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Critique de film
Le film

Texas

L'histoire

1866, le chemin de fer a atteint Abilene au Kansas ; on fête comme il se doit cette avancée du progrès et de la civilisation. Windy Miller (George Bancroft), grâce à qui cela a été possible, ne l’a pas fait par bonté d’âme contrairement à ce que tout le monde pense, mais pour se remplir les poches. En effet, d’un côté l’Est est en cruel manque de viande suite aux dévastations dues à la guerre civile, alors que de l’autre les Texans possèdent d’immenses troupeaux dont ils ne savent plus que faire, n’arrivant ni à les déplacer ni du coup à les vendre pour cause d’attaques incessantes par des brigands ou des Indiens. Prétextant les immenses dangers qu’il aura à combattre en cours de route, Windy Miller propose aux Texans de leur acheter leurs têtes de bétail à vil prix afin de les convoyer lui-même jusqu’à Abilene où ils s’embarqueront pour l’Est, l’idée étant de les revendre dix fois plus cher une fois sur place... Deux anciens amis confédérés, Dan Thomas (William Holden) et Tod Ramsey (Glenn Ford) arrivent justement au Texas où ils assistent à une attaque de diligence dans laquelle se trouve Mike King (Claire Trevor), la fille d’un Cattle Baron. Ils vont à leur tour reprendre l’argent volé aux bandits et, après quelques quiproquos, sont accueillis en héros alors que leur intention première était de garder le butin...

Analyse et critique

Il faut que ça bouge ! Un vigoureux western sans temps morts réalisé par George Marshall qui, deux ans après l’excellent Femme ou Démon (Destry Rides Again), réussit de nouveau à insuffler beaucoup d’humour à son film sans jamais le faire basculer du côté de la parodie ni même de la comédie. Car s’il contient pas mal d’éléments cocasses et pittoresques, son sérieux n’est pas ébranlé pour autant ; sous son aspect de série B rocambolesque - et avouons le, un peu conventionnelle -, Texas aborde d’une manière intéressante les lendemains de la Guerre de Sécession du point de vue de cet Etat dont la grande richesse provient, bien avant la découverte du pétrole, de ses bêtes à longues cornes et dans lequel la loi a du mal à régner ; les notables de la ville où se déroule le film pensent d’ailleurs à louer les services de célèbres tireurs d’élite pour se débarrasser de la "racaille" qui pille leurs troupeaux.

Difficile de raconter chronologiquement ce film tant son intrigue est rocambolesque tout en parvenant à ne pas trop s’éparpiller ; elle est en effet d’une grande fluidité, formidablement bien construite par Horace McCoy (le futur auteur de On achève bien les chevaux et de Un Linceul n’a pas de poches) et conduite par George Marshall qui n’arrivent ni à se perdre ni à lâcher le spectateur en cours de route malgré les multiples imbroglios de l’histoire. L’amateur de western tourmenté sera à la fête avec ce film de George Marshall, qui a rarement été aussi généreux de ce point de vue : il offre au spectateur en 93 minutes du mouvement à revendre, de quoi remplir trois ou quatre films traditionnels. Voici un western de série A au ton de série B, qui ne s’embarrasse guère de psychologie ni de sentiments, son mot d’ordre semblant avoir été de tout miser sur l’action et les retournements de situation. On ne s’ennuie pas une seconde, d’autant que l’arrière-plan historique est intéressant (l’arrivée du modernisme avec tout ce que cela comporte comme dommages collatéraux, tel l’arrivisme ou le capitalisme sans scrupules…) et que la galerie de seconds rôles est pittoresque à souhait.

Car même si les jeunes William Holden et Glenn Ford s’en tirent honorablement, ce ne sont pas encore les grands acteurs qu’ils deviendront par la suite ; pour résumer, même si leurs personnages nous sont sympathiques, ce qui peut leur arriver durant le film ne nous importe pas plus que cela. Mais ce n’est pas très grave ; George Marshall n’a pas pensé à nous les rendre plus attachants tout concentré qu’il était sur la mise en scène de ce scénario survitaminé. Le réalisateur emmène d’ailleurs le tout avec un grand professionnalisme, aidé en cela par de bons cascadeurs et de bons réalisateurs de seconde équipe.

On assistera ainsi à de multiples chevauchées, poursuites, stampedes, attaques, fusillades, duels, règlements de comptes et même à une carriole en délire et, quasiment dès le début du film, à un épique combat de boxe d’une grande drôlerie. L’amitié entre les deux personnages principaux est assez bien vue, même si peu approfondie alors que la romance est vite expédiée ; Claire Trevor a décidément plus de chance avec ses rôles de prostituées au grand cœur même si elle participe ici à l’entrain de l’ensemble. Texas est un western dynamique et plein de verve (à ce point de vue, Edgar Buchanan, avec sa voix et son intonation à la Droopy, est extraordinaire dans le rôle du dentiste), parfaitement bien troussé, mené tambour battant grâce à ses rebondissements incessants. Très plaisant grâce à l’énergie insufflée, même si au final sans grande prétention et assez routinier ; on ne va quand même pas faire la fine bouche devant un film qui nous ménage autant de réjouissances d’autant qu’un soin tout particulier est apporté aux décors, aux costumes et aux détails vestimentaires. Un western aussitôt vu et aussitôt oublié, mais un visionnage fort agréable.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 28 juin 2010