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Critique de film
Le film

La Reine des rebelles

(Belle Starr)

L'histoire

XXème siècle dans le Missouri. Un Noir en train de retourner la terre accompagnée de sa petite fille. Cette dernière trouve une poupée calcinée dans les ruines d’une ancienne riche demeure victorienne. Son père lui dit qu’elle appartenait à une belle dame blanche du nom de Belle Starr, une véritable légende. Sur ce, il narrer à sa fille l’histoire de cette femme qui s’était lancée dans le banditisme pour ses sincères convictions politiques… Belle Shirley (Gene Tierney), la guerre civile ayant pris fin, retrouve son frère Ed (Shepperd Strudwick) ainsi que son ami d’enfance, le major Thomas Crail (Dana Andrews) qui s’était engagé  dans l’armée unioniste. Ed a beau lui annoncer la reddition du général Lee et la défaite de la confédération avec philosophie et sérénité, croyant à l’avenir du pays, Belle ne veut rien entendre et, avec le souvenir en tête de son père pendu par les soldats nordistes, souhaite que le Missouri continue les hostilités. Justement, ce soir-là, elle fait la connaissance de l’ex-capitaine sudiste Sam Starr (Randolph Scott) qui non seulement pense comme elle mais met ses idées à exécution, ayant décidé de poursuivre le combat en chassant les Carpetbaggers et les Yankees de son Etat. Sa tête est évidemment mise à prix et il échappe par deux fois de peu à la pendaison. Le major Crail, découvrant que Belle a soigné et surtout caché le fugitif, décide d’incendier la maison de son amie pour obéir aux lois. Outrée, cette dernière épouse Sam, devient Belle Starr "The Bandit Queen", et suit désormais son époux dans ses attaques et autres hold-up. Quand elle s’aperçoit que son époux accueille de plus en plus dans ses rangs les pires hors-la-loi, choquée par les exactions alors commises et les actions entreprises dans des buts moins respectueux qu’au départ, elle décide de tout arrêter ; mais son destin tragique est déjà en marche...

Analyse et critique

La 20th Century Fox ayant fait de Jesse James son premier vrai héros de western, elle décide deux ans après de retenter le coup avec l'un de ses pendants féminins espérant par la même occasion que le résultat sera à nouveau une grande réussite aussi bien artistique que financière. Il va sans dire pour les historiens pointilleux, qu’une fois encore, l’intrigue romancée du film n’a que peu à voir avec la réalité.

Tout était en place pour émouvoir, divertir et plaire au plus grand nombre : une histoire composée d’un portrait de femme forte et téméraire qui prend la voie de la rébellion pour venger la mort de son père et contrer les abus des Carpetbaggers, d’une romance aux multiples rebondissements ; une Gene Tierney qui avait fait une agréable impression dans le Le Retour de Frank James de Fritz Lang ; un Dana Andrews qui allait être de nouveau partenaire de l’actrice dans le mémorable Laura ; un Randolph Scott parfait l’année précédente dans son habit de confédéré dans Virginia City de Michael Curtiz ; une mise en scène signée Irving Cummings qui venait alors de nous offrir deux petits bijoux malheureusement méconnus, Hollywood Cavalcade, une attachante chronique du cinéma muet, puis Lilian Russell, un beau portrait de la chanteuse en question avec Alice Faye dans son rôle le plus marquant ; un scénario adapté d’un roman de Niven Busch signé Lamar Trotti dont je n’arrête pas de vous rabattre les oreilles, lui qui a écrit tant de pures merveilles pour John Ford (Drum Along the Mohawk) et surtout une bonne dizaine pour Henry King ; le Technicolor trois bandes inégalé et qui n’a pas fini de nous en mettre plein les yeux… Mais vous l’aurez deviné, si La Reine des rebelles n’est aujourd’hui pas aussi réputé et connu que son illustre aîné, Le Brigand bien-aimé de Henry King, c’est pour la bonne et simple raison que contrairement à lui, il ne répond à aucune de nos attentes et qu’il se révèle en définitive être un bien mauvais film, un Gone With the Wind du pauvre, du très pauvre !

