La Dernière Chevalerie / Last Hurrah for Chivalry (1979) est un projet ambitieux pour John Woo qui vient d'enchaîner des succès au box-office. Hommage à Chang Cheh, il livre un film de sabre à la fois nostalgique (comprendre : mélodramatique, premier degré et un poil désuet) et portant déjà sa marque (il en signe également le scénario).
La mauvaise idée, ce serait justement de ne le regarder que pour y chercher sa signature et les germes du Syndicat du Crime ou de The Killer. Il y a des évidences, à commencer par les deux chevaliers qui croient encore à l'honneur et l'amitié, affrontant ainsi ensemble un chef de clan qui lui a oublié ces valeurs (pour assouvir sa vengeance et asseoir son pouvoir, il manipule, trahit, ne respecte rien, n'a plus le code moral de son père auquel il n'est pas digne de succéder), le tout se concluant par un ultime carnage à rallonge. Il y a aussi (mais à petite dose) quelques effets de style ou de montage caractéristiques, auxquels il manque encore le lyrisme naïf des chefs-d'œuvre qui suivront. Sauf qu'à trop vouloir y trouver des prémisses d'autre chose, on en finirait par oublier de regarder le film pour lui-même.
J'avoue que les films d'arts martiaux ne sont pas trop mon truc lorsque les combats s'y réduisent à des démonstrations techniques. Ici c'est trop souvent le cas : un coup, un geste, un mouvement, un enchainement, et on recommence. C'est démonstratif et ce n'est que ça, il n'y a ni enjeu ni tension, ni danger ni implication du spectateur dans ce qui devrait pourtant être un duel à mort. Ajoutez à cela un récit trop classique, trop balisé, et on obtient un film qui se laisse suivre sans ennui mais sans vraiment transporter le spectateur. Woo n'a ni violence physique de Chang Cheh ni l'élégance de Chu Yuan, le jeune réalisateur est encore trop dans la démonstration un peu vaine lui aussi.
Heureusement, au bout d'une heure, quand on arrive dans la dernière ligne droite qui mène aux deux gros affrontements terminaux, Woo se lâche et devient plus inventif. Du cracheur de feu à l'homme endormi, il se passe enfin quelque chose de vivant dans les combats, et la boucherie finale n'a pas à rougir à côté de celles des futurs polars melvilliens de la décennie suivante.
C'est grâce à cette deuxième heure (et à l'interprétation de Damian Lo et de Wei Pai, et une petite guitare funky sympa aussi) que La Dernière Chevalerie dépasse la simple matrice, ce qui se traduira par un 7/10. Sauf que commercialement le résultat ne sera pas à la hauteur des ambitions, renvoyant John Woo vers une production alimentaire pour quelques années. Patience...