Henry King (1886-1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Beule
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Beule »

Jack Carter a écrit : 29 mars 24, 19:30 One more spring (1935) vu à la cinémathèque de Toulouse il y’a deux ou trois ans est un petit bijou.
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C'est Jean mais hélas c'est pas King, loin s'en faut
D'autant que j'ai à mon tour dégusté le remarquable panorama dressé par Viviani en sirotant mon café ce matin où il qualifie le film de "chef-d'œuvre de la dépression" à ranger quelque part auprès de Ceux de la zone de Borzage. Ça fait saliver. :)
Wolverine95 a écrit : 30 mars 24, 14:29
Alexandre Angel a écrit : 30 mars 24, 13:23 L'Heure suprême est nul ?? :shock:

Je ne dis rien, je ne connais que la version Borzage et je ne suis pas allé (re)voir ce qu'en disent Lourcelles ou Tavernier. Mais je suis quand même surpris
Je ne suis pas fan de Capitaine de Castille que je trouve statique, quasi sulpicien.
Oui, L'heure suprême est nul (je n'ai jamais lu d'avis positif sur ce film). Comparer les deux versions permet de se rendre compte de l'importance capitale de la mise en scène au cinéma (et de ce qui peut passer la rampe en muet mais ne le peut pas en parlant).
(...)
je dois dire que j'ai une réticence analogue -"statique et quasi-sulpicien"- avec Le chant de Bernadette, comme le montre ma liste)
Justement, parlons-en de ce prétendu statisme.

Le seul petit grief que je formulerai à l'encontre de l'article de Viviani en 1982 - qui m'a ravi je le répète - c'est de ratifier ce qui est pour moi une idée reçue concernant King : une attention à la composition picturale (cette enluminure relayée par Rashomon un peu plus haut, comme héritage immuable de sa formation dans le muet) au détriment de la dynamique des plans et un recours au montage soi-disant conventionnel.

Mais sans vouloir en faire un émule d'Ophüls, nombre de ses films abondent en mouvements de caméra aussi discrets que complexes. On peut même dire que In Old Chicago est un film bouillonnant d'un mouvement incessant, et que ce bouillonnement hors norme pour l'époque est autant le fruit du travail de mise en scène proprement dite au sein du cadre que de l'arsenal de mouvements de caméra, entre travellings nerveux et panoramiques limpides, déployé par King et son opérateur. Je reste pour ainsi dire bouche bée devant un incroyable dolly out immortalisant dans toute la profondeur du champ l'activité intense d'une armada de barmen au moment de la célébration de la victoire de Jack (Don Ameche) aux municipales. Et partout, comme pour l'exploration des fastes de la foire de State Fair, je jubile devant la succession de travellings raccordant insolemment dans le mouvement au montage, au gré de fondus dignes d'une pièce d'orfèvrerie. Une technique qui s'exprime avec le même bonheur dans (certains de) ses films en Scope. Ainsi dans Cette terre qui est mienne, j'ai été littéralement électrisé par la beauté de ce léger panoramique arrière, puisant également sa source dans un fondu enchaîné, venant cueillir l'entrée de Kent Smith dans la salle du bal du nouvel an, au moment de la mort du patriarche Claude Rains.

Comme chez Preminger, la même technique invisible irrigue la plupart de ses films, au moins ponctuellement et toujours à bon escient. J'avais ainsi complètement oublié l'ouverture de A Bell for Adano, film qui me charme presque de bout en bout malgré des facilités d'écriture manifestes (une couleur locale trop appuyée en particulier). Elle est pourtant éblouissante : presque un plan séquence à la grue cadrant en lointaine plongée la progression de la jeep qui transporte Bendix et Hodiak avant d'embrayer sur un panoramique audacieux quand le véhicule aborde le pied d'un contrefort rocheux. Timing impeccable de l'objectif pour récupérer la jeep qui a contourné le promontoire. Entretemps, quelques trouées dans le massif ont permis au cinéaste de saisir au vol quelques infos imparables, telle une affiche à l'effigie du Duce. Ne reste plus qu'à rompre le mouvement par l'insert de quelques portraits fugaces qui ne dépareraient pas chez Rossellini. Le décor est immédiatement et nettement planté, tant historiquement qu'en termes de préoccupations sociales pour des locaux plus que circonspects, naturellement inquiets : pour eux ces américains sont des envahisseurs.

