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Critique de film
Le film

Alamo

(The Alamo)

L'histoire

1836. Les Texans, révoltés par l'autorité dictatoriale mexicaine, luttent activement pour leur indépendance. Le Général Sam Houston (Richard Boone), qui commande les forces armées du Texas, est poursuivi par les troupes du Général Santa Anna, bien supérieures en nombre. Houston décide de se réfugier derrière le Rio grande dans le but de rapidement reformer une armée plus conséquente ; pour ce faire, il confie au colonel William Travis (Laurence Harvey) la mission de retarder le plus possible l'avancée sur lui du tyran mexicain. Le colonel se retranche donc avec sa poignée d’hommes à El Alamo, une ancienne mission à moitié détruite et transformée pour l’occasion en forteresse. Le colonel Jim Bowie (Richard Widmark), malgré sa haine tenace à l’encontre de Travis dont il ne supporte pas l’arrogance, vient le rejoindre avec sa petite patrouille. Travis est ravi de ce renfort même si de son côté il n’apprécie guère plus Bowie, rebuté par son alcoolisme et son insubordination. Le colonel Davy Crockett (John Wayne) arrive à son tour à Alamo avec ses gens du Tennessee ; ces derniers ne savent pas ce qui les attend, espérant trouver ici un repos bien mérité. En dépit des dissensions qui se font jour entre les uns et les autres, la défense s’organise. Seulement, les forces en présence sont pour le moins disproportionnées ; en effet, le combat aura lieu mettant face au 187 volontaires texans quelques 7 000 soldats mexicains. Les défenseurs de la mission savent désormais qu’ils ne sortiront pas vivants de cette bataille inégale mais décident de lutter le plus longtemps possible pour accorder du répit à Houston sur qui ils comptent pour gagner la "guerre"...

Analyse et critique

1836, dans une vieille mission transformée en fort, une poignée de Texans (187 plus exactement) résiste au général mexicain Santa Anna et à son armée constituée de milliers d’hommes, pendant qu’à l’arrière s'organisent les forces de l'indépendance texane sous l’impulsion de Sam Houston... C’est le siège d’Alamo, cette glorieuse et tragique page de l’histoire américaine, que va ici nous conter John Wayne qui pour l’occasion, après avoir joué sous la direction des plus grands et s'être plus ou moins immiscé lors des tournages aux côtés de ces mêmes réalisateurs, passe pour la première fois derrière la caméra. Et alors qu’il était attendu au tournant (les producteurs de l’époque n’appréciant guère que les stars de l’écran se mettent à la mise en scène), il nous livre au final ni plus ni moins qu’une splendide et sensible épopée qui comporte de nombreuses analogies avec l’œuvre de son maître, John Ford, que ce soit le dans ton, par la famille de comédiens ou via la réalisation. John Wayne assure avoir travaillé près de 15 ans sur le projet et attendu pour le mettre en chantier d’avoir à sa disposition un budget conséquent afin que le film soit fidèle à la vision qu’il avait eue en tête toutes ces années durant. On ne lui en voudra jamais de nous avoir fait patienter autant au vu de cette fresque épique, ample, intense et lyrique dans laquelle le Duke a mis toutes ses idées, ses convictions et son enthousiasme pour glorifier des valeurs qui lui tenaient à cœur telles que le dévouement, le courage, la générosité, le sacrifice, la liberté et l’esprit civique. Alamo est œuvre forte, émouvante et foncièrement sincère dont on reparle beaucoup aujourd’hui non pas pour ses qualités artistiques mais à cause de l’abandon dans laquelle elle semble être vouée. En effet, les ayants droit ne paraissent pas très enthousiastes pour continuer à la restaurer, ce qui pose tout simplement la question de sa sauvegarde et qui fait du film une œuvre en "danger de mort". Pour de plus amples explications, je vous laisse aller lire ce qu’en disait Julien Leonard, bien plus au courant des faits, tout en vous invitant à aller signer la pétition mise en lien.

