Il me semblait intéressant de faire un tout petit peu plus long à propos du Cornel Wilde dont je parlais dans le topic des films du mois et sur lequel je n'ai pas trouvé d'avis. Quelques idées agrémentées de quelques captures du DVD Criterion:
The Naked Prey (
La Proie Nue, Cornel Wilde - 1965)
Afrique du sud, époque coloniale. Un homme (jamais nommé - Cornel Wilde) guide un riche trafiquant d'ivoire et son expédition dans un safari. Ils rencontrent une tribu a priori amicale, mais à laquelle le financier refuse d'offrir un traditionnel cadeau. La tribu encercle alors leur campement et les faits prisonniers. Après avoir cruellement exécuté tous les membres de l'expédition, le guide est dévêtu et se voit offrir une "chance" : il peut s'enfuir et ils le chasseront.
Cornel Wilde, d'abord connu comme acteur dans les années 40 et 50, et que je connaissais surtout pour son rôle dans
The Big Combo, l'excellent film noir de Joseph H. Lewis, s'est tourné vers la réalisation au milieu des années 50. Il dirigera 8 films, pour la plupart tombés dans l'oubli. Il semble toutefois que
Beach Red soit un film de guerre intéressant. C'est au milieu de cette courte filmographie que l'on trouve cet atypique
The Naked Prey, violente et intense histoire de chasse à l'homme
Cette variation sur le thème de
la chasse du conte Zaroff semble en fait librement inspirée des aventures, fictives ou réelles, de l'explorateur John Colter qui vécut la même expérience au début du 19ème siècle avec les indiens Blackfoot. Cette aventure est transposée par les scénaristes Clint Johnston et Don Peters, ce qui leur valu d'être nommé pour l'oscar du meilleur scénario original.
Le film est presque uniquement centré sur la chasse. Après quelque minute, la situation est exposée. Et la poursuite commence. On note déjà l'une des premières originalités du film, puisque à ce moment, l'essentiel du dialogue a été dit à quelque mot prêt. Il consistait en de cours échanges entre Wilde et le trafiquant d'ivoire. Le reste du dialogue se fera parmi les membres de la tribu, dans un langage que le spectateur ne peut comprendre. Cornel Wilde se centre sur l'étude des réactions primaires de son héros, face à la nature et aux éléments.
Tout le reste du film est une lutte et une course. Constamment, Cornel Wilde, appelé "un homme dans le générique" ce qui nous le désigne comme un individu quelconque du genre humain, doit combattre pour sa survie. Il fuit ses poursuivants, les tue au passage, lutte contre la chaleur écrasante, contre les animaux sauvages, et doit apprendre à manger dans une nature hostile.
Cette nature me semble être le point central du film, rarement elle aura été aussi dangereuse dans un film. Pouvant tuer à chaque instant, elle place l'homme, noir ou blanc, à l'état d'animal sauvage, ne pouvant que reproduire le comportement des animaux, même dans ce qui pourrait sembler le plus cruel, pour survivre, car seul le meilleur peut survivre.
L'image, très réaliste, rappelle le documentaire, elle nous fait percevoir les événements comme réels. D'ailleurs, l'essentiel de la bande sonore est fait de bruits et de chants tribaux, pour nous maintenir dans ce réalisme qui exacerbe l'hostilité d'un environnement dans lequel tout fait peur : les poursuivants bien sur, mais aussi la faune et la flore.
Cornel Wilde mène la fuite à un train d'enfer. Sur ce fond darwinien, les événements se succède sans que l'ont puisse reprendre notre souffle, le film file à cent à l'heure, toujours en mouvement, l'action prenant presque de vitesse la caméra, le tout filmé dans de splendide décors, magnifiquement mis en valeur par le cadrage et surtout par la photographie de H.A.R. Thomson, qui travailla surtout comme cadreur dans de nombreux grand film et qui livre ici une ouvre magnifique.
Dans cette intensité, Wilde renvoie dos à dos esclavagistes blancs et noirs, comportement détestable du colonisateur et sauvage de certaines tribus mais n'oublie pas la dignité du héros et celle de ces poursuivants qui se respectent dans l'heure combat. Les scènes ou les poursuivants pleurent ceux qui meurent dans ce combat, soutenues par des chants tribaux, sont d'ailleurs parmi les plus magnifiques du film.
The Naked Prey est un film d'aventure formidablement divertissant. C'est aussi une intéressante réflexion sur la nature de l'homme et sur son opposition au monde sauvage. Parfois touchant, parfois drôle aussi (par exemple la répétition des ratés de Wilde lorsqu'il cherche à se nourrir), il s'agit d'une production atypique, portée par un magnifique Cornel Wilde, charismatique à souhait et dont la condition physique fait des merveilles. Un film à découvrir, jusqu'à son plan final parfait de sobriété. Une grande découverte.