La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Cary Grant
Assistant(e) machine à café
Messages : 119
Inscription : 15 déc. 03, 22:00

La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Cary Grant »

Ce film d'Henri Decoin, réalisé en 1952, est une adaptation d'un roman de Simenon tournée à Nice, aux fameux studios de la Victorine. La mise en scène de Decoin explore à merveille les recoins de ce drame, dont l'effeuillage sous forme de flash back permet de comprendre les tenants et aboutissants du désespoir languide d'une jeune femme trop idéaliste, trop "bovaryste" pour vivre dans un univers bourgeois et résister à la rudesse d'un mari peu attentioné, attaché à ses affaires et à ses maitresses, avant de l'être à sa propre épouse. Sombre, voire tragique dans ses derniers retranchements, le film sert d'écrin à l'époustouflant couple Jean Gabin/Danielle Darrieux, qui passent d'un simili bonheur à la perdition, de la lumière à l'obscurité. La narration sert la drôle mélancolie d'un Gabin cherchant à comprendre et expliquer le geste criminel de son épouse, et la musique de Jean-Jacques Grünenwald, que j'ai trouvé très moderne, renforce cette impression.
Et comme le dit très justement Jean-Jacques Bernard dans sa présentation du film sur Ciné Classic, le tout est un classique impérissable... :wink:
"All you need to start an asylum is an empty room and the right kind of people"
Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18363
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Re: La Vérité sur Bébé Donge

Message par Kevin95 »

Cary Grant a écrit :Et comme le dit très justement Jean-Jacques Bernard dans sa présentation du film sur Ciné Classic, le tout est un classique impérissable... :wink:
Pas encore vu, mais enregistré sur Classic ! :wink:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
bogart
Réalisateur
Messages : 6526
Inscription : 25 févr. 04, 10:14

Message par bogart »

Ayant moi-même créé plusieurs "TOPIC" concernant le cinéma français avec plus ou moins de succès, je ne pouvais qu'apporter ma contribution à celui-ci.

Ceci étant dit, La Vérité sur Bébé Donge est un excellent drame de Henri Decoin qui retrouve pour l'occasion Danielle Darrieux (ex femme) qu'il avait dirigée dans nombre de films à ses débuts.
Dans ce film, elle se révèle bien loin de ses rôles d'ingénues et compose un vrai personnage féminin...
Son partenaire Jean Gabin, plus en retrait, lui donne la réplique avec le talent qu'on lui connaît.



Conclusion : Vivement un dvd !!
Image
Cary Grant
Assistant(e) machine à café
Messages : 119
Inscription : 15 déc. 03, 22:00

Message par Cary Grant »

Merci de sauver ce sujet à l'étrange insuccès...

c'est un film relativement connu pourtant.
Personne ne l'a vu ?
"All you need to start an asylum is an empty room and the right kind of people"
kim
Assistant(e) machine à café
Messages : 263
Inscription : 27 juil. 04, 14:22

Message par kim »

Bébé Donge a beau ne pas avoir le succés escompté, il n'en reste pas moins que Cary Grant m'a fortement donné envie de le voir! :)
Merci de nous transmettre ta passion, qui donne le goût du cinéma et grâce à quoi l'on découvre d'autre réalisateurs, d'autre films.
Alisou Two
Doublure lumière
Messages : 611
Inscription : 26 mai 07, 15:51

Re: La Vérité sur Bébé Donge

Message par Alisou Two »

excellente distribution d'un film méconnu que cinéclassics re-diffuse en octobre 2010
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17045
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: La Vérité sur Bébé Donge

Message par Watkinssien »

C'est, pour moi, le plus beau film de Decoin et l'adaptation d'une oeuvre de Simenon que je préfère.

Une oeuvre noire, constamment cruelle et pourtant parfaitement romanesque, en tous cas totalement subversive.

Decoin maîtrise totalement son récit et sa mise en scène, et l'interprétation est aux petits oignons.
Image

Mother, I miss you :(
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Strum »

C'est un très beau film en effet. Ne connaissant pas très bien Simenon, j'ai pensé à du Mauriac en plus cynique en voyant le film. C'est une histoire sinistre et cruelle, charriant une espèce de fatalité amère. Ce n'est pas à cause de cette fatalité que l'on s'y laisse prendre, mais parce que le film parvient à créer des moments de douceur, notamment dans les yeux de Danielle Darieux et dans la voix de Gabin, affaiblie par son empoisonnement, mais aussi dans les variations de lumière, ainsi des scènes dans la chambre à l'hopital. Chaque moment de douceur, chaque instant de rémission du travail du poison dans le corps de Gabin, nous fait espérer une fin heureuse, mais la scène suivante écrase à chaque fois cette espérance. C'est ce mélange de douceur et de cynique amertume que l'on retient du film. En revanche, le personnage de Darieux n'est pas du tout "bovaryste" comme il est dit ci-dessus. Il est bien plus beau et beaucoup moins futile que cela.
Avatar de l’utilisateur
Profondo Rosso
Howard Hughes
Messages : 18479
Inscription : 13 avr. 06, 14:56

Re: Notez les films naphtas - Mai 2011

Message par Profondo Rosso »

La Vérité sur Bébé Donge de Henri Decoin (1952)

Image

Elisabeth Donge dite: "Bébé Donge" a empoisonné son époux, François Donge. Ce dernier, sur son lit de souffrance revit les moments clés de sa vie avec Bébé, qui l'ont amené dans cette chambre de clinique. Gros industriel et collectionneur de jolies femmes, François a épousé Elisabeth d'Onneville, plus par lassitude que par amour. Bébé, jeune fille idéaliste et passionnée, n'a pu trouver en lui ce qu'elle attendait. Dix ans plus tard, cruellement déçue, elle a empoisonné son mari.

La Vérité sur Bébé Donge est la troisième adaptation de Simenon pour Henri Decoin (après Les Inconnus dans la maison en 1942 et L'Homme de Londres en 1943) qui signe là un de ses meilleurs films en plus de relancer la carrière de celle qu'il contribua à lancer, Danielle Darrieux. Un construction audacieuse entre passé et présent va contribuer à nous dépeindre le désagrégement d'un couple formé par Jean Gabin et Danielle Darrieux. Le présent nous montre un Gabin agonisant sur son lit d'hôpital empoisonné par son épouse et loin de lui en tenir rigueur, c'est au contraire le regret de son attitude passée envers elle qui s'amorce en flashback et nous fait comprendre comment on en est arrivé là.

François Donge (Jean Gabin) est donc un riche industriel provincial, farouchement indépendant et amateur de femme. Séduit par la candeur de sa future belle soeur Bébé (Danielle Darrieux) il finit pourtant par l'épouser sans changer d'un pouce ses habitudes. Le scénario dépeint de manière grinçante les moeurs de cette bourgeoisie provinciale pour qui tout n'est qu'apparence. Les mariages les plus stables sont ceux arrangés par l'entremetteuse jouée par Gabrielle Dorziat et ceux qui s'unissent pour de réels sentiments finissent broyés par leur contexte. Jean Gabin incarne ainsi cet homme tout puissant et égoïste pour lequel le mariage n'est qu'une formalité de façade qui va briser les élans romantiques d'une Danielle Darrieux constamment en demande d'affection. Entre adultères, répliques cinglantes et indifférence le quotidien finit par installer le couple dans l'habitude (superbe montage sur dix années se faisant au rythme des soirées d'anniversaires de mariage) mais cela ne peut suffire à la passionnée Bébé qui va alors commettre l'impensable.

Le présent inverse le rapport avec une Bébé désormais insensible et distante envers cet homme qui l'a tant déçue alors que la flamme se ranime chez François Donge enfin conscient de son attitude et qui souhaite la reconquérir. Danielle Darrieux est également captivante en jeune mariée lumineuse et folle d'amour qu'en femme mûre austère (la quasi tenue de deuil du présent répondant aux robes stylisée aperçues dans les flashback) tour à tour aimante et vive puis d'une retenue guidée par la rancoeur tenace. Gabin est déploie tout son registre pour nous intéresser à ce personnage fort détestable et imbu de lui-même, sa rédemption finale s'avérant très touchante dans son inutilité. Le portrait se fait tout aussi féroce en toile de fond avec cette communauté (y compris les proches) prête à étouffer le crime pour maintenir l'illusion intacte sauf pour narguer l'adversaire (Le malheur vous va bien...). La mise en scène de Decoin, sobre et précise n'en est pas moins doté de belles idées comme ses effets de flous amorçant étonnamment les retours en arrière où cette séquence finale où la voiture transportant Bébé disparait dans la nuit noire. Malgré quelques petites longueurs un pur diamant noir et sans espoir (le fait de ne jamais voir leur enfant n'est sans doute pas innocent) qui rappelle pas mal certaines futures atmosphères qu'on verra chez Claude Chabrol . 4,5/6
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99431
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Jeremy Fox »

Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13959
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Alexandre Angel »

Image
De ce corpus de films interprétés par Jean Gabin et frappés du sceau de l'amertume (du Désordre et la Nuit au Chat, en passant par Le Sang à la tête), La Vérité sur Bébé Donge, que réalise Henri Decoin en 1952 en constitue probablement le chef d'œuvre, tout comme celui de son auteur.
Découvrir le film équivaut à être frappé, saisi même, par son exceptionnelle densité, sa complexité romanesque ainsi que par la qualité incandescente de son inspiration.
Les dix premières minutes de La Vérité sur Bébé Donge sont relativement déconcertantes.
On a l'impression de débarquer sans mode d'emploi dans un monde, un "beau monde" même, qui a commencé sans nous, qui n'a pas eu la politesse de nous attendre et ce, dès l'entame à la clinique où l'on sent que ces gens-là se connaissent; et le plaisir que prend le docteur Jalabert, qu'interprète avec une morgue digne des inquiétants mandarins de 7 Morts sur ordonnance l'excellent Jacques Castelot, d'humilier Jean Gabin en ordonnant à l'infirmière de lui piquer le fondement est sans équivoque : "Ça fait 6 heures qu'on s'échine à vous vider les boyaux par tous les moyens connus. Malheureusement il n'y en a que deux : le haut et le bas! Alors la dignité.. Fesse gauche!" .
Il faudrait d'ailleurs répertorier toutes les répliques du film, qu'elles donnent dans l'amertume, le cinglant ou l'anodin, qui surprennent par leur ton à la fois acide et littéraire.
Mais revenons à ce début, à cette construction immédiatement kaléidoscopique similaire à celle de La Chambre bleue, d'Amalric, autre adaptation de Simenon. Il faut un certain temps pour comprendre qui est François Donge (Gabin) et de quoi sont tissés ces rapports entre lui, son frère et l'entremetteuse Gabrielle Dorziat, que l'on croirait sortie d'un roman d'Edith Warton. Le contraste entre les manières "gabiniennes" et cette noblesse provinciale est d'autant plus saillant que Donge et son frère y semblent à l'aise, comme en terrain conquis.

Et qu'est ce que c'est que cette histoire de loukoums???

Ce malaise ne se dissipe jamais, entretenu qu'il est par une confluence d'états d'esprit composites et exigeants, qui viennent hisser le film bien au delà du drame plus banalement fataliste qu'il aurait pu être entre des mains moins inspirées.
Le film, et son texte, semblent constamment avoir de l'avance sur le spectateur, ce qui génère un fort sentiment d'écriture affûtée, cinglante.
Un exemple. La scène de séduction, qui aboutit au classique premier baiser, entre Donge et Bébé, est un bijou de mise en place saccadée, comme par à-coups, Gabin interrompant à deux reprises une parade amoureuse menée par Darrieux pour aller jouer aux cartes. Le rythme de l'échange, sa tension, ne cessent de nous prendre par surprise.
Et c'est à l'image du reste, visité d'effluves qu'insufflerait aussi bien Jacques Becker, que le Bresson mondain des Dames du Bois de Boulogne (la musique de Jean-Jacques Grunenwald n'y est pas pour rien).
Le tout nimbé d'une poésie clinique, fiévreuse, vaguement hallucinatoire, nous faisant partager l'agonie de Gabin à la façon dont Paul Thomas Anderson s'emparait de notre imagination viscérale avec un Phantom Thread également placé sous le signe de l'empoisonnement. Etrange résonnance moins funeste chez Anderson alors que surgit chez Decoin, à intervalles régulières, Danielle Darrieux, en ange de la mort qui contraste avec son personnage de gamine idéaliste, que Decoin avait déjà malmené dans Retour à l'aube.

Et ce dernier plan de voiture qui s'enfonce dans les ténèbres achève de rendre presque plus énigmatique que sombre cette histoire atterrante d'innocence saccagée.
Image
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Ouf Je Respire
Charles Foster Kane
Messages : 25906
Inscription : 15 avr. 03, 14:22
Localisation : Forêt d'Orléans

Re: La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Ouf Je Respire »

Rhââ, les "7" de Télé 7 jours et les "T" de Téléstar! Toute mon enfance! :D
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
« Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. » André Gide
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13959
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: La Vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin - 1952)

Message par Alexandre Angel »

Ouf Je Respire a écrit :Rhââ, les "7" de Télé 7 jours et les "T" de Téléstar! Toute mon enfance! :D
Il manque l'odeur, mais bon..
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Répondre