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Critique de film
Le film

La Caravane héroïque

(Virginia City)

Analyse et critique

Virginia City nous plonge en pleine Guerre de Sécession, en 1864 exactement après quatre années de conflits meurtriers alors que la Confédération présidée par Jefferson Davies est aux abois. Les Sudistes n’ont plus d’argent dans les caisses pour se fournir en armes et sentent la défaite proche. Un de leur officier, le Capitaine Vance Irby (Randolph Scott) va être chargé d’une mission très dangereuse mais vitale pour son camp : faire sortir un convoi d’or de Virginia City, ville en pleine effervescence et fourmillant de Nordistes, pour le conduire durant des milliers de kilomètres jusqu’au quartier général de la Confédération ; un périple qui devrait prendre environ un mois. Il va trouver sur son chemin John Murrell (Humphrey Bogart), un bandit de grand chemin avec qui il va devoir momentanément s’allier, ainsi qu’un espion unioniste, le Capitaine Kerry Bradford (Errol Flynn) qui venait peu de temps avant de s’échapper de la prison dont il avait le commandement et à qui l’armée du Nord a justement confié la tâche d’empêcher le convoi d’arriver à bon port. Julia Hayne (Miriam Hopkins), espionne sudiste à l’origine de l’idée de cette "caravane héroïque", va se retrouver prise "entre deux feux puisqu’elle se doit d’aider Vance (fortement épris de la jeune femme) dans sa périlleuse entreprise alors que dans le même temps elle ne peux faire autrement que de succomber aux charmes de l’officier ennemi. Comment faire pour ne pas trahir l’un des deux ?

A la fin de Dodge City, Errol Flynn partait pour Virginia City. Son titre original et de nombreux points communs auraient pu nous le laisser croire mais La Caravane héroïque n’est pourtant pas une suite à l’exubérant et coloré film précédent. Il s’agit du deuxième des trois westerns que Michael Curtiz tourna avec Errol Flynn entre 1939 et 1941, le troisième étant La Piste de Santa Fé (Santa Fe Trail). Virginia City s’avère être le plus intéressant et surtout le plus réussi des trois. L’intrigue principale s’inspire d’une histoire vraie, véritable odyssée d’un petit groupe d’une soixantaine de personnes, hommes, femmes et enfants issus de familles très attachées à la cause sudiste au point de vouloir lui offrir leur fortune accumulée les dernières années grâce à des monceaux d’or trouvés dans les mines alentours. Se faisant passer pour des pionniers, ils s’enfuient à travers les étendues sauvages de l’Ouest américain avec leur précieux et lourd butin, poursuivi d’une part par l’armée ennemie qui n’a pas su les empêcher de quitter Virginia City ainsi que par une bande de hors-la-loi qui, après les avoir aidés à partir en faisant diversion, souhaitent désormais s’emparer du magot. Cette partie aventureuse de l’intrigue se trouve néanmoins reléguée dans le dernier quart du film, ce qui précède s’attachant plutôt à la présentation des personnages, à la description de la situation et des enjeux historiques et faisant se dérouler avec brio la mise en place de l’expédition.

Il est assez curieux de constater à quel point le scénario a été villenpidé par une bonne partie de la critique ; « lourd comme un chariot de la Wells Fargo », « ultra-conventionnel »… rien ne lui a été épargné. Je lui trouve au contraire toutes les qualités d’écriture, aussi bien dans le portrait qui est fait des personnages (même s’ils ne possèdent aucune zone d’ombre, même s’ils sont tous sans ambiguïtés) que dans la tenue du récit. Le film traite par ailleurs de la Guerre de Sécession sans que jamais le cinéaste ne prenne parti, avec un respect, une droiture et une grandeur d’âme qui lui font honneur. Des deux côtés, nous trouvons un personnage extrêmement sympathique qui se bat sincèrement pour ses idées, tous les deux sont fidèles à leurs camps respectifs tout en respectant l’ennemi, Errol Flynn pour l'Union, Randolph Scott pour la Confédération. Les deux acteurs se révèlent tous deux excellents, le premier ne portant jamais ombrage au second, le cinéaste les ayant mis sur un même pied d’égalité et Errol Flynn ne forçant jamais le trait du pittoresque. « Si nous n’avions pas été dans des camps opposés, nous aurions pu être amis » dit à un moment Errol Flynn à Randolph Scott ; la relation qui se noue entre les deux hommes est vraiment bien vue, toute en finesse et extrêmement touchante vers le final.

Le scénario rocambolesque à souhait de Robert Buckner est donc d’une solidité à toute épreuve, formidablement bien écrit, brillament dialogué, mélangeant dans un même mouvement romance et action, héroïsme et émotion. Une nouvelle fois, après une kyrielle de petits chefs-d’œuvre depuis le milieu des années 30, Michael Curtiz fait montre de tout son savoir-faire, que ce soit dans les scènes intimistes ou spectaculaires, et porte son film avec un réel souffle épique du début à la fin sans quasiment aucun relâchement. Dans la dernière demi-heure, il nous étonne encore par son génie pictural : les séquences de la caravane avançant dans les paysages désertiques et poursuivie par la cavalerie sont tout simplement somptueuses ! Regrettons une Myriam Hopkins un peu perdue en lieu et place de Olivia De Havilland et un Humphrey Bogart peu à l'aise dans ses habits de hors-la-loi moustachu ; en revanche le contrepoint humoristique apporté par les compagnons d'Errol Flynn, interprétés par Alan Hale et Guinn "Big Boy" Williams, n’est étonnament pas gênant une seule seconde, ne venant jamais vraiment casser l’ambiance dramatique qui parcourt le film. Il faudrait aussi pouvoir s’attarder sur la superbe photographie, avec son noir et blanc très contrasté et le génie avec lequel Sol Polito joue des zones d’ombres, ainsi que sur l’un des très beaux scores, d’une grande richesse thématique et remarquablement bien enlevé, de Max Steiner. Un excellent western qui se termine à la date historique du 09 avril 1865, journée au cours de laquelle, à Appomatox, le Général Lee rencontre le Général Grant pour mettre enfin un terme à ce conflit civil meurtrier. Après un geste digne d’éloges du personnage joué par Errol Flynn, qui préfère privilégier « son devoir d’homme à son honneur de soldat », c’est une nouvelle fois la figure tutélaire d’Abraham Lincoln qui donne la conclusion au film à travers un discours fait à Miriam Hopkins qui prone la réconcilitaion entre les deux camps, l’esprit de vengeance et de haine ne devant pas venir se greffer à la victoire pour les uns, à la défaite pour les autres. Un western d’une belle hauteur morale sans être jamais moralisateur ; un film passionnant, attachant, digne de respect et qui n’en oublie pourtant jamais d’être divertissant.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 18 mars 2010