Donc, pour en revenir à Capitaine de Castille, qualifier ses séquences finales de statiques - et sulpiciennes - c'est selon moi occulter la manière dont King se sert justement de la technique pour éviter de magnifier l'élan de la conquête. C'est omettre une fulgurance stylistique qui vient troubler le hiératisme commémoratif en illustrant la dualité du récit et l'ambivalence de son héros : ce travelling éloquent sur la chevauchée de Pedro de Vargas après qu'il a recueilli les ordres de Cortes - bien plus qu'à demi-mot bellicistes - et réglé de telle façon qu'il ne puisse au passage qu'enregistrer le cœur du sermon du padre Thomas Gomez. (Ouvrez vos yeux sur le nouveau monde qui se présente à vous... Ne marchez pas comme des conquérants !). Ce finale est certes somptueux, mais dans ma lecture très loin d'être galvanisant. Encore moins triomphaliste.
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Wolverine95
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Wolverine95 »

Beule a écrit : 30 mars 24, 19:47
Jack Carter a écrit : 29 mars 24, 19:30 One more spring (1935) vu à la cinémathèque de Toulouse il y’a deux ou trois ans est un petit bijou.
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C'est Jean mais hélas c'est pas King, loin s'en faut
D'autant que j'ai à mon tour dégusté le remarquable panorama dressé par Viviani en sirotant mon café ce matin où il qualifie le film de "chef-d'œuvre de la dépression" à ranger quelque part auprès de Ceux de la zone de Borzage. Ça fait saliver. :)
Je l'avais oublié celui-ci, comme il ne figurait pas dans ta liste. Je ne partage pas l'enthousiasme de Viviani: si la ressemblance thématique est évidente, le traitement de King, édulcorant, manque du minimum d'âpreté réaliste qui ancrait la fable de Borzage dans un terreau vraisemblable.
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Supfiction
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit : 6 sept. 14, 08:00 Bravados, notre western du WE
Vu ce soir et bien aimé. Contrairement à Profondo, j’ai davantage apprécié la fin implacable puis ironique que le début un peu mou et lent à démarrer. La mise en scène atténue la violence du scénario (viols, exécutions de sans froid) plutôt inhabituelle pour un western des années 50.
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Alexandre Angel
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit : 30 mars 24, 21:21
Jeremy Fox a écrit : 6 sept. 14, 08:00 Bravados, notre western du WE
Vu ce soir et bien aimé. Contrairement à Profondo, j’ai davantage apprécié la fin implacable puis ironique que le début un peu mou et lent à démarrer.
J'ai tout de suite aimé le début, dès ma découverte du film à la parution du dvd en 2005 (je ne crois pas l'avoir jamais vu à la télé avant ça).

J'avais été surpris par une atmosphère pesante, comme irréelle (encore un prodige de Leon Shamroy à l'image) avec un vrai design sonore : si mes souvenirs sont bons, un son de martèlement charpentier (car une potence se construit) accompagne les images un peu comme dans La Cible humaine, on entend tout le temps les enfants gazouiller hors-champ.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Supfiction
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Supfiction »

Alexandre Angel a écrit : 31 mars 24, 11:09 un son de martèlement charpentier (car une potence se construit)
Oui mais par soucis écoresponsable, Gregory Peck suggère au maire d’utiliser un arbre à la place.
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John Holden
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par John Holden »

Over the hill (1931)
Encore une savoureuse tranche d'americana comme seul Henry King sait les conter, mais cette fois ci le réalisateur transcende sa matière en appuyant sur la corde sensible, évoquant avec 6 ans d'avance Make way for tomorrow, l'un des chefs d'oeuvre de Leo McCarey.
Plus précisément, c'est à travers l'itinéraire, sur plusieurs années, d'une famille modeste, que King peint le portrait émouvant d'une mère aimante, indirectement ballottée et déchirée par les choix malheureux de son mari, entraînant leur fils Johnny, le seul rejeton honnête de la famille, en prison. Sa dignité, son obstination à maintenir le lien familial, lui confère une figure christique qui n'est pas sans évoquer The song of Bernadette. Happy end un peu fabriqué mais libérateur.

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