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Critique de film
Le film

Trois heures pour tuer

(Three Hours to Kill)

L'histoire

Personne n'est ravi de voir réapparaître en ville Jim Guthrie (Dana Andrews), ex-convoyeur de diligence, qui trois ans auparavant s'était enfui après qu'on a tenté de le lyncher, sauvé in-extremis par la femme qui l'aimait, Laurie (Donna Reed). En effet, on l'avait alors cru coupable du meurtre de Carter (Richard Webb), le frère de cette dernière. Il avait été pris sur le fait, une arme à la main auprès du cadavre de l'homme tué de deux balles dans le dos. Quelques minutes auparavant, on avait surpris une altercation entre eux deux, Carter refusant la main de sa sœur à Jim. Après des années d'errance, recherché par la police, le voici donc de retour au sein de la bourgade dont tous les habitants avaient voulu le pendre malgré ses protestations d'innocence. Le seul n'ayant pas participé à cette tentative de lynchage, son grand ami Ben (Stephen Elliott), est désormais le shérif de la ville ; pour la tranquillité de ses concitoyens, il lui demande de partir immédiatement avant d'avoir provoqué une effusion de sang. En effet, Jim lui annonce tout de go être revenu dans le seul but de trouver l'identité du véritable coupable de l'assassinat et se venger de lui. Même s'il n'aime pas bien cela, l'homme de loi, après avoir écouté l'histoire pénible des trois dernières années de la vie de Jim, lui octroie néanmoins trois heures pour enquêter. Passé ce délai, il devra avoir quitté les lieux et ne plus jamais y revenir...

Analyse et critique

A peine quelques semaines après la sortie de The Bounty Hunter (Terreur à l’Ouest) d'André de Toth avec un Randolph Scott enquêtant pour retrouver trois meurtriers anonymes, arrivait sur les écrans un autre western urbain à intrigue policière signée cette fois-ci par Alfred L. Werker, un cinéaste assez réputé aux Etats-Unis (Phil Hardy dans son "encyclopédie" du western le place même parmi les réalisateurs les plus intéressants ayant œuvré dans le genre durant la première moitié de la décennie 1950) alors qu’en France on en a fait un tâcheron. A la seule vue de ce petit western, j'aurais tendance à me ranger derrière nos compatriotes, voyant mal comment le compter parmi les très bons réalisateurs de série B : sa mise en scène s’avère d’une grande platitude. Cela étant dit, grâce à son scénario de film policier, cette production se suit sans trop de déplaisir à condition de ne pas trop en attendre. Harry Joe Brown avait produit de bien plus réjouissantes séries B au sein de cette même Columbia avec notamment un bon nombre de westerns avec Randolph Scott.

Alfred L. Werker est né aux USA en 1896 et a commencé sa carrière à l'époque du muet. Il prit la suite d'Erich von Stroheim sur Walking Down Broadway qui, étant passé entre ses mains, ne ressemblait parait-il plus à grand-chose. Ensuite, parmi ses films les plus connus (pas forcément des réussites cependant, d'après ce qu'il en est dit) : un Sherlock Holmes avec Basil Rathbone datant de 1939 (The Adventures of Sherlock Holmes), un Laurel et Hardy en 1942 (Fantômes déchaînés - We Will Go) mais surtout, assez réputé quant à lui, un petit film noir daté de 1948, He Walked by Night (Il marchait la nuit). Seulement, on ne pouvait pas lui imputer totalement la réussite de ce dernier, Anthony Mann en ayant tourné quasiment la moitié. Restent ses westerns des années 50 qui méritent l'indulgence et notamment le très réussi The Last Posse avec Broderick Crawford sorti l'année précédente, en 1953. Three Hours to Kill est un de ses films les plus connus (passé en milieu d'après-midi récemment sur France 3), mais il s'agit d'un western qui ne tient pas ses promesses faute surtout à une mise en scène paresseuse et à une interprétation assez décevante de la part de la plupart des interprètes. Dana Andrews lui-même, trop stoïque en l'occurrence, a été bien meilleur dans le genre chez Jacques Tourneur par exemple, dans le sublime Le Passage du Canyon (Canyon Passage) huit ans plus tôt, ou encore dans L'Etrange incident (The Ox-Bow Incident) de William Wellman, dans lequel on lui avait déjà passé la corde au cou sans qu'il ait pu être sauvé ce coup-ci. Quant aux personnages féminins, même s'ils ont une réelle importance, ils sont néanmoins tous un peu sacrifiés à commencer par celui de Donna Reed ; ce qui, pour les amateurs de cette dernière, se révèle bien décevant.

Pour en revenir à l'histoire, il s'agit de celle d'un homme injustement accusé de meurtre et qui, ayant échappé de peu au lynchage, revient trois ans après dans sa ville afin de trouver le vrai coupable et ainsi se venger de ses années de cavale. Le shérif de la ville ne lui accorde que trois heures pour ses recherches et pour éventuellement le mettre hors d'état de nuire, d'où le titre du film. Sorte d'enquête policière dans un cadre westernien, l'intrigue est finalement plutôt conventionnelle même si assez bien ficelée par un spécialiste du genre, Roy Huggins (son seul essai dans la mise en scène d'un de ses scénarios fut un coup de maître : Hangman's Knot - Le Relais de l'or maudit). La preuve, le coup de théâtre final ayant beau être a postériori assez banal, il aurait fallu être bien malin pour deviner seul le fin mot de l'histoire. Calqué sur le script d'un film noir (flash-back et whodunit compris), le scénario est finalement moins original que les relations entre certains personnages. Dans quel autre western avions-nous déjà pu voir un "couple" composé d'un homme (le patron du saloon) et de deux femmes ? L'inverse n'est également pas loin d'exister avec le triangle composé par Donna Reed, Dana Andrews (le père de son fils) et l'époux joué par Richard Coogan. D'ailleurs, si personne n'aurait pu deviner la conclusion de l'enquête, l'étonnement est encore plus grand concernant l'audacieux point d'orgue final donné à la romance. Intéressante aussi, même si pas nouvelle (pas plus tard que deux mois auparavant, The Bounty Hunter faisait de même), la manière de décrire la suspicion et la mauvaise conscience qui se font jour dans la ville à l'arrivée d'un seul homme. On assiste ainsi à une timide description des comportements peu glorieux de l'être humain.

Les liens entre certains personnages et l'évolution de ces derniers sont également assez bien décrits. Seulement, la mise en scène ne possède aucune ampleur et les moyens financiers semblaient très limités, témoin les scènes d'action guère enthousiasmantes et les gunfights mal réglés. Cependant l'ensemble se suit sans trop d'ennui grâce à des éléments scénaristiques dignes de susciter de l'intérêt (lynchage par erreur, quête du vrai coupable, vengeance, secret sur les origines d'un enfant...) ainsi qu'à de superbes lieux plutôt bien utilisés, comme le lac au bord duquel débute le film ou bien la séquence de la fuite de Dana Andrews, la corde encore autour du cou et dont l'autre extrémité se prend dans de nombreux obstacles alors que la carriole caracole dans les rues de la ville. Une intrigue pas désagréable, mais un traitement trop conventionnel et un scénario bourré de facilités. Pas déplaisant mais oublié aussitôt vu. Tout juste moyen !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 3 décembre 2016