Si, à l’instar des critiques publiées dans les journaux texans de l’époque, j’évoque d’emblée le film comme étant une immense réussite (un célèbre journaliste anglais osait même, avec une certaine lucidité, le comparer au Cuirassé Potemkine d’Eisenstein et aux Sept Samouraïs de Kurosawa), la presse new-yorkaise fut dans l’ensemble bien plus réticente et bien moins tendre. Et c’est un euphémisme : jugez plutôt au travers de ces extraits pour le moins acides ! "Sentimentale et absurde bouillie pour les sots..." ; "Le script est un modèle de distorsion et de vulgarité..." ; "Un script absurde et banal..." Beaucoup d’historiens critiquèrent également ses innombrables approximations, anachronismes et erreurs. A ce dernier propos, John Wayne et son scénariste (l’excellent James Edward Grant, également réalisateur du très attachant L’Ange et le mauvais garçon) ne s’en offusquèrent d’ailleurs pas, désireux avant tout d'exalter le courage des Texans et de célébrer un fait d'armes précis, s’étant refusés pour ce faire à être trop à cheval sur les détails. Et effectivement, ces quelques légères divagations historiques ne s’avèrent pas bien graves, puisque l'on sait depuis toujours que Hollywood et réalité historique n’ont jamais été en très bons termes sans que cela ne joue sur la qualité cinématographique de certains films et notamment sur celui de John Wayne. En effet, la sincérité du cinéaste/comédien qui, à la vision de son film peut difficilement être mise en doute, emporte tout sur son passage. Il faut dire que, comme déjà évoqué ci-avant, la star a tout donné pour mener à bien son projet, à tel point qu’il était quasiment lessivé à tous points de vue au début des années 60, autant physiquement que moralement et financièrement. On sait que, Alamo n’ayant pas été un franc succès, John Wayne ne s’est pas démonté pour autant et que sa dernière partie de carrière fut encore jonchée de succès publics et, pour certains, critiques car le comédien a continué à tourner avec les plus grands, de Howard Hawks à Henry Hathaway, de Don Siegel à John Sturges.

Mais revenons-en à la genèse du film. L'idée lui ayant germé en tête depuis déjà quelques temps, dès 1950 John Wayne chercha à y intéresser Herbert J Yates, le patron de la Republic pour qui il avait tourné de nombreux films parmi ses plus beaux, dont le sublime La Charge héroïque - She Wore a Yellow Ribbon). Il souhaitait réaliser le film dont Johnny Weissmuller aurait été l'interprète. Ils ne parvinrent pas à s'entendre et John Wayne quitta le studio. Yates produisit alors en 1955 The Last Command (Quand le clairon sonnera) réalisé par Frank Lloyd et William Withney avec, pour interpréter les trois officiers qui périrent lors de l’assaut final, Arthur Hunnicut dans le rôle de Davy Crockett, Ernest Borgnine dans celui de Jim Bowie et enfin Richard Carlson dans celui de William Travis. Il est évident que le film n’est pas resté dans les annales à tel point que son existence m'était inconnue et qu’il est devenu très difficile de pouvoir le découvrir dans notre contrée. La sortie de ce western de série B ne découragea pas pour autant John Wayne qui continua de son côté à travailler sur son projet de bien plus ample envergure, une production qu’il voulait beaucoup plus prestigieuse et ambitieuse. Il pensait alors s'attribuer le rôle d’un protagoniste au temps de présence assez succinct, celui du général Sam Houston, commandant des forces armées texanes. La United Artists qui devait distribuer le film exigea qu'il s'octroie un rôle plus important afin d'assurer la réussite commerciale de l'entreprise. C’est ainsi qu’il endossa le costume du célèbre Davy Crockett, bien plus mémorable incarné par le Duke que par le terne Fess Parker dans la série produite par Walt Disney. John Wayne choisit de tourner son film au Texas, à Bracketville. 4 000 figurants, 1 500 chevaux... Il semble avéré qu'il ne fit pas les choses à moitié au point d'avoir été obligé d’hypothéquer tout ce qu’il possédait pour subvenir aux conséquentes dépenses qui s’élevaient au bout de 80 jours de tournage à quelques 12 millions de dollars. Le succès ne fut malheureusement pas au rendez-vous, mais le film rentra finalement dans ses frais grâce surtout à ses diffusions télévisées qui firent souvent carton plein.

