Re: Josef Von Sternberg (1894-1969)
Publié : 6 déc. 12, 00:03
Revu samedi pour la 4eme ou 5eme fois The Dock Of New York, cette fois en dvd Criterion.
Un marin (Bill) à terre pour la nuit épouse dans un bouge une jeune fille Mae qu'il vient de sauver du suicide. Leur histoire rappelle celle de Lou et Steve 3 ans plus tot qui se retrouvent dans le même bar. Bill quittera Mae au petit matin mais...
Histoire classique chez Sternberg de la femme qui sauve l’homme qui finalement sauvera la femme (Salvation Hunter, Shanghai express, …).
L'ouverture sur la scène dans la soute est magnifique a tout point de vue et emblématique de la capacité de Sternberg a érotiser les corps (ici masculins) par sa science de la lumière. Facile en apparence, l'utilisation des graffitis pour évoquer la frustration sexuelle des personnages s’avère particulièrement subtile sous la camera de Sternberg.
Le sommet du film est probablement la scène centrale du mariage, entre les mariés surpris par leur décisions et assumant, la foule goguenarde mais en un sens respectueuse et le prêtre dubitatif.
Passage particulièrement érotique en deux temps lorsque Bill dépose Mae inconsciente et trempée sur un lit et lui enlève ses chaussures (même si c’est Lou qui continue le déshabillage, on pense à la fameuse scène absente de Vertigo) et la retrouve plus tard éveillée. Sternberg use alors d'un jeu de contraste puissant entre la blancheur de l'actrice blonde et le noir de la veste cuir de Bill.
Betty Compson, beauté fragile et blessée, préfigure la Marlene dans Agent X27 par exemple (vu de dos à un moment, la silhouette est la même et on comprend en quoi que le "personnage de Marlene" est bien une création de Sternberg).
Mais le plus intéressant est, il me semble, son travail sur George Bancroft.
Sternberg a toujours été un cinéaste d’hommes (Cronenberg lui doit beaucoup sur ce point). Il connaît bien Bancroft qu’il a dirigé dans Underworld et the Dragnet et qui retrouvera pour Thunderbold.
Malgré les nombreuses allusion à sa « virilité » (Mae lui tâte les biceps), l’acteur assume ici une part tres intéressante de féminité voulu par Sternberg: il est soigneux de son allure, sensible, arbore une veste cuir dejà mentionnée et un petit foulard essentiel, et se substitue à Mae trop emue pour enfiler le fil dans le chat d’une aiguille. Les personnages se reconnaissent comme semblables et ceci n’est possible que si chacun assume la part de l’autre sexe qu’il porte. Sternberg poussera encore plus loin cette approche dans Morocco (Gary Cooper s’y prêtant particulièrement bien !).
Ce parti pris contribue à la subtilité du film.
D’un point de vue narratif, le parallèle entre le couple Bill/Mae et Lou/Steve pourrait paraître artificiel et superflu mais au contraire l’ambiguïté et la complexité des sentiments des personnages de Lou et Steve se retrouvant apres 3 ans est importante et est restitué uniquement par le jeu des acteurs et la mise en scène. Le film baigne ainsi dans une sorte de flottement, cohérent de l’ambiance nécessairement particulière d’une nuit unique à terre.
Plastiquement magnifique d’un bout à l’autre et d’une étonnante subtilité sur une trame simpliste, c’est probablement le chef d’œuvre de Sternberg.
Je conseille franchement pour pleinement profiter de ce film, comme d’ailleurs des autres muets de Sternberg, de le voir sans musique : tout apport est superflu et gâche la beauté ou le rythme du film !
Un marin (Bill) à terre pour la nuit épouse dans un bouge une jeune fille Mae qu'il vient de sauver du suicide. Leur histoire rappelle celle de Lou et Steve 3 ans plus tot qui se retrouvent dans le même bar. Bill quittera Mae au petit matin mais...
Histoire classique chez Sternberg de la femme qui sauve l’homme qui finalement sauvera la femme (Salvation Hunter, Shanghai express, …).
L'ouverture sur la scène dans la soute est magnifique a tout point de vue et emblématique de la capacité de Sternberg a érotiser les corps (ici masculins) par sa science de la lumière. Facile en apparence, l'utilisation des graffitis pour évoquer la frustration sexuelle des personnages s’avère particulièrement subtile sous la camera de Sternberg.
Le sommet du film est probablement la scène centrale du mariage, entre les mariés surpris par leur décisions et assumant, la foule goguenarde mais en un sens respectueuse et le prêtre dubitatif.
Passage particulièrement érotique en deux temps lorsque Bill dépose Mae inconsciente et trempée sur un lit et lui enlève ses chaussures (même si c’est Lou qui continue le déshabillage, on pense à la fameuse scène absente de Vertigo) et la retrouve plus tard éveillée. Sternberg use alors d'un jeu de contraste puissant entre la blancheur de l'actrice blonde et le noir de la veste cuir de Bill.
Betty Compson, beauté fragile et blessée, préfigure la Marlene dans Agent X27 par exemple (vu de dos à un moment, la silhouette est la même et on comprend en quoi que le "personnage de Marlene" est bien une création de Sternberg).
Mais le plus intéressant est, il me semble, son travail sur George Bancroft.
Sternberg a toujours été un cinéaste d’hommes (Cronenberg lui doit beaucoup sur ce point). Il connaît bien Bancroft qu’il a dirigé dans Underworld et the Dragnet et qui retrouvera pour Thunderbold.
Malgré les nombreuses allusion à sa « virilité » (Mae lui tâte les biceps), l’acteur assume ici une part tres intéressante de féminité voulu par Sternberg: il est soigneux de son allure, sensible, arbore une veste cuir dejà mentionnée et un petit foulard essentiel, et se substitue à Mae trop emue pour enfiler le fil dans le chat d’une aiguille. Les personnages se reconnaissent comme semblables et ceci n’est possible que si chacun assume la part de l’autre sexe qu’il porte. Sternberg poussera encore plus loin cette approche dans Morocco (Gary Cooper s’y prêtant particulièrement bien !).
Ce parti pris contribue à la subtilité du film.
D’un point de vue narratif, le parallèle entre le couple Bill/Mae et Lou/Steve pourrait paraître artificiel et superflu mais au contraire l’ambiguïté et la complexité des sentiments des personnages de Lou et Steve se retrouvant apres 3 ans est importante et est restitué uniquement par le jeu des acteurs et la mise en scène. Le film baigne ainsi dans une sorte de flottement, cohérent de l’ambiance nécessairement particulière d’une nuit unique à terre.
Plastiquement magnifique d’un bout à l’autre et d’une étonnante subtilité sur une trame simpliste, c’est probablement le chef d’œuvre de Sternberg.
Je conseille franchement pour pleinement profiter de ce film, comme d’ailleurs des autres muets de Sternberg, de le voir sans musique : tout apport est superflu et gâche la beauté ou le rythme du film !