Predator
À première vue, un film de commando bien bourrin où Schwarzie et ses gros bras s’en vont casser du guerillero en pleine forêt équatorienne. Mais la tuerie testostéronée dérape vers une autre forme de traque, plus perverse. Les chasseurs se découvrent chassés, le film d’action glisse vers le cauchemar primitif, la jungle devient le repaire moite et ténébreux d’une créature invisible, féroce, silencieuse, qui entreprend de les détruire un à un. Parfaitement maître de ce mouvement de reflux, McTiernan organise un affrontement régressif, viscéral et barbare (peintures de guerre sur fond de pleine lune), à la fois très éprouvant et complètement hallucinatoire. Si l’on m’apprenait que Weerasethakul (
Tropical Malady) ou Neil Marshall (
The Descent) avaient vu ce film en boucle, je serais loin d’être surpris.
5/6
Top 10 Année 1987
Piège de cristal
À bien des égards, un film fondateur. D’un héros formidable : John McClane, ours bougon et sentimental, obstiné et increvable, auquel Bruce Willis apporte son charme et sa nonchalance, formidablement entouré par un Alan Rickman en affreux savoureux et une flopée de seconds rôles jouissifs (flic de quartier compréhensif vs abrutis bourrins du FBI), empruntant au buddy-movie et à la satire. Et d’une manière nouvelle de filmer l’action : avec cette proximité organique, ce sens sidérant de l’espace et du mouvement, qui exploite l’infrastructure métallique d’un
skyscraper avec une virtuosité de feu. Le cinéaste est un esthète du découpage, de la rythmique, de la musicalité des plans ; il donne ici à un genre souvent méprisé ses lettres de noblesse. Les petits maîtres d’aujourd’hui seraient avisés d’en prendre de la graine.
5/6
Top 10 Année 1988
À la poursuite d’Octobre rouge
Cette fois c’est dans la tension des regards, l’intensité des dialogues, le confinement des lieux que McT déploie son art orfèvre de la narration : tout est précis, méticuleux, élégant, tout élève le suspense à la hauteur d’un jeu stratégique moulé dans l’ère pré-
glasnost. Pas une seconde de relâchement, un sens du détail, du montage, de la dynamique, de l’agencement visuel qui transcende magistralement le récit, des enjeux psychologiques traités en profondeur, avec un véritable souffle lyrique. Formidablement entouré (Baldwin, Neill, Glenn – seconds rôles précieux), Sean Connery y impose un charisme affolant et compose un merveilleux personnage dont l’utopie et le mystère rappellent le Nemo de
20.000 mille lieues sous les mers. Le score de Poledouris parachève cette fascinante partie d’échecs sous-marine. Totalement fan.
6/6
Top 10 Année 1990
Last action hero
"
Être ou ne pas être" ? Ne pas être… En mode autodérision ravageuse, Schwarzenegger se délecte à parodier son image et, parfaitement synchrone avec l’ironie du cinéaste, entérine le délire joyeux et ludique d’une entreprise comme grisée par son propre vertige. Préférer le risque à la surenchère est un gage d’intelligence, et c’est ce dont témoigne ce carambolage inattendu entre
Terminator et
La Rose Pourpre du Caire, dont la prolifération d’effets de miroir favorise un récit schizophrène sans que jamais McTiernan ne cède un pouce de sa maestria technique. Le plaisir roboratif pris devant ces pas de deux entre fiction et réalité, devant ces dialogues réjouissants qui crépitent à cent à l’heure, devant ces clins d’œil et ces gags hilarants, font du film un idéal d’
entertainement malin et audacieux.
5/6
Une journée en enfer
1995 : apogée et enterrement du film d’action contemporain. Depuis plus de vingt ans, aucune réussite du genre n’arrive à la cheville de ce monument d’énergie brute, de virtuosité pure, de jouissance absolue, qui fait accéder le divertissement au rang d’art majeur et balade le spectateur dans tous les sens à la manière d’un tour de montagnes russes. C’est bien simple : il y a quelque chose d’expérimental dans les scansions viscérales de la caméra, dans le rythme fou des enchaînements, des raccords, des audaces techniques. À chaque vision le film propulse au septième ciel : dix répliques-culte par minute, un humour dévastateur, les prises de bec Willis-Jackson, la suavité vénéneuse d’Irons, New York transformé en terrain de jeu dynamité par les retournements affolants de l’intrigue… Jubilation, j’écris ton nom.
6/6
Top 10 Année 1995
Le treizième guerrier
Le beau bug de production que voilà. Entre McTiernan et Michael Crichton, auteur du roman initial, le torchon a paraît-il sévèrement brûlé. Et le résultat final, quelque part entre
Les Sept Samouraïs et
Le Temple Maudit, a bien dégusté au passage. Difficile d’imaginer ce que souhaitait le réalisateur devant ce brouillamini complètement déséquilibré, truffé d’incohérences atterrantes, de transitions approximatives, et dont la narration frise parfois l’amateurisme. Le plus souvent informe, sans grand souffle épique ni véritable cohésion, le film échoue en majeure partie à éclairer le mystère de la civilisation viking mais se rattrape au terme d’une mise en place fastidieuse avec des scènes d’action chaotiques, barbares, fondées sur les motifs du feu, de la brume et de la nuit. C’est bien peu.
3/6
Thomas Crown
Glamour, suspense et classicisme. Mélange dosé avec un impeccable sens des proportions, qui apporte à ce remake la patine d’un (très) bon divertissement. McTiernan joue sur la photogénie des interprètes et des décors, sur le sens du timing civilisant le polar au lieu de le heurter. Il y a de
La Main au Collet dans cet élégant jeu du chat et de la souris entre un gentleman-cambrioleur et la femme qui cherche à la coincer, dans ce thriller de velours, ce suspense sans méchant chorégraphié comme une chatoyante comédie policière, cette mécanique parfaitement réglée dont le balancement entre séduction et prédation, le découpage simple, le rythme précis et les clins d’œil (du cheval de Troie aux fils de l’homme de Magritte) dispensent un plaisir sans mélange, jusqu’au bouquet final sur
Sinnerman.
4/6
Mon top :
1.
À la poursuite d’Octobre rouge (1990)
2.
Une journée en enfer (1995)
3.
Piège de cristal (1988)
4.
Predator (1987)
5.
Last action hero (1993)
Il y a quelque chose de formidablement indécidable et schizophrénique chez McTiernan : un raffinement presque aristocratique dans la conception brute, organique, viscérale de son filmage. Suprêmement précis et élégant, maniant l’intelligence et la décontraction avec la même classe, son cinéma a porté l’art de l’action, du mouvement, de la dynamique à des hauteurs inédites, en ne négligeant jamais son récit, ses personnages et son propos. J’adore.