Cette dernière caractéristique saute aux yeux dans le magnifique Duellistes. Scott compose ses cadres avec soin, il alterne très intelligement les plans fixes avec caméra à l'épaule (lors des duels notamment, remarquablement filmés) ; la reconstitution historique minutieuse sonne vrai alors que son aspect esthétique aurait pu être un frein à son authenticité...
Mais ce qui frappe le plus tout au long du film, c'est la photographie, une des plus belles que j'ai vu : les éclairages sont tout bonnement extraordinaires. Les extérieurs, grandioses, ont une lumière limpide, dorée, transparente ; les intérieurs, superbement photographiés soit à la lumière du jour qui perce, soit aux chandelles, comportent quelques-uns des plus beaux clairs-obscurs du cinéma.
Chaque plan semble un tableau ; d'ailleurs, j'adore les plans où Scott part d'une sorte de nature morte totalement picturale.
L'hommage au sublissime Barry Lindon de Kubrick est très évident ici, sans jamais peser, sans jamais phagocyter le talent propre de Scott : dans l'attention portée aux éclairages, dans la façon de filmer les extérieurs, dans l'utilisation des zooms... D'ailleurs, je trouve que le zoom est généralement assez moche esthétiquement ; or, chez Scott, comme chez Kubrick, je le trouve merveilleusement utilisé.
L'interprétation concourt à la perfection du film : Keith Carradine mmm qu'il est séduisant est excellent, très touchant, Keitel est sanguin et nerveux à souhait et donne de l'épaisseur à un personnage très énigmatique, et Albert Finney est marquant malgré la brièveté de son rôle. J'ajoute que l'actrice - dont je ne connais pas le nom - qui joue la première amoureuse de d'Hubert livre une prestation intense et poignante.
Enfin, une autre grande qualité du film, c'est son histoire, assez déroutante a priori, parce que très originale, et parce qu'en fin de compte, on ne connaîtra jamais vraiment les motivations qui poussent ces deux hommes à se battre sans relâche, et surtout celles qui font de Keitel un obsédé du duel. C'est donc un film très énigmatique.
En dehors des pistes de réflexion que lance Scott, notamment sur le concept d'honneur, je vois aussi dans ce film (interprétation très personnelle) un film en filigrane sur l'Empereur, sur Napoléon. C'est le magnifique plan final qui me donne cette idée (ceux qui l'ont vu comprendront, je ne le révèle pas à ceux qui ne l'ont pas vu). Un film sur cet homme qui a livré bataille sur bataille, qui a toujours couru après quelque chose qu'il ne pouvait s'expliquer lui-même, une sorte de course vaine au sein de laquelle il a toujours été finalement très seul (comme le personnage de Keitel dans le film). Un homme qui est mort en solitaire...
Voilà, un vrai coup de foudre en somme