La première faute en incombe à une redoutable erreur de casting ; si je ne remets aucunement en cause les dons de Gene Tierney qui a illuminé de sa beauté et de son talent certains chefs-d’œuvre tel L'Aventure de Mme Muir de Joseph Mankiewicz, force est de constater qu’elle n’était pas du tout faite pour ce rôle ! Voulant jouer à la Scarlett O’Hara avec un accent du Sud qui ne lui sied guère, elle minaude sans scrupules dans la première partie du film mais sans la gouaille ni le charme de Vivien Leigh qui avait été parfaite dans un personnage presque similaire. Puis Belle devient hors-la-loi et l'on ne compte plus les roulements d’yeux, les agrandissements de bouche inopportunes, la voix qui force sur le haut-perché insupportable ; elle semble avoir été totalement mal dirigée, et en tout cas sa Belle Starr pourrait bien être sa prestation la plus calamiteuse. Face à ce cabotinage intempestif et ce jeu d’actrice décalé, Randolph Scott semble gêné et du coup il en devient transparent. Quant à Dana Andrews, il n’a guère le temps de nous montrer ses éventuels talents. A sauver néanmoins niveau interprétation, la sympathique prestation de Shepperd Strudwick dans la peau du personnage le plus modéré, celui du frère de Belle Starr, ainsi que celle de Louise Beavers dans la peau de la nourrice noire, le pendant sobre (cette fois) de Hattie McDaniel dans Autant en emporte le vent. On ne retrouve la patte de Lamar Trotti que dans la description de ces deux protagonistes, la plus belle séquence du film pouvant être celle au cours de laquelle Belle vient se pelotonner dans les bras de sa gouvernante.

Car autrement, alors que je n’ai pas arrêté de vanter ses mérites par ailleurs, le scénariste a cette fois-ci faux sur toute la ligne d’autant qu’il y avait vraiment matière à écrire un western captivant. Il semble avoir bâclé son travail, n’arrivant pas à nous rendre ses personnages principaux ni attachants ni intéressants (il aurait pour cela fallu les approfondir un minimum), les trous béants parsemant un scénario déjà passablement décousu. Les évènements s’enchaînent sans discontinuer mais sans non plus nous passionner, les motivations de certains protagonistes nous demeurent complètement obscures jusqu’à la fin (notamment celles de Sam Starr, dont on a du mal à comprendre pourquoi il se fait arrêter si facilement et pourquoi d’ailleurs il continue son combat) et toutes les implications politiques et historiques sont tout simplement évacués (la venue parmi les rebelles de Starr des anciens condisciples de Quantrell aurait pu donner une idée à creuser, il n’en est évidemment rien). Quant à l’intrigue romantique, on a vraiment du mal à y croire ! Il faut dire que le film se traîne malgré sa courte durée et n’arrive jamais à décoller, toutes les scènes mouvementées à peine amorcées, le cinéaste passe à autre chose. Incapacité d’Irving Cummings à boucler correctement une scène d’action ou manque de budget ? Il n’empêche qu’au bout du compte, quelle qu’en soit la raison, la mise en scène est inconsistante et c’est le spectateur qui en ressort lésé et frustré. Et il faut encore qu’il supporte un final qui n’en finit pas. Ce n’est pas un spoiler que de parler de la mort du personnage de Belle Starr car tout le monde sait que dans les films hollywoodiens de l’époque, afin que la morale soit sauve, il fallait que le hors-la-loi (aussi sympathique soit-il) soit tué. Dans La Reine des rebelles, cet évènement dramatique arrive un quart d’heure avant le "The End" et entretemps, il aura fallu supporter la tristesse de tous les autres protagonistes, tristesse qui ne nous touche guère puisque n’éprouvant déjà que peu d’empathie pour la plupart d’entre eux.

Pour nous consoler aussi, outre quelques belles séquences et un Technicolor rutilant, on note la présence d'un thème musical facilement reconnaissable composé par Alfred Newman et de belles images filmées par Ray Rennahan et Ernest Palmer. Malgré cela, il s'agit néanmoins d'un gros ratage !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 septembre 2012