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Critique de film
Le film
Affiche du film

Zatoichi 18 : Le Défi

(Zatôichi hatashi-jô)

L'histoire

Ichi déjoue à deux reprises les exactions de brigands. D’abord finement en jouant sur sa cécité, il empêche une voleuse de lui dérober sa bourse puis radicalement, par ses talents martiaux, il se débarrasse de deux bandits. Ces trois lascars font en fait partie d’une troupe de fugitifs sans foi ni loi qui sont cachés par le boss Matsugoro, ce dernier ayant l’espoir de les utiliser à ses propres fins. Ichi, à peine arrivé dans la ville, trouve un vieil homme brutalisé par les yakuzas. Il l’emmène chez le docteur Junan avec qui il se lie d’amitié. Dans la ville, la soif de pouvoir de Matsugoro se focalise sur un opposant à son hégémonie, Tokuzaémon, et le boss entend bien utiliser les fugitifs pour se débarrasser de ce gêneur. Ichi apprend qu’une malade est retenue prisonnière dans l’atelier de tissage où le clan exploite les filles de la ville. Il se rend chez le chef Yakuza pour l’obliger à la libérer.

Analyse et critique

C’est la quatrième participation de Kimiyoshi Yasuda (sur les six épisodes qu’il réalisera) et l’on ne peut dire qu’à l’instar de Kenji Misumi il révolutionne la saga. Très classique dans sa forme, Le Défi se contente dans sa majeure partie de reprendre les figures imposées de la série sans creuser plus avant la personnalité complexe d’Ichi. Le scénario prend comme cœur du récit la famille du médecin Junan (interprété par l’admirable Takashi Shimura, le chef des Sept Samouraïs) et les relations d’amour et de haine qui se tissent entre le fils fugitif et le père qui se veut une incarnation de la droiture et de la morale. Une grande tristesse imprègne leurs scènes, où la question du pardon et d’une impossible rédemption instaurent un climat de tragédie grecque au film. Ichi semble être le spectateur de ce drame plus qu’un acteur. On sent que Junan, en lui offrant la possibilité de rester chez lui et d’abandonner la voie des yakuzas, cherche à remplacer ce fils qu’il considère comme mort. Il essaye de se redonner une chance en évitant qu’Ichi poursuive sa route de la mort, chose qu’il n’a pu réussir avec son enfant et qui le ronge. Ichi, qui pourrait donc incarner ce pardon tant attendu par le vieil homme, ne peut malheureusement que suivre une voie sans issue et va devoir, pour sauver Junan, combattre le fils aimé et détesté. Dès le générique, la chanson de Katsu nous conte son chemin solitaire qui va l’amener au bout du monde où il mourra seul et ignoré de tous. Impitoyable destin d’un homme qui par son parcours de justicier ne peut que se tenir à l’écart du monde. Rarement dans la série d’ailleurs, la figure d’Ichi n’aura eu une aura si légendaire. Il semble toiser les agissements des yakuzas et des brigands, attendant son heure pour imposer sa justice. On dirait une sorte d’ange démoniaque, un être fantastique dont les capacités surhumaines l’amènent à juger et condamner ses pairs. La nature fantastique d’Ichi est constamment soulignée. Dans une scène gagnée par la claustrophobie, son visage rougeoyant à la lueur d’une bougie effraye Oaki, lune des fuyards. Il apparaît et disparaît comme un fantôme et sa sentence résonne dans la nuit comme une étrange promesse : « je vais te tuer, et ensuite tu reviendras à la vie ». Esprit vengeur, plusieurs fois il tombe à terre, atteint d’une balle ou d’un couteau, et se relève, ange exterminateur invincible : « Je suis revenu de l’au-delà. Le dieu des Enfers m’envoie vous chercher ». Il faut attendre le duel final pour retrouver un Ichi plus humain, qui perd son sang et s’épuise tandis que ses adversaires tombent comme des feuilles. Mais même cette scène où il souffre et semble mortel accentue la marche inéluctable de la justice sauvage qui châtie ceux qui ont fauté. Le Défi est un véritable ninkyo-eiga, ces films où un yakuza incarne seul les valeurs et la morale de la confrérie et punit les dérives du clan. Le boss Matsugoro en s’affiliant à des fugitifs sans foi ni loi, tueurs impitoyables sans code de l’honneur, pervertit l’honneur yakuza. Qui plus est, nommé sergent de ville, il trahit une nouvelle fois la place des gangs dans la société qui ne peuvent s’acoquiner avec les autorités et se doivent de demeurer dans la marge. Ichi se montre impitoyable envers toutes ces dérives et Yasuda appuie la colère et la haine du masseur aveugle dans les combats, en filmant de manière brute les coups portés avec rage par Ichi.

Ichi est le témoin d’un monde qui disparaît. Les yakuzas se diluent dans le banditisme ou la politique, ne portent plus aucunes valeurs. Ichi essayera jusqu’au bout de défendre une morale devenue anachronique dans ce Japon en pleine mutation, où les Américains entament pour la première fois des discussions commerciales avec le Shogun, un Shogun affaibli qui vit ses dernières heures de gloire. Voici donc un épisode des plus classique, plutôt dans la veine sombre de la saga, que Yasuda, malgré un scénario intéressant, ne parvient que rarement à transfigurer. Le Défi se suit sans ennui certes, mais cette absence de renouvellement et de relecture du mythe, de vision personnelle sur le personnage, fige quelque peu Zatoichi. Des combats secs, des personnages secondaires complexes, une interprétation sans faille, font que cet épisode mineur se situe néanmoins à cent coudées au-dessus de la plupart des productions de l’époque.

Introduction et sommaire des épisodes

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 17 janvier 2006