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Critique de film
Le film

Colt 45

L'histoire

1851. Steve Farrell (Randolph Scott), ex-soldat, désormais représentant pour la firme Colt, vient exposer au shérif de Redrock les vertus du tout nouveau pistolet avec dispositif à répétition, une arme à barillet pouvant tirer six coups, le Colt 45. Jason Brett (Zachary Scott), un prisonnier ayant entendu vanter les mérites de cette arme redoutable, arrive à déjouer la vigilance de son geôlier, à le tuer, à s’emparer d’une paire de ces pistolets et à s’enfuir. Steve Farrell, pris pour un complice, est emprisonné à sa place. Entre-temps, le dangereux criminel acquiert une terrible réputation, pillant et tuant sans répit, ses colts 45 faisant des ravages. Innocenté quelques mois plus tard, Steve Farrell part à la poursuite de celui qui lui a dérobé sa précieuse marchandise. Arrivé dans la ville de Bonanza Creek où le bandit s’est réfugié, il se fait nommer assistant du shérif sans soupçonner que ce dernier (Alan Hale) fait partie du gang ; un gang qui comprend aussi comme autres membres Paul Donovan (Lloyd Bridges) et sa femme Beth (Ruth Roman), cette dernière soutenant son époux de peur qu’il se fasse tuer par son psychotique de chef. Pour l’aider dans sa tâche devenue plus qu’ardue puisque suspecté par la populace d’être "le tueur au Colt 45", Steve ne pourra s’appuyer que sur la tribu indienne dirigée par Walking Bear (Victor Daniels). En effet, le bande de Brett a tout fait pour que ses méfaits leurs soient attribués mais les Indiens n'entendent pas se laisser faire, prêts même à repartir sur le sentier de la guerre.

Analyse et critique

Cinq mois se sont déjà écoulés et pourtant, contrairement à l’exceptionnel cru annoncé pour cette année 1950, un seul très grand western est pour l’instant sorti sur les écrans américains. Et ce n’est pas ce banal Colt 45 qui allait renverser la vapeur. Ce fut pourtant l’un des westerns qui eut le plus grand succès cette année-là ; en le découvrant aujourd’hui, on a bien du mal à comprendre pourquoi tellement le film parait conventionnel et bâclé. Il confirme en tout cas la tendance de la décennie précédente concernant les films de série B ; ceux des studios les plus prestigieux de l’époque (à savoir la MGM et la Warner) étaient nettement moins intéressants et palpitants que leurs semblables provenant des compagnies plus modestes d’alors qu’étaient la Columbia, la Paramount ou Universal. Pour ne prendre l’exemple que de Randolph Scott, Il suffit de comparer deux de ses films de cette année : The Nevadan de Gordon Douglas tourné pour la Columbia, même s’il s’agit d’un film mineur du cinéaste, n’en est pas moins très nettement supérieur à ce Colt 45 qui ne pourra vraisemblablement plaire qu’à une très faible majorité de spectateurs. Le réalisateur Edwin L. Marin lui-même, sans jamais atteindre des sommets, se révélait un peu plus efficace quant il tournait pour la RKO (Tall in the Saddle).

Après la mode des titres de films reprenant les noms géographiques de villes ou d’Etats, Edwin L. Marin semble vouloir entamer celle, moins poétique, des noms d’armes. Effectivement, dans la foulée sortira le Winchester 73 d’Anthony Mann. Mais qu’on se rassure, elle ne perdurera pas. A propos du Colt 45, première arme utilisant un dispositif à répétition pouvant tirer six coups consécutivement sans besoin de recharger, il semblerait qu’historiquement le film soit erroné quant à l’apparition de l’arme à l’époque du déroulement de l’intrigue et que les armes utilisées dans le courant du film soient totalement fantaisistes. N’y connaissant rien pour cause de manque d’intérêt pour le sujet, je ne m’aventurerais pas à infirmer ou confirmer mais on peut faire confiance aux experts.Mais dans l’absolu, que la vérité historique ait été trahie, on s’en fiche un peu tellement cette série B n’a pas vocation à l’authenticité mais au pur divertissement (ce qui n’est aucunement à blâmer). Il s’agit d’un petit film comme il s’en tournait alors à la pelle, sans ambition ni moyens, sans la moindre originalité et sans la moindre idée de mise en scène. Pour ne tromper personne, la convention, les "ambitions" et les clichés sont d’ailleurs annoncés dès la fin du générique par ce prologue écrit : « A gun, like any other source of power, is a force for either good or evil, being neither in itself, but dependent upon those who possess it. » On peut passer un agréable moment à condition de ne pas en attendre grand-chose ; et encore !

Si ! Il faut admettre que la prestance et le visage émacié de Randolph Scott, ressemblant de plus en plus à William S. Hart, font toujours mouche et que son élégance coutumière est un constant ravissement pour les yeux ; lorsqu’il s’habille tout de noir durant la seconde partie du film, il faut bien avouer que le comédien n’avait vraiment pas son pareil et qu’il s’avérait alors l’homme de l’Ouest classieux par excellence. Dans ce film, l’acteur est néanmoins assez effacé, son rival Zachary Scott (Le Masque de Dimitrios, Le Roman de Mildred Pierce, Boulevard des passions...) essayant de faire se retourner tous les regards sur lui. Pour y arriver, il n’y va pas de main morte et l'on ne peut pas dire qu’il fasse dans la nuance ni dans la sobriété : roulements d’yeux, mâchoire crispée tout du long, son personnage en devient plus ridicule que réellement inquiétant. C’est bien dommage d’autant plus que le script était d’une violence encore inaccoutumée ; mais en plus du manque total de crédibilité du "bad guy", le traitement de cette violence par la mise en scène finit de la rendre totalement inoffensive, presque aseptisée.

A partir de ce scénario, un réalisateur tel qu’Anthony Mann aurait fait de ce western le plus âpre et violent vu jusqu’ici. On trouve bien évidemment des restes qui ont pu échapper à cette stérilisation de la mise en scène comme ces coups de feu face caméra, cette bagarre finale au cours de laquelle, pour déstabiliser son adversaire, Jason Brett appuie avec son doigt de toutes ses forces sur le trou de balle que son rival vient d’écoper à l’épaule, ou la manière réjouissante qu’a Ruth Roman de gifler avec une hardiesse et une énergie qui ne semblent pas feintes (celle que Zachary Scott reçoit face caméra a probablement dû lui laisser une marque !) ; mais le film aurait mérité plus de sécheresse et de rigueur dans sa réalisation pour que le niveau de violence présent dans l’écriture remue les entrailles du spectateur qui n’assistent finalement qu’à un petit western sans conséquences, sans aspérités et même plutôt ennuyeux.

Quelques aspects sympathiques cependant surnagent. Outre la présence de Randolph Scott (qui s’en prend encore plein la figure dans ce film, le soi-disant sadomasochisme de Brando pour son One-Eyed Jacks paraissant vraiment minime par rapport à tout ce qu’a subi physiquement Scott jusqu'ici) et de la belle Ruth Roman (qui, sans prévenir, tombe dans les bras du héros à la dernière image alors que rien ne nous avait fait pressentir une quelconque attirance entre les deux durant tout le film), le fait que les Indiens soient les seuls personnages totalement positifs de l’intrigue, de l’action à revendre (dont les principaux plans sont repris de précédents westerns de la Warner, notamment San Antonio de David Butler) et certains traits d’humour dans les dialogues au sein d’un film qui se prend bien trop au sérieux (« The finest guns ever made. Here's law and order in six-finger doses. Yes, sir, easy to load and as durable as your mother-in-law. »). C'est tout et c'est bien peu. ! A signaler que le chef indien est interprété par un acteur se faisant appeler Chief Thundercloud mais que son véritable nom, bien moins folklorique, n’est autre que Victor Daniels et qu’il fut très connu à la fin des années 30 pour avoir joué le rôle de l’Indien Tonto dans la série des Lone Rangers. Retitré plus tard Thundercloud pour ne pas qu’il soit confondu avec une série TV, Colt 45 est un western routinier, l'un des derniers du cinéaste Edwin L. Marin qui allait mourir l’année suivante après nous avoir encore donné un film du genre.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 22 mars 2013