Suite à sa première à Los Angeles, le film subit quelques coupes qui firent baisser sa durée d’à peu près une demi-heure. La version longue fut pourtant sauvegardée, et même diffusée à la télévision française sur Canal + au début des années 90. Il est désormais quasiment impossible de la voir, mais la version cinéma (celle à partir de laquelle la majorité des spectateurs ont découvert le film) n’en demeure pas moins admirable, pas spécialement charcutée même si certaines coupes sont très visibles (on s’en rend parfaitement compte lors de certaines fins de séquences abruptes suivies de fondus au noir un peu plus longs que la normale, l’exemple le plus probant se situant au cours de la scène de la découverte d’un dépôt d’armes à l’intérieur de l’église), les monteurs semblant y être allés sans prendre de gants. Les séquences manquantes ne sont pas franchement nécessaires à la compréhension de l’intrigue mais nous permettaient d’éprouver encore plus d’empathie pour les différents protagonistes par le fait de les côtoyer plus longuement à des moments de relâche lorsqu’ils pouvaient faire ressortir encore plus leur part d’humanité, autour d’un feu ou au cours d’une fête. On pouvait aussi s’appesantir plus longuement sur les conflits entre Travis et Bowie à propos de stratégies militaires, ce qui était loin d’être inintéressant. Mais inutile de se lamenter plus longtemps puisque la version cinéma (qui reste encore actuellement la seule possibilité de voir le film) s’avère tenir parfaitement la route, susceptible de nous faire passer par toutes sortes de sentiments, de la joie à la tristesse, de l’euphorie (les séquences des gens du Tennessee emmenés par le tonitruant Chill Wills) à l’intense émotion (la sublime séquence où chacun son tour, conscients de la mort qui les attendent suite à cette décision de rester à Alamo, les volontaires se rangent derrière Travis qui a du mal à dissimuler ses yeux embués). Bref, vous l’aurez compris : malgré des coupes claires avant sa diffusion en salles, Alamo, tel qu’il est dans sa version d’un peu plus de 150 minutes, demeure une formidable réussite ; une réussite que l'on peut imputer pleinement à John Wayne, même si John Ford (un peu encombrant sur le tournage) aurait tourné quelques séquences (a priori assez rares cependant).

Le siège d’Alamo, ce fut donc 187 combattants encerclés par quelques 7 000 soldats mexicains. A l’intérieur de la forteresse se trouvent des femmes et des enfants qui eurent le droit de quitter les lieux avant la bataille, quelques esclaves (celui de Bowie notamment) ainsi que des hommes venus de tous horizons, avec évidemment avant tout des Texans mais également de braves hommes du Tennessee dévoués corps et âme à leur chef, le célèbre Davy Crockett que John Wayne lui-même personnifie à merveille. C’est à lui que le réalisateur octroie le fameux hommage lyrique à la république, son emphase et sa naïveté étant compensées par la sincérité de l’acteur/réalisateur qui pouvait ainsi délivrer avec enthousiasme et chaleur ses propres idées et convictions : « Republic. I like the sound of the word. It means people can live free, talk free, go or come, buy or sell, be drunk or sober, however they choose. Some words give you a feeling. Republic is one of those words that makes me tight in the throat - the same tightness a man gets when his baby takes his first step or his first baby shaves and makes his first sound as a man. Some words can give you a feeling that makes your heart warm. Republic is one of those words. » Voir et entendre John Wayne réciter cette tirade est un véritable bonheur et non un moment gênant comme nous aurions pu être en droit de le penser. L’acteur croit très fort à ce qu’il dit, et cela se ressent jusque dans son regard humide et sa voix sur le point de dérailler. Une scène vraiment très touchante, que les plus cyniques trouveront peut-être risible mais qui pour moi au contraire rend le film encore plus bouleversant, surtout connaissant la finalité de ce siège : Crockett et ses hommes vont se sacrifier pour une cause à laquelle leur chef croit dur comme fer, ce dernier n'ayant pas de mal à les convaincre même s'il lui aura fallu en passer par un mensonge éhonté. A côté de cela, le personnage est éminemment sympathique, sa romance avec Linda Cristal apportant fraîcheur et romantisme à cette page d’Histoire. Son Crockett n’est pas non plus dénué d’humour, de roublardise et de bonhommie, des éléments de caractère qui finissent de nous le rendre constamment attachant même si au fond un peu lisse. A l’instar de ses gars du Tennessee, c’est un homme qui apprécie pleinement la vie et qui ne cherche pas forcément le conflit (hormis pour s'amuser puisque leurs jeux sont rudes), contrairement aux deux autres officiers qui sont à ces côtés.

Le colonel Jim Bowie, fameux pour son couteau et qu’Alan Ladd avait personnifié en 1952 dans un film assez réussi de Gordon Douglas, La Maitresse de fer (The Iron Mistress), du nom de ce couteau justement, nous apparait sous les traits de Richard Widmark. Le film repose pour une bonne partie sur son antagonisme avec le troisième larron en terme d’officiers, le colonel William Travis, commandant du fort. Richard Widmark est une nouvelle fois formidable et se voit accordé peut-être les séquences parmi les plus émouvantes du film, nous bouleversant littéralement lorsqu’il s’écroule après avoir appris la mort de son épouse (d'autant que le comédien ne nous avait jamais vraiment habitué à un tel "relâchement"). Bowie est ici un aventurier au caractère trempé, indiscipliné et plutôt porté sur la bouteille, qui au départ très pragmatique préfère quitter son poste avec ses hommes plutôt que de rester en étant certain ne pas ressortir indemne de la bataille qui se profile. Il possède un esclave noir qu’il traite avec bienveillance et à qui il octroie la liberté juste avant le début des combats (rappelons que ce fait historique a eu lieu une trentaine d'années avant l’abolition de l’esclavage). Si l’homme de couleur accepte sa liberté avec joie, il décide néanmoins de rester jusqu’au bout et de participer à la défense du fort. Par cette courte séquence, John Wayne rend hommage aux Noirs comme il l’avait fait quelques heures plus tôt pour les Mexicains opposés à Santa Anna avec pour porte-parole le personnage de Seguin interprété par Joseph Calleia. Évitant tout manichéisme, les auteurs mettront en scène un Texan blanc non seulement traître à sa cause mais essayant de se faire épouser de force par une jolie et riche Mexicaine, et décriront au contraire les soldats du dictateur mexicain avec beaucoup de considération, notamment au cours de ce splendide final parmi les plus émouvants que l’on puisse trouver dans un film à grand spectacle. Quant aux plans pétris d'humanité sur les visages des mères mexicaines ravagées par la mort de leurs enfants, ils préfigurent ceux de Sam Peckinpah. Alors que le peuple mexicain a souvent été caricaturé à outrance au sein du western, c’est le Duke, souvent accusé de tous les maux réactionnaires, qui en fait le portrait le plus respectueux, louant également leur bravoure lors du combat final.

Le rival de Bowie n’est autre que l’officier en charge de diriger le fort, le personnage le plus complexe et le plus passionnant du film, William Travis, dont Laurence Harvey donne une interprétation en tout point admirable. Il s’agit d’un "gentleman" à première vue arrogant et intraitable sur la discipline, qui aura la lourde tâche de convaincre ses hommes de tenir le plus longtemps possible malgré le fait de savoir que la mort sera inévitable au bout du parcours. C’est Houston lui-même qui lui confie cette mission suicidaire, le nommant par la même occasion colonel. Il sait que c’est un homme dur qu’il n’apprécie pas particulièrement, mais il a néanmoins toute confiance en lui : « Travis, I've never been able to like you. But you are one of the very few men I would trust with the life of Texas. » Ce personnage à lui seul symbolise à merveille l’intelligence de l’ensemble du scénario. Non seulement le travail de James Edward Grant n’est jamais manichéen, mais le scénariste arrive également à faire évoluer ses personnages tout en parvenant à nous faire ressentir leur complexité, à faire ressortir la part d’humanité qui existe même chez les plus antipathiques. Les yeux au bord des larmes de Travis alors qu’il se sent enfin soutenu, sa gêne après qu’il s'est rendu compte avoir été trop dur envers Bowie se révèlent des séquences d’autant plus touchantes. Tout comme son discours expliquant l’importance de leur mission pour le futur du Texas ou encore sa proposition d'offrir à chacun l’opportunité de se retirer avec honneur et sans honte avant la bataille. En tout état de cause, malgré son arrogance, Travis sera définitivement le personnage du film le plus emblématique du courage, de l’héroïsme et du sacrifice pour une cause. Et puis quelle classe et quel charisme, lorsque par exemple en réponse à la demande de l’émissaire de Santa Anna de se rendre, il répond par un coup de canon ! De prime abord désagréable, Travis se révèle au fur et à mesure un homme complexe, pouvant faire preuve de sensibilité et de respect pour autrui : s’il a rabroué Seguin en public, c’est uniquement pour que son autorité ne soit pas remise en cause, comme il l’avoue à son second une fois seul avec lui. Si John Wayne et James Edward Grant ont vraiment réussi à le rendre attachant comme presque aucun autre protagoniste du film, Laurence Harvey n'est pas pour rien dans la richesse de sa description.

A leurs côtés, on trouve toute une troupe de seconds rôles décrits avec autant d’attention et de respect malgré leur faible temps de présence : Richard Boone excellent dans la peau de Houston mais aussi, issus de la famille fordienne, Ken Curtis (le "soldat chantant" de ses films de cavalerie) dans le rôle du lieutenant secondant Travis, Hank Worden (le "gentil fou" sur son fauteuil à bascule dans La Prisonnière du désert - The Searchers) dans le rôle du révérend, ou encore des figures incontournables du western tels Guinn "Big Boy" William, Chill Wills dans la peau du "Tennessien" braillard, Denver Pyle, Chuck Roberson et quelques autres figures inoubliables tel John Dierkes, fortement émouvant lors de la séquence où il doit choisir entre partir avec sa famille ou rester parmi les défenseurs, Jester Hairston dans la peau de l’esclave de Bowie et Joan O’Brian, le second personnage féminin de relative importance du film, qui aura la chance d’être de la splendide dernière séquence aux côtés du jeune Frankie Avalon et de la fille même de John Wayne, Aissa. Son frère, Patrick, est lui aussi de la partie dans le rôle de James Butler Bonham, le soldat que Travis avait envoyé chercher de l’aide mais qui finira lui aussi dans les décombres de la mission assiégée. Quant à Linda cristal, elle apporte la touche de romantisme que certains trouveront inutile mais qui permet des instants de grâce comme ce sublime plan éclairé en ombre chinoise de John Wayne sur le pas de sa porte, ou encore cette scène inoubliable et déchirante des adieux au bord du fleuve au cours de laquelle on entend pour la première fois bien mise en avant la sublime mélodie écrite par Dimitri Tiomkin The Green Leaves of Summer ; sans oublier dans cette même scène la splendide contre-plongée du haut d'un arbre majestueux ! La grande force de John Wayne et de son scénariste est de nous avoir fait fortement nous attacher à tout un chacun ; leur mort, même connue d’avance, n’en étant que plus brutale et poignante. Si le film atteint cette puissance d’émotion, c'est grâce donc en premier lieu à un casting inspiré et à une direction d’acteurs parfaite.

Il n'y a guère à reprocher au niveau de l'écriture (scénario et dialogues inoubliables), de la photographie (nouvelle très belle réussite de William Clothier) ou de la mise en scène d’un somptueux classicisme et d’une ampleur encore rarement égalée : les scènes d’action se révèlent d’une vigueur exceptionnelle, la bataille finale d'anthologie n’ayant absolument pas vieilli notamment grâce au formidable travail des secondes équipes dirigées par Cliff Lyons (étonnant cascadeur) ou Stuart Gilmore. Le dénouement tragique touche au sublime et Dimitri Tiomkin n’y est pas pour rien non plus : compositeur dans l’ensemble assez inégal, il nous livre ici son plus beau travail, magistral récapitulatif de ce qu’il a écrit de mieux au cours de sa longue carrière. Sans une certaine emphase et quelques naïvetés dans le discours, un ton de temps en temps un poil sentencieux ainsi qu'une certaine lourdeur dans quelques séquences humoristiques, nous aurions été en présence d’un chef-d’œuvre. Nous n’en sommes néanmoins pas très éloignés : Alamo est une fresque épique, spectaculaire et imposante mais constamment inspirée et jamais pesante, un film engagé et courageux qui transpire la sincérité à chaque instant, une œuvre majestueuse à l’atmosphère pourtant chaleureuse, tendre, un western historique passionné, sensible, poignant et constamment digne.
A voir et à savourer impérativement ! « Remember the Alamo ! »

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Par Erick Maurel - le 12 juillet 2014