Opening Night (John Cassavetes - 1977)
Publié : 31 oct. 15, 19:51
Alligator a écrit :Opening Night (John Cassavetes, 1977) :
7.5/10
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Déconcertant. Vu en vo sans sous-titres français, j'ai passé le plus clair de mon temps à lire de l'anglais. Et j'ai eu le sentiment de ne pas tout comprendre. De naviguer en eaux troubles. Entre cauchemar ou réalité. De nager entre les relations floues et les amours hésitantes de Myrtle. En plein désarroi, ce personnage erre et pas étonnant que je suive son chemin. C'est presque une invitation à la dérive, une main tendu et serré, celle de Myrtle, qui nous pousse dans les retranchements de la narration, vers des recoins assombris, ambigus que la mise en scène agitée, naturelle, angoissée, accolée à l'histoire, et donc parfaitement en adéquation avec son sujet accompagne avec brillance.
C'est mon premier Cassavetes. Et il m'a laissé d'abord sans voix. Difficile de mettre des mots sur ce que j'avais cru ne pas comprendre. Tout aussi dur est d'en mettre sur un ressenti partagé entre désorientation, incompréhension et admiration. Incompréhension quant à cette souffrance du mal vieillir que je n'ai pas encore appréhendée et qui me reste étrangère, étrange, éloignée, difficile à cerner. Admiration pour le jeu des comédiens/acteurs, la malicieuse et pertinente association entre la scène du théâtre et la "vraie" vie des personnages, entre la réalité et le rêve cauchemar.
J'ai bien senti que le film avait de la puissance sous le capot, que je ne l'ai qu'approximativement apprécié et qu'il me faudra le revoir, plus tard, plus âgé, pour le siroter à sa juste valeur.
Joe Wilson a écrit :Opening night (Cassavetes)
Un film assez immense sur l'art, qui se fond dans la vie, sur le temps qui passe, sur la vieillesse, sur la souffrance.
Opening night développe une densité exceptionnelle de thèmes, avec une aisance confondante. Car on a toujours l'impression d'un flot continu de gestes et de paroles, tout coule de source. Et Cassavetes dévoile une énergie, une euphorie assez admirables. Si le film est rude, brûlant, éprouvant parfois, il reste toujours l'impression d'une force, d'une légereté vertigineuse, les personnages, malgré leurs failles, étant toujours portés par leurs passions, leur tendresse, leur affection.
Gena Rowlands est évidemment éblouissante. Le drame inaugural est un symbole, un catalyseur d'une réflexion, d'une angoisse décisives. Son cheminement poignant bouleverse, il offre une nudité magistrale, une fragilité de tous les instants. Ce trouble est d'abord brutal et ingérable, mais c'est cette crise, au bout du tunnel, va lui offrir une apothéose libératrice.
Son jeu est d'un naturel déconcertant et foudroyant. Il magnifie une confusion entre cinéma, théâtre, et vie quotidienne...son regard est si proche, son attitude si touchante, que toujours on est saisi, incapable de prendre de la distance. Cassavetes célèbre l'instant, la fierté d'être submergé par son émotion, et c'est le triomphe d'une vision passionnée de l'existence.
Opening night reflète aussi la nécessité pour Cassavetes de travailler autour d'un groupe resserré et soudé. Si bien que souvent, on ne sait plus très bien si la troupe joue, répète...la spontanéité et fulgurante. Le dernier face à face Cassavetes/Rowlands, prodigieux, hilarant, et saisissant, est particulièrement caractéristique de cet état d'esprit. La simplicité des retrouvailles du final scellent définitivement une complicité généreuse. Indispensable.
Cassavetes pose toujours la question des relations humaines...en se mettant en danger, l'équilibre du film ne tenant qu'à un fil, il sublime la vérité des liens, la puissance quotidienne de nos sentiments. Dans un tourbillon qui se renouvelle sans cesse.
Frances a écrit :OPENING NIGHT (1977) de John Cassavetes avec Gena Rowland, Ben Gazzara, Joan Blondell, Paul Stewart.
Il fait nuit, il pleut à verse, Myrtle Gordon (Gena Rowland) quitte le théâtre et affronte une foule d’admirateurs pressée là, en quête d’autographe. Parmi eux une jeune femme, la suit jusqu’à sa voiture, avant de se faire renverser. Le drame va bouleverser l’actrice.
Opening night est de ces films qui vous marquent durablement. La charge émotionnelle est si forte, si vive que l’on en sort un peu abasourdi ; qu’un laps de temps est nécessaire pour émerger et revenir à la réalité. Cassavetes explore la résonnance entre théâtre et cinéma, sonde la perméabilité entre réalité et au-delà, visite le thème du double, observe la mouvance des sentiments. Myrtle porte la somme des peurs et des angoisses d’une femme de son âge, d’une actrice de sa condition.
La beauté et le succès sont encore au rendez-vous, mais ils sont susceptibles de disparaitre - parce qu’on n’arrête pas le temps et qu’elle ne sent pas la pièce qu’elle répète –. La mort violente de son admiratrice (réelle ou fantasmée ?) est l’onde de choc qui fait remonter à la surface les démons que Myrtle porte probablement en elle depuis quelque temps déjà : la peur de vieillir, le manque d’amour, la solitude, les frustrations professionnelles, son aptitude à jouer, etc. Autant d’interrogations, de constats amers qui la font tituber dans les vapeurs d’alcool.
Gena Rowland merveilleuse, sublime dans chaque plan incarne la fragilité (et la force) de Myrtle avec une vérité incroyable. Un film exceptionnel et totalement bouleversant.