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Critique de film
Le film

Zatoichi 7 : Zatoichi's Flashing Sword

(Zatôichi abare tako)

L'histoire

Zatoichi's Flashing Sword : Ichi est atteint dans le dos d’une balle tirée par un tueur embusqué. Des paysans découvrent son corps et un médecin soigne sa blessure. Ichi apprend qu’une jeune femme, Kuni, a payé pour ses soins. Il part à la recherche de la mystérieuse demoiselle et découvre qu’elle est la fille de Bunchiki, un parrain honnête et loyal qui lui offre le gîte. Yasugoro, le parrain de la ville voisine, convoite le passage du fleuve, grande source de revenus, dont Bunchiki a la charge. Il compte déclencher une guerre sous l’œil complice du potentat local. Ichi apprend que c’est le fils de Bunchiki, Seiroku qui, manipulé par Yasugoro, lui a lâchement tiré une balle dans le dos.

Analyse et critique

Kazuo Ikehiro ouvre sa seconde participation à la saga par une introduction emblématique du Zatoichi de cet épisode : une mouche agace Ichi, et nous suivons sa course virevoltante en vue subjective. D’un coup, Ichi tranche l’air de sa lame et quatre mouches tombent au sol. Les facultés du sabreur aveugle sont de plus en plus surhumaines et Ikehiro entend bien installer définitivement Zatoichi dans la légende, poursuivant le mouvement amorcé qui amène Ichi de personnage solitaire et tourmenté vers une véritable icône justicière. Dorénavant Ichi est une figure morale, prêt à dénoncer les tares d’une société déliquescente. Ainsi nous allons de nouveau être au cœur d’une intrigue pour le pouvoir mêlant yakuzas et seigneurs dans une débauche d’ignominies et de manipulations. Mais cette volonté de poursuivre la voie tracée par Mort ou Vif est malheureusement quelque peu malmenée par un scénario plus convenu, où le pouvoir seigneurial est en retrait, le récit reportant sur la figure classique du yakuza sans scrupule les tares de la société. La critique sociale n’est plus qu’esquissée et la corruption qui a gagné la hiérarchie shogunale n’est plus qu’une toile de fond. On est de nouveau face à une guerre entre deux clans yakuzas, avec une intrigue cependant plus sophistiquée que dans les œuvres fondatrices de la saga réalisées par Misumi et Mori.

Dans cette guerre qui menace d’éclater, les deux parrains ne sont pas renvoyés dos à dos, et Ichi ne va pas se contenter de les liguer les uns contre les autres en attendant l’extermination des deux camps. Ichi va prendre partie pour Bunchiki, un boss de l’ancien temps, honnête et droit, qui vit son rôle de yakuza dans le respect du peuple et des règles morales, organisant même chaque année un grand feu d’artifices pour les villageois, source de revenu conséquents pour eux et son organisation. Bunchiki sera massacré, aveuglé par son honnêteté face aux turpitudes de Yasugoro qui, lui, est l’image même de la fourberie, un individu en constante quête de pouvoir et d’argent. Yasugoro use des hommes comme d’objets, trompant tout son monde avec une désinvolture cynique. Bunchiki n’essaye jamais d’utiliser Ichi, de le convaincre de combattre à ses côtés. Il essaye même de le sauver en lui demandant de quitter son toit et de reprendre la route. Ichi endosse la panoplie du redresseur de torts, sans l’ambiguïté et les doutes qui l’habitaient jusque là. Il devient un bloc de vengeance implacable, se déchaînant de manière aveugle dans un final saisissant de barbarie. Ichi veut venger l’amitié sincère et désintéressée qui lui a été donnée, actes si rares depuis le début de ses aventures qu’ils ont pour lui la valeur d’une étoile illuminant la nuit. Ce film, qui aurait pu être un sommet de hargne vengeresse, est largement édulcoré par un humour omniprésent. Dès le début, Ichi chute dans l’eau, se fait « arnaquer» par des gamins espiègles, tombe dans un trou sous les rires de la marmaille. Dans une scène irrésistible, Ichi s’amuse à souiller la demeure de Yasugoro avec la nourriture faisandée que le boss lui a servie. Katsu est très à l’aise avec cette facette comique, sa gestuelle et ses mimiques font mouche à chaque coup. L’acteur ne cessera plus d’affiner ce type de jeu, excellant dans ce registre où burlesque et comique de situation lui permettent d’explorer d’autres moyens d’exprimer son talent pour la pantomime et les déformations caricaturales du visage. Katsu n’en abandonne pas moins la mélancolie qui baigne son personnage, et Ichi n’utilise plus sa cécité comme ruse, mais plutôt comme moyen de se moquer des autres, mais également et surtout de rire de son sort. Une très belle scène est l’occasion pour Katsu de se faire lyrique, alors qu’il évoque la beauté d’un feu d’artifices dont les lueurs trouent sa nuit.

Kazuo Ikehiro est visuellement plus en retrait que lors de sa première expérience dans la série. Kazuo Miyagama a cédé la place à Yasukazu Takemura, dont la photo très soignée reste à mille lieux des peintures de maître de son prédécesseur. La photo se fait resplendissante dans la scène finale, un combat magnifique aux lueurs du feu d’artifices. Il y a peu de combats dans cet épisode, où l’on remarque cependant une efficace joute aquatique, jusqu’à cette apothéose visuelle grandiose. Ichi, ivre de vengeance, est d’abord une figure de l’ombre, naviguant dans la nuit, silencieux et mortel. Il va se transformer en véritable démon. Ses yeux d’aveugle, son visage rougeoyant sous les feux d’artifices saisissent par leur dimension surnaturelle. Ikehiro filme cette apocalypse de manière inédite, cadrant une ruelle en pleine plongée où les combattants apparaissent par intermittence sous les flamboiements des explosions, appuyant à outrance les jeux d’ombre et de lumière, accentuant l’ambiance de fin du monde qui règne sur cet épisode.

Au final un très bon épisode, naviguant entre classicisme et modernité, qui, s’il ne fait pas avancer la légende, contient suffisamment de moments palpitants pour assurer 1h20 de plaisir intense.

Introduction et sommaire des épisodes

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 16 octobre 2005