phase avec son temps, ou en contradiction avec l’innocence du geste. L’aide-soignante, par exemple, ne peut toucher un autre homme que son mari : or elle est obligée d’aider le vieillard ce qui lui cause des tourments intérieurs très difficiles à concilier. C’est par de simples exemples comme celui-ci que le film pose un regard assez juste sur les contradictions de traditions solidement ancrées. Et, englobant la question religieuse, on analyse également la place de la femme et ses libertés au sein de la société iranienne : celle-ci, quand le respect de la religion est trop assidu, devient immobilisée par les contraintes. Par exemple elle ne peut avouer à son mari qu’elle travaille chez un célibataire. La femme est encore soumise à l’accord du mari, dans quelque situation que ce soit.

La scène finale semble résumer la vision désabusée du cinéaste : le clivage traditionnel de la culture iranienne entre l’homme et la femme est encore très solide, même avec des personnages modernes, tolérants, ancrés dans leur époque. Car si l’épouse fait preuve de bonne volonté en proposant de revenir, le mari campe sur ses positions et « obtient séparation ». Le plus triste, évidemment, c’est qu’il y a une victime : l’enfant. Farhadi insiste régulièrement tout au long du film sur le regard de cette jeune fille et de l’importance de ce regard sur ses parents (le père est très préoccupé par le jugement que sa fille peut avoir de lui). Mais elle est une victime silencieuse qui voit son cocon familial exploser et à qui on impose un choix immoral pour un enfant, lorsque le juge lui demande avec qui elle voudra aller vivre. C’est un moment extrêmement triste qui montre avec force et cruauté le désastre d’un monde adulte enraciné dans des habitudes intouchables, incapable d’offrir une stabilité à ses enfants.
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Jordan White
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Jordan White »

La presse est dithyrambique et unanime.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_g ... 89616.html
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Boubakar
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Boubakar »

Au Masque et la plume, les avis sont extatiques, même Eric Neuhoff, ce qui m'intrigue beaucoup.
G.T.O. va-t-il voir ce film ?
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Karras
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Karras »

Il rentre directement sur le podium du classement dvdclassik en première semaine :D
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Joe Wilson »

Un film d'une belle ampleur dramatique, porté par une tension qui se renouvelle sans cesse. Farhadi montre que ce qui est visible pour l'un ne l'est pas forcément pour un autre. La vérité inaccessible est enfouie, et le mécanisme judiciaire est scruté avec beaucoup de rigueur, miroir d'une société face à ses luttes, ses déchirements, ses espoirs déçus et ses illusions muettes.
Les deux familles conservent à chaque instant une dignité et une fierté, grâce à la force du regard de Farhadi, observateur obstiné et lucide de ces rancoeurs et ces ressentis déchaînés.
Cependant, j'ai davantage été impressionné qu'ému : je regrette l'aspect trop mécanique du récit, privilégiant parfois l'efficacité au détriment de respirations. C'est un choix cohérent, mais qui prend le risque d'une multiplication des rebondissements, jusqu'à une surenchère. Mais la proposition demeure passionnante.
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par G.T.O »

Boubakar a écrit :Au Masque et la plume, les avis sont extatiques, même Eric Neuhoff, ce qui m'intrigue beaucoup.
G.T.O. va-t-il voir ce film ?

J'irai peut-être mais à dire vrai le thème ne m'intéresse pas beaucoup en ce moment.
Tu as raison de signaler qu'une telle unanimité a toujours quelque chose de suspecte... :mrgreen:
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Père Jules
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Père Jules »

Jordan White a écrit :La presse est dithyrambique et unanime.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_g ... 89616.html
Si Première se met à aimer des films autres qu'Hollywoodiens, où va l'monde ? :mrgreen:
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Mama Grande! »

Père Jules a écrit :
Jordan White a écrit :La presse est dithyrambique et unanime.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_g ... 89616.html
Si Première se met à aimer des films autres qu'Hollywoodiens, où va l'monde ? :mrgreen:
Première aime tous les films un tant soit peu consensuels.
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par riqueuniee »

Premiere aime ce film
Premiere aime les films un tant soit peu consensuels
Donc ce film est consensuel ?
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Mama Grande!
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Mama Grande! »

riqueuniee a écrit :Premiere aime ce film
Premiere aime les films un tant soit peu consensuels
Donc ce film est consensuel ?
Je l'attendais celle-là... je n'utilisais pas le terme "consensuel" dans un sens péjoratif, mais dans le sens de "film qui fait la (quasi) unanimité". Et je crois que c'est le cas d' Une séparation. C'est pour ça que je ne trouve pas surprenant qu'ils aient aimé.
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Père Jules
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Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Père Jules »

En même temps, et je ne parle pas de ce film que je n'ai pas vu qui est sans doute très bon, il est de bon ton actuellement de promouvoir tout ce qui pourrait paraître comme une résistance au régime actuel iranien. Pas étonnant donc de lire toutes ces dithyrambes